JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRE8, Dimanche
lYeuvième année. IV10 »iv.
10 Septembre 1871.
Paraissant le dimanche.
PIUX »'AU0SIE1IEHT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; A fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
Pltl\ l»ES AMOICES
ET DES RECLAMES
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On sYabonne a Ypres, On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Tout.es lettres
au bureau du Journalrue de Oixmude, 59. ou envois d'aryent dpivent étre adressés franco au bureau du journal.
Comme il était facile de le prévoir, les enfantil-
lages de la majorité mouarchique de l'Assemblée
nationale de France n'ont trompé personne, et il
n'est pas un journal sérieux qui se fasse la moindre
illusion sur la signification du vote. L'Univers,
feuille ultramontaine. déclare sans embages que
la République est faite. Son langage est trés net.
Pour l'immense majorité des Francais, dit-il,
nous sommes en République et M. Thiers est le chef
de l'Etat. Toutes les susceptibilités parlementaires
disparaisseut devant ce fait. M. Thiers est lout, l'As
semblée n'est plus rien. On parlait jusqu'ici de l'As
semblée nationale comme du seul gouvernement du
pays, on ne pariera plus maintenant que de M. Thiers.
Le voila élevé dans l'opinion publique au rang
des souverains, jesqu'a ce qu'il entre avec l'histoire
dans la chronologie des rois. II est Ie gouverne
ment.
Ce n'est certes pas ce que voulait faire l'Assem
blée mais en faisant ce qu'elle a fait, elle n'a pas
assez compris que Ie pays ne comprendrait rien a
ses habiletés. De fait, la majorité monarchique a
mis la France en République et en M. Thiers. II
lui était facile de s'en tenir au provisoire, faute de
mieux 1
Les appréciations des journaux sur la loi Vitet
nous semblent done peu importantes en face du seul
résultat clair, certain, populaire, que tout le monde
verra et comprendra.
C'est assez bien cormaitre la France. Telle est,
en effet, la signification exact du vote ,de l'As
semblée. Les prétendants ne s'y tromperont pas
non plus, lis comprendront que, par ce vote, leur
position est cbangée. A la rigueur, ils pouvaient
soutenir, il y a quelques jours, qu'ils étaierit
devant une sorte d'anarchie. Or, ils sor.t main-
tenant devant un gouvernement conslitué, régulier,
représenté par un liomme trés éminent et qui in-
spirera pleine confiance a toute l'Europe. On ne
l'attaquerait pas impuncment. L'empire d'Alle-
mogne n'a pas attendu vingt-quatre heures pour
accréditer son envoyé auprès du premier président
de la République fran^aise.
M. Thiers n'est pas un Washington, mais,
pour le moment, ce n'est pas d'un Washington
que la France a besoin. C'est, au contraire, d'un
homme tel que M. Thiers, et il est ainsi la plus
parfaite expression de la situation, qui eüt été
embarrassante pour un héros de républicanisme.
Du reste, ce héros de républicanisme, ajoutons de
vertu, n'eut pas été nommé.
A dire vrai, nous croyoris que M. Thiers est
au fond plus républicain qu'on ne pense et nous
ne doutoris pas qu'il ne soit, de plus, trés flatté de
I'honneur qui lui est fait. II connait aussi trés bien
la France et il n'ignore nullement que cette
élection de l'Assemblée l'agrandit de cent cou-
dées.
Et ce n'est pas peu de chose pour lui que de
passer ainsi de plein pied dans l'histoire, de voir
son nom, que toute sa notoriété politique et litté
raire n'aurait pas sauvé de l'oubii, entrer, comme
le dit l'Univers, dans la chroaologie officielle et
marquer, dans l'histoire importante de son pays,
une nouvelle époque et un noureau gouvernement.
Les rois et les empereurs sont tombés, la Répu
blique commence Premier président Thiers.
C'est autre chose pour un homme que le grand
cordon de la Légion d'honneur qui n'a jamais
distingoé personne.
Nous pensons qu'au fond M. Thiers doit
éprouver une satisfaction immense, paree qu'il
ne doit de comptes qu'a une assemblée. II n'est
probablement aucun homme d'Etat éminent a qui
n'ait pesé plus d'une fois Ie joug des cours et les
préjugés de caste. On peut être né bourgeois,
être un grand homme, on ne peut pas être un due
et pair de droit héréditaire. On demeure un glo-
rieux parvenu.
Toute supériorité sociale souffre de l'autorité
des préjugés et des traditions.
Nous disons cela pour faire comprendre que la
République se consolidera en France paree que
c'est un pays d'égalité. Lans l'esprit d'égahté il y
a toujours un peu d'envie. On veut cette égalité
du haut en bas, et un roi gêne paree que chacun
ne peut pas être roi. Mais tout le monde peut
aspirer devenir président de la République;
tout Francais naitra avec ce portefeuille-la son
chevet, et cela a encore eet avantage pour un
peuple tel que le peuple francais,d'affranchlr d'un
respect qu'on n'est pas éloigné de qualifier de féti-
chisme. Quand le peuple francais fait des révolu-
tions, il court aux Tuileries, et le plaisir le plus
recherché, avant de brüler Ie tróne, c'est de s'as-
seoir dessus. Pourquoi? Paree qu'il n'était pas
permis de le faire. C'était le seul siége de France
ou l'on ne pouvait pas espérer de s'asseoir un
jour. Soyez sur que ie Francais verra avec plai
sir que le tróne ne soit plus qu'un fauteuil prési-
dentiel. II est dans la nature de ce peuple de
penser ainsi, et le bourgeois dira avec orgueil
sou fils, habillé en garde nationalMon ami, tu
peux maintenant arriver a 'out. Si tu cesses de
fourrer tes doigts dans ton nez, tu deviendras
président de la République.
Les journaux bruxellois annoncent qu'on pré
pare au ministère de l'intérieur un grand travail
de récompenses pour les instituteurs qui se sont
distingués par leur zèle et leur dévouement dans
l'exercice de leurs fonctions il s'agit de décerner
un assez grand nombre de décorations civiques, a
l'occasion des fêtes de septembre.
Hum avec un ministre tel que le Kerwyn
de Tartuffenhove il faut se défier des présents
gouvernementauxet nous gagerions un franc
du Pape contre la livrée ducale du délicieux
Wasseige que les instituteurs crucifiés vers la fin
de septembre appartiendront a cette catégorie
des enseigneurs-sacristains qui se constituent les
hommes-liges de MM. les curés, conduisent doci-
lement leurs élèves 5 la procession, et cirent avec
autant de platitude que d'bypocrisie les bottes
de certains inspecteurs civils confits en dévotion.
Nous avons dit que M. le baron Kervyn de Letten-
hove, fils du ministre de 1'intérieor, avaitété appelé
devant M. le juge Scheyven, deux mois et vingt-sept
jours après ('attentat commis sur la personne de
M. Victor Hugo. Nous apprenons aujourd'hui que
M. le baron Dumesnil a été également iuterrogé sur
le même sujet.
Les deux baronnets ont refusé de prêter le serment,
h moins, ont-ils déclaré, de ne pas être interrogés sur
les personnes qui les accompagnaient. Le juge de
struction ne pouvantadraeltre de serment reslrictif,
les a condamnés a cent francs d'amende, les considé-
rant comme témoins défaillants.
Faits ct gestes de la Société d'Sexploitation
générale.
Nous avons raconté, il y a buit jours, comment
le 1" de ce mois les voyageurs de la Flandre oc
cidentale avaient du faire le pied de grue Cour-
trai. Le lendemain, nouvel accident sur la même
ligne. Une bolte de la locomotive s'était échauf-
fée et le train qui doit partir d'Ypres pour Pope-
ringhe A 3 h. 39 m. de relevée n'arriva dans la
première de ces localités qu'a 4 heures. On sait
que l'échauffement d'une holte peut occasionner
|e bris de l'essieu et amener conséquemment les
plus grands malheurs. Que pense le lecteur qu'on
fit de la locomotive? La remiser en attendant ré-
paration? Nullement. On la détacha du train en
partance pour Ypres et elle conduisit les voya
geurs a Waruêton, l'existence de ceux-ci étant
apparemment moins précieuse, aux veux de la
Société d'exploitation, que l'existence des voya
geurs pour A pres et Popeiinghe!
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee
Le tout payable d'avance.
VH'ÏSES, Septembre 189