D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
JOURNAL
vieme
YPRES, Dimanche
année. I\° 41.
8 Octobre 1871.
PHIX D'ABONtfEMElIT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Uk Numéro 25 Centimes.
Paraissant ie dimanche.
ntiX 1>ES AAMO.ICEK
ET DES RECLAMES
10 Centimes la petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes»
Le tout payable d'avancr.
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensèe
On s'abmne a Ypres,
au bureau du Journalrue de Dixmude, 59.
On traile a forfait pour les annonces souvent reproduces. Toutes lettres
ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
T iii loi d<? 1843.
La Constitution a proclamé la iiberté et l'égalité
de tous les cultes, en même temps que la compléte
séparation de l'Eglise et de l'Etat. La société est
devenueessentiellement et irrévocablement laïque.
U n'est pas vrai, comme on l'a dit a tort, qu'elle
soit devenue athée elie est fondée sur Ie senti
ment religieux, mais en dehors de tout dogme
positif et de tonte influence cléricale.
Ces principes de notre droit public ont été
méconnus et foulés aux pieds par le législateur de
1842. En meltant l'enseignement de la doctrine
catholique au programme de nos écoles primaires,
•en dormant au clergé le droit d'inspection et de
surveillance, l'Etat a commis une double faute
il a empiété sur un domaine qui n'est pas le sien
il s'est fait le serviteur d'un culte et est devenu
un instrument de propagande.
11 n'y a pas plus de rapport entre l'Etat et
l'Eglise, qu'entre l'Etat et la géométrie, disait au
Congres national M. Nothomb. Pouvoir indépen-
dant et supérieur, l'Etat doit a tous les cultes
respect et protection, mais il ne peut en recon-
naitre, en adopter aucun. 11 ne peutdavantage
accorder a l'un des faveursqu'il refuserait l'autre.
La Constitution lui trace l'inflexible devoir de
rester impartial et de ne pas compromettre son
prestige en descendant dans l'arène religieuse
pour s'y faire le champion d'une doctrine.
Peut-on dire que nos gouvernants soients restés
fidèlesa ces prescriptions constitutionnelles? Nous
ne le pensons pas. En imposant aux élèves de nos
écoles primaires I'étude du cathéchisme catho
lique, l'Etat est sorti de sa sphère legitime d'ac-
tion. Ordonner ses instiluteurs d'enseigner les
dogmes d'un culte, n'est-ce pas, nous le deroan-
dons, adopter ce culte, n'est-ce pas favoriser une
religion aux dépens de ses rivales, n'est-ce pas
constituer un privilege abusif De quel droit
l'Etat se mêle-t-il de prècher une religion, lui
qui doit rester étranger toutes De quel droit
déclare-t-il que les doctrines catholiques seules
seront enseignées, l'exclusion de celles des
autres communions
A cette question, nos advèrsaires ont une
rèponse aussi fausse qu'elle parait simple. Le ca-
tholicisme, disent-ils, est la religion de la majorité;
voilé pourquoi l'Etat le préfère. C'est la changër
maladroitement une question de principe en une
question de nombre. Quand tous les Beiges
seraient catholiques, le droit de l'Etat ne s'en
trouverait pas accru, et l'illégalité de l'immixtion
gouvernementale dans l'enseignement religieux
demeurerait évidente. Les principes posés par la
Constitution sontgénéranx et s'appliqmnt a toutes
les situations de fait qui peuvent se présenter. Le
spirituel et le temporel doivent rester séparés, non
pas en consideration des difficultés et des conflils
qui pourraient naitre de la coexistence de différents
cultes, mais en vertu d'une ttéorie rationnelle
érigée en loi par nctre cbarte de 1831.
L'argument qu'on prétend tirer de la plus ou
moins grande extension du culte catholique a,
du reste, le tort immense de sacrifier cotripléte-
ment les droits de la minorité et de placer les dis
sidents dans une condition d'infériorité marquèe.
Donner l'enseignement religieux aux catholiques
et le refuser aux protestants et aux juifs constitue,
de la part de l'Etat, une injustice criante, une
violation des principes d'égalité proclamés par nos
constituants. Si, comme le prétendent nos adver-
saires, l'Etat a le devoir d'instruire dans Ia foi
le*»enfants nés de parents orthodoxes, ce même
devoir ne lui incombe-t-il pas vis-a-vis des enfants
nés de pères Iuthériensou israélites? A-t-on oublié
que tous les Beiges sont égaux devant la loi
On nous objectera que les dissidents recevront
l'éducation religieuse dans le temple ou dans la
synagogue. Et les catholiques, répondrons-nous,
n'ont-ils done pas leurs églises Est-ce bien
l'insliluteur qui doit enseigner le catéchisme,
alors que le gouvernement rétribue grassement
un nombreux clergé, qui n'a d'autre mission que
celle de prêcher la foi Ne confondons pas des
attributions qui doivent rester distinctes et sé-
parées. A chacun sa téche au maltre d'école a
initier les jeunes générations aux éléraents des
connaissances humaines au prêtre a dévoiler
l'enfant les mystères de sa destinée.
Mais nous entendons déjé les folies incrimina
tions de no9 adversaires L'enseignement,
s'écrient-ils, doit étre la fois scientifique et
moral. II faut que l'enfant, en même temps qu'il
apprend lire, soit mis au courant des devoirs qui
lui incombent. Les libéraux veulent pervertir
l'enfance et étouffer en elle tous les nobles in
stincts ils veulent faire de l'école un foyer
d'athéisme, un antre d'irréligion et d'impiété.
Voilé ce que rêpètent journellement les feuillcs
catholiques, espérant tromper le public par leurs
injurieuses déclamations.
Les reproches qu'elles nous adressent sont
marqués nu coin d'une impudente mauvaise foi.
Non, MM. les catholiques, nous ne voulons pas
bannir la morale de l'enseignement. Nous sommes
d'avis que toutes les facultés de l'enfant, celles du
cceur comme celles de l'esprit, doivent recevoir un
développement parallèle. Ce n'est pas nous qui
préconiserons jamais une éducation tronquée
nous la voulons compléte, large et généreuse. Si
nous reléguons dans i'enceinte du temple l'ensei
gnement dogmatique du culte catholique, pouvez-
vous en conclure que nous sommes des fauteurs
d'immoralité Auriez-vous, par hasard, le mono-
pole de la morale, et votre catéchisme en serait-il
le seul code? Ne confondons pas, s'il vous plait,
la morale et la religion. Les préceptes moraux
sont indépendants de toute doctrine religieuse ils
préexistaient a la naissar.ee des religionsc'est sur
eux qu'elles sont modelées, c'est sur eux qu'oD
s'appuie pour les juger. Ils sont innés au coeur de
l'homme et constituent cette loi naturelle dont
notre conscience est l'organe, dont le remords est
la sanction.
C'est cette loi que nous voudrions voir com-
menter, expliquer, développer dans nos écoles.
L'instiluteur prendrait a téche de pénétrer ses
jeunes élèves d'un saint respect pour tout ce qui
est noble et grand il s'efforcerait de leur inspirer
l'amour de la vertu, la baine du vice il leur prê-
cherait la justice et la charité il leur ferait aimer
la Iiberté et l'égalité il leur parlerait de la patrie,
en exalterait I'histoire et irait chercher dans nos
annales, des exemples de dévouemeot, d'abnéga-
tion, de courage civique qu'il proposerait ses
auditeurs. Le spectacle des magnificences de
l'univers le conduirait parler de Dieu, créateur
de toutes choses et père de tous les êtres. Former
des hommes justes et intègres, des travailleurs
intelligents et laborieux, des citoyens en état
de servir utilemeut leur pays, tel est le but qu'il se
proposerait.
Voilé l'éducation telle que nous la comprenons
voilé l'enseignement moral que nous voudrions voir
substituer a la stérile étude du catéchisme. La
révision de la loi de 1842, que nous appelons de
tous nos vceux, ferait faire a l'instruction un pro-
grès considérable elle affranchirait l'instituteur
de l'influence souvent trop tyrannique du clergé
elle remplacerait d'utiles et salutaires lemons, le
fatras d'énigmes dont on charge, aujourd'hui, la
mémoire des élèves elle ferait rentrer l'ensei
gnement dans les voies constitutionnelles et réali-
serait Ie principe de droit public auquel M. Schol-
laert rendait naguère hommage
Que lo curé reste dans sa chapelle,
Le professeur a l'université.