JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPÏIES, DimaDche
Neimème année. N° 45.
5 L\ ovembre 1871
Paraissant Ie dimanche.
PRIX MES AINOICEK
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Les petits-frères.
C'était une question trés controversée parmi
les jurisconsultes romains de savoir coabien il
fallait de têtes de bètail pour composer un trou-
peau.
Le jour oü il plaira au Journal d'Ypres de ré-
pondre notie dernier article sur les pehts-frères,
nous l'engageons a nous dire, par la mème occa
sion, combien d'exceptions il faut, d'après lui,
pour constituer une régie.
Depuis une dizaine d'années, il n'est pour
ainsi dire pas de mois que les journaux libéraux
n'aient a signaler, soit en France, soit en Bel-
gique, soit ailleurs, des turpitudes immondes
comroises par des religieux, principalement par
des frèresde la doctrine chrètienne.
A quoi les journaux cléricaux ne manquent
jamais de répondre que ce sont la de déplorables
exceptions qui n'enlèvent rien a l'autorité de la
règle et que c'est une criante iniquité de rendre
la généralité des religieux responsable de l'infa-
mie de quelques- uns.
lis auraient raison, Ses journaux cléricaux, s'il
ne s'agissait, en eifet, que de quelques-uns,
comme ils disent. Mais quand ces quelques-uns
se comptent par centaines, la question devient
plus grave et il y a lieu, pour le pbilosophe
comme pour l'homme d'État et l'aliéniste de s'en
occuper sérieusement.
Sans doute ce n'est pas une raison, paree que
même plusieurs centaines de religieux d'un cer
tain ordre auraient commis un certain crime,
pour accuser tous les autres. La justice a déja
bien assez de flélrir les coupables sans envelopper
dans leur déshonneur des hommes qui n'ont de
commun avec eux que l'hab'it qu'ils portent.
Aussi n'est-ce point la la question que nous avous
soulevée, mais uniquement celle de savoir si, eu
égard a la frêquence des abominations qui se
commettent dans les écoles de petits-frères, i! n'y
avait pas lieu de considérer la fréquentation de
ces écoles comrae souverainement dangereuse
pour l'enfance.
Supposons qu'il s'agisse, non pas d'une abomi
nation de cette nature, mais d'une maladie con-
tagieuse, de la petite vèrole par exemple, et que
l'on ait observé que cette maladie est beauccup
plus fréquente et plus dangereuse dans les écoles
de petits-frères que dans les écoles laïques. II
n'est certainement pas une mère qui hésitèt. a re-
tirer son enfant de cnez les petits-frères pour le
placer l'école communale. On aurait beau lui
dire, a cette mère, que tous les frères ne sont pas
attaqués de la petite vérole, que le plus grand
nombre se portent trés bien, que les malades
sont ('exception. L'exception suffirait pour la dé-
cider a soustraire son enfant au foyer de la conta
gion.
Et pourtant la petite vérole n'est rien en com-
paraison des infamies auxquelles nous fesons allu
sion. Que l'on consulte toutes les mères toutes
répondront qu'entre la crainte de perdre leurs
enfants et celle de les exposer a devenir les vic—
times d'une hideuse débauche, leur cceur ne ba
lance pas. Dès lors, comment expliquer, si ce
n'est par un coupable aveuglement, le sentiment
qui les engage a confier l'éducation de leurs en
fants des établisseinents aussi légitimement
suspects a leurs yeux que ceux des frères de la
doctrine chrètienne
Encore si les établissements laïques ne leur
offraient pas, au point de vue religieux, les ga
ranties desirables. Mais non. Les écoles commu-
nales, régies par la loi de 1842, sont placées sous
la surveillance directe du clergé, qui en dirige
l'enseignement religieux et moral avec une pleine
liberté. Que faut-il de plus aux mères de familie
pour les rassurer?
Elles préfèrent l'éducation que donne les petits-
frères. Soit! Mais que l'Eglise, si elle ne veut
pas achever de déshonorer son enseignement,
avise aux moyens de le purger des ignominies
dont les petits-frères le salissent. Le Journal
d'Ypres sait-il un raoyen? Encore une fois, qu'il
s'explique! Nous, nous avons dit le nótre le
mariage. Si notre pieux confrère en connalt un
meilleur, nous sommes prêts a l'écouter.
Quant a nous persuader que nous prèchons
l'immoralité paree que nous conseillous au haut
clergé de permettre aux petits-frères de pratiquer
le saint sacrement du mariage, toute la rhéto-
rique doublée d'injures du Journal d'Ypres u°y
parviendra pas.
Le modêrantisme a un but, loujours le même
mais il o'a pas de principes, ou, ce qui revient au
même, il en change suivaut les besoinsdu moment.
Le but permanent est la conservation de la
caisse et de la place. Tout ce qui arrondit la
bourse et gonfle le traitement, est boa,'est bien.
Le grand doctrinaire dece parti, M. Guizo\ le
reconnaissait, lorsqu'il lui criaitEnrichissez-
vous II s'est formé une forteresse redoutable,
sirion inexpugnable.
Instruit, habile, intelligent, de cette intel
ligence de savoir-faire propre aux gros mangeurs,
le parti modéré a su gouverner sa barque au
milieu destempêtes politiques etsociales,obéis3ant
tantót au courant royaliste, tanlót a i'ouragan po
pulaire. Opposant l'un l'autre, il s'est toujours
retiré du con flit au bon moment.
Placé entre deux adversaires, il excelle dans
l'art de se débarrasser d'eux, en lés jetant l'un sur
l'autre. II a des intelligences dan9 les deux camps.
Son centre, son juste milieu oscille volontiers,
comme tout corps gros et rónd sa droite donne
des poignées de mains aux avant-postes royaiistes,
sa gauche énerve les republicans. Le modéré,
juge entre deux plaideurs, sait toujours gober
1'huitre.
Le modéré, toujours positif, n'a pas de senti
ments propres, mais il sait faire servir ceux des
autres ses intéréts. II ilatte lour tour, soit !e
peuple, soit l'ancienne aristocratie, suivant qu'il a
plus ou moins h redouter les revindications de
l'un ou de l'autre.
La modératioh de ce parti n'est pas la qualitê
morale que la langue nomme ainsi c'est la fonc-
tion mécanique, materielle du sabot, appüquée
au char du progrès de l'humanité. Lorsque ie pro-
gres menace Ie modéré, cel u i - ei n'hésite pas a
jeter en travers les ruines et les cadavres. La
rèpression impitoyable est son mot quand il est
le plus fort. La ruse et ia dupücité sont las res-
sources, toujours efficaces, lorsqu'il craint uue
défaiteQuant l'intérét du modéré est meriacé,
modere monarchists et modéré républicaio savent
s entendre. Ils ne différent au fond que sur une
menace, monarchie constitutionnelle, ou répu-
blique de Gênes ou de Venise, c'est tout un, c'est
l'oligarchie, non l'oligarchienobiliaire, suceptible,
elle, de quelques générosités et qui a un cosur
orgueilleux, mais un cosur. Le modéré n'a pas une
conscience, il a une bourse. I! n'a pas un cceur,
il a un estomac. II a un ventre affamé il n'a pas
d'oreilles. L'oligarchie modérée est la plouto-
cratie.
La plus grande, la plus dangereuse habileté du
modêrantisme a été d'attirer dans son rayon
d action ceux qui, n'ayant pas en eux I'orgueil de
I ancienne race conquéraute, ou rintelligence
supérieure qui place I'ordre dans la justice et non
dans la force, n'ont trouvé que dans une coalition
Un Numéro 25 Centimes,
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee
Le modêrantisme.