JOURNAL D'ÏPRES DE
YPRES, Ilimanche
Dixième année. 2,
14 Janvier 1872.
PH1X D'ABOSSEMEiT
POUR LA BELGIQUE
francs par an; A fr. SO par semestre.
Pour l'Etranger, Ie porl en sus.
Ua Numéro 25 Centimes.
i'BIX UES AASOÏCES
ET DES RECLAMES
10 Centimes Is petite ligne.
Corps dn Journal, 30 centimes*
Paraissant le dimanche.
On s'abonnea Ypres,
au bureau du Journal, rue de Dixmude, 59.
On traite d forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d1argent doivent etre adressés franco au bureau du journal.
L'an de grace 1872 commence Lien pour la
presse pieuse on s'y chamaille avec une ardeur
sans seconde, et pas plus tard qu'hier, le Bien
Public recevait, sur sa respectable échine, une
volée de bois vert que lui appliquait a grands
tours de bras - devinez qui un prêtre de
Bruxelles, M. l'abbé Benard.
II s'agit des articles, inouïs de violence, que la
feuille gantoise a publiés sur M. Defacqz, et des
reproches amers adressés par elle a M. le ministre
de la justice quia assisté aux funérailles de
M. le président de la cour de cassation.
Après avoir rappelé que tous les catholiques
du barreau et du palais, y compris M. de Gerlache,
n'ont cessé de réndre un éclatant témoignage a la
calme intégrité de MDefacqzMl'abbé
Renard reproche au Bien Public d'empiéter sur
les droits dé 1' autorité ecclésiastique, de commettre
une incroyable usurpation de pouvoir, de
s'exposer peut-être acréer une erreur dans l'église
et a pervertir la foi, etc., etc. Puis M. l'abbé
Renard s'écrie
Nos évêques ont assisté a la levée du corps
de Léopold Ierle recteur magnifique de l'Alma
Mater et le clergé ont suivi son convoi funèbre.
Or, vous savez que ce roi a vécu,est mort et a été
enterré comme protestant.
Prenez-y garde, monsieur le rédacteur, vous
pourriez bien mettre en cause, avec M. De Lant-
sheere, le représentant du Saint-Siége lui-même,
qui croit parfois pouvoir rendre un certain devoir
civil a des collègues en diplomatie, morts dans
l'hérésie, c'est-a-dire dans l'inimitié de l'Eglise
catholique.
n Ces actes n'ont jamais été désavoués par 1'au
torité suprème. De quel droit désavouez-vous ce
lui de M. De Landsheere? Et comment surtout
osez-vous ériger votre désaveu en doctrine? n
L'ahurissemcnt et la stupéfaction du Uien public
dépassent les bornes connues du plus haut co-
mique. Être secoué de la sorte par la main d'un
ecclésiastique qui passe lui-même pour un fana-
tiquel Le journal gothique n'en revient pas.
Avant de répondre a un prêtre qui nous écrit
sur ce ton, gémit lamentablement la feuille gan
toise, nous voulons prendre le temps de la ré-
flexion...
Et le pauvre journal, toujours si doux, si ré
servé dans sa polémique, se plaint, avec des lar-
mes dans la voix, d'être accusé de la manière la
plus amère et la plus violente.
C'est navrant!
Que cos hommes de Dieu continuent a s'éreintcr
et a se houspiller confraternellementLa ga
lerie s'en amuse ef on n'a pas tous les jours l'oc-
casion de rire de si bon cceur.
Le plus clair de tout cela, c'est que le zèle aveu-
gle et intolérant des meneurs du parti clerical et
des écrivailleurs de sa presse devient aujourd'hui
insupportable même au clergé beige, si dévoué a
la cause de l'ultramontanisme. Les voila accu
ses une fois de plus de se montrer plus catholiques
que le Pape, et ce n'est plus la presse libératre qui
le ditc'est l'abbé Renard qui l'affirme.
P.-S. On fera boire au Uien public le calice
jusqu'a la lie. Voici que le Journal de flruxelles
fait intervenir dans le débat Saint-Alphonse de
Liguori. II appert de la doctrine de ce bienheu-
reux, que le Bien public s'est fourré le doigt dans
l'ceil avec la plus déplorable légèreté et qu'il n'a
plus qu'a biffer tous les articles qu'il vient de
publier contre M. le ministre de la justice.
Le Bien public devra done se soumettre, a moins
qu'il ne se décide a traiter Saint-Alphonse comme
un libératre vulgaire, éventualité assez peu pro
bable.
II est vrai que, pour la tribu des Veuillotins,
Bossuet lui-même sent un peu le fagot. Enfin,
nous verrons.
La Discussion formule son programme politique
dans une série d'articles dont nous nous occupe-
rons prochainement. Voici comment elle le for
mule
Le parti libéral, en Belgique, a sa raison
d'être dans la lutte contre le catholicisme poli
tique. II a pour principe la liberté de conscience
et d'examen, pour origine nos grandes luttes du
xve siècle contre le despotisme et l'inquisition
d'Espagneses ancêtres sont Guillaume le Taci-
turne et Marnix de Sainte-Aldegonde, son but
actuel l'indépendance de l'Etat en face de l'Eglise
catholique romaine.
II n'a point, comme le parti catholique, l'unité
facile. Celui-ci a pour maxime fondamentale la
soumissionil repose sur le principe d'autorité et
sa hiërarchie, que soutient une discipline do fer,
est un édifice au sommet duquel tróne le pape in-
faillible, entouré de souverains de droit divin, ses
fils soumis et fidèles, esclaves de l'Eglise et mai-
tres des peuples. Sa nombreuse armée est con
duite par des prêtres qui ont fait vceu d'obéir
dans de telles conditions l'unité du corps doit être
poussée jusqu'a l'anéantissement des individus.
n Le parti libéral, au contraire, n'a point et ne
saurait avoir d'unité absolue de principes. II est
formé de groupes divers, différant entr'eux par
des principes fondamentaux, réunis seulement par
un but commun et temporairement supérieurle
triomphe de la société civile sur le catholicisme
politique. En dehors de ce but, son unité se rompt
en perdant sa raison d'être qui n'est qu'une néces-
sité de lutte contre l'ennemi commun
L'hostilité contre' le parti catholique a formé
et maintient la grande union qu'on nomme le
parti libéral.
Après une longue série de considérations sul
les diverses nuances du libéralisme, la Discussion
termine ainsi son dernier article
La force d'aujourd'hui du parti libéral, dans
le cadre étroit de notre régime électoral, c'èst la
petite bourgsoisie; cette classe active, laborieuse,
aux moeurs simples, formée de ceux dont les
pères, pour la plupart, furent ouvriers, et dont les
fils le seront peut-être. Ceux-la touchent de si
prés a la classe ouvrière, que la limite précise qui
les en sépare n'est pas saisissable. Toute exten
sion du droit de suffrage doit augmenter leur in
fluence. L'instruction obligatoire leur amènera
des légions d'alliés. Si la démocratie, qui s'impose
a tous les peuples comme la loi supérieure et iné-
vitable du xixe siècle doit pénétrer en Belgique
sans guerre civile, la petite bourgeoisie des villes
et des campagnes, éclairée par l'instruction, lui
ouvrira, par la légalité, les portes du pouvoir po
litique qui, tót ou tard, seront brisées par la vio
lence si. l'on s'obstine a les tenir fermées.
Tels sont les éléments qui forment le parti li
béral en Belgique Des hommes retenus dans les
liens de la religion catholique par conviction ou
par respect humain en face de libres-penseurs
d'une part des bourgeois opulents, des industriels
et des financiers millionnaires, des grands proprié-
taires, des families puissantes, et d'autre part une
bourgeoisie démocratique sortie du peuple avec
lequel elle conserve de nombreux points de con
tact, sans vives sympathies pour la haute bour
geoisie, mais dépendant souvent d'elle par ses
intéréts. Voila ce qu'il faut unir aujourd'hui a
tout prix sous une bannière commune, sous peine
de subir indéfiniment le joug de la politique catho
lique romaine.
j) Comment résoudre ce problème? On ne le
fera pas par des métaphores empruntées a la pein-
ture, qui faussent en même temps les lois de l'art
et celles de la politique. Le parti libéral serait a
jamais perdu s'il devenait l'école des nuances in-
termédiaires et la tribu des eunuques. On n'y
parviendra pas davantage par des compromis sur
les principes et sur les personnes, comme celui qui
marqua jadis d'une si triste tache l'histoire du li
béralisme bruxellois.
Une seule solution est possible pour nous
Elle repose sur trois principes, que nous dévelop-
perons prochainement
1° La formation d'un programme commun,
formel, clair, sans ambiguités et sans réticences,
mais expressément circonscrit aux questions clé-
rico-libérales.
2° Le droit absolu a l'intégrité des principes
et des opinions sur toutes les autres questions po
li tiques et économiques.
n 3° Dans les élections, le respect de la volonté du
corps électoral loyalement consulté dans les asso
ciations politiques, sans candidatures ofïicielles ou
officieuses, sans fournées d'électeurs amenés en
troupeau la veille du poll, sans intrigue et sans
coalition des chefs ou des candidats.
A Monsieur l'éditeur de ^'Opinion.
Une brochure avec ce titre
La politique et la morale des Jésuitesprix 75 een-
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