JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
Le tout patable d'avance.
YPRES, Dmianche
Dixième année. JV° 36.
25 Aout 1872.
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LA MORALE DE CES MESSIEURS.
C'est un régal pour nos petits vicaires
que de se moquer de la morale indépen-
dante. Nous permettront-ils de parler un
peu de la morale catholique
Elle est ancienne, la morale catholique,
elle a gouverné le monde pendant des siè—
cles, elle en gouverne encore une honne
partie actuellement. Qu'a-t-elle produit?
Nos petits vicaires crient volontiers a la
demoralisation publique. Pour eux et leurs
pareils, le monde est un abime de corrup
tion et de perversité.
Soit. Mais a qui la faute, si ce n'est a l'in-
suffisance ou, pour mieux dire, a la perver
sité de l'enseignement moral donné par
l'Eglise catbolicjue
Comment, pendant des siècles et des siè—
cles, l'Eglise a eu le gouvernement exclusif
des ames, elle a enseigné, sans contradic
tion, la science du bien et du mal, et elle
ose gémir sur la corruption du monde ac-
tuel
L'impudence est rare, en vérité. Dira-t-
elle, pour son excuse, que le monde s'est
montré rebelle a son enseignement? Ce
serait avouer qu'elle a été terriblement ma-
ladroite ou que ceux qu'elle pretend ensei-
gner ne veulent pas de son enseignement.
II n'y a pas a sortir de la ou bien l'Eglise,
comine éducatrice publique, a donné la
preuve d'une impuissance radicale, ou bien
le monde, qu'elle pretend gouverner, refuse
absolumciit de se laisser gouverner par elle.
Mais il y a deux pays, en .Europe, ou
l'Eglise catholique a pu maintenir plus
longtemps qu'ailleurs le despotisme de son
enseignement moral. Ces deux pays sont
l'Espagne et l'ltalie. Qu'en a-t-elle fait?
L'Espagne, ignorante et fanatique, se débat
depuis un demi-siècle dans les horreurs de
la guerre civile; et l'ltalie ne doit l'essor
nouveau qu'elle vient de prendre qu'a son
indépendance reconquise sur la vieille theo
cratie romaine.
Quand on a de pareils precedents dans
son passé, il serait au moins prudent de ne
pas tant s'égayei aux dépens de la morale
indépendante.
Et, sans aller chercher des exemples chez
d'autres peuples, sied-il bien aux petits
vicaires de parler morale au nom d'un parti
qui compte dans ses bagages les scandales
des affaires Langrand et les infamies sans
nom des petits-frères?
Croyez-uous, bons petits vicaires, laissez
la la morale. C'est un sujet de polémique
qui ne peut vous donner que des déboires.
LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SEXPLOITATION.
Dimanche dernier, combien de fêtes sur la ligne
de Courtrai a YpresCourtrai avait sa kermesse
et un concert, donné au pare de la Concorde, par
la Société d'Harmonie de CominesMenin-U al-
luin, ses courses; Wervicq, sa kermesse. Eêtes
sur toute Ia ligneLe temps étant des plus beaux,
toutes ces fêtes devaient être suiviesdes milliers
de voyageurs allaient encombrer nos stations, nos
lignes ferréesComment se fait-il que la Société
Générale d'Exploitation, elle la principale inté-
ressée de tout ce fourmillement de monde, igno-
rait que ces fêtes avaient lieu Nous disons
ignorait, car ce serait lui faire injure que de
supposer qu'elle en sut quelque chose, après avoir
agi comme l'a fait.
Le premier train du matin déposa une foule de
voyageurs a chacune des stations de Courtrai,
Menin, Wervicq. Les trains suivants, et surtout
ceux de l'après-dinée, de 2 h. 35 m. et 5 h. 33 m.,
versèrent dans chacune de ces villes plus de
voyageurs qu'il n'y avait de places réglementaires
dans leurs voitur es. Tout augur ait un retour de
plus de deux mille personnes au train de 9 heures
du soir, et prescrivait a la Société Générale d'Ex
ploitation d'ajouter a ce train un nombre de voi-
tures supplémentaires en rapport avec le nombre
de voyageurs qu'on aurait au retouretce nombre
de retours pouvait facilement être calculé par le
nombre d'arrivées.
Mais, bastces Messieurs de l'exploitation au-
raient beau faire de ces calculslis font leur
servicevoila tout. C'est leur réponse.
Quel service? Voyons
Dès avant cinq heures et demie du soir, plu-
sieurs centaines de voyageurs se trouvent a la
gare de Menin pour prendre, les uns, le train de
5 h. 50 m. vers Ypres, les autres, le train de
6 h. 10 m. vers Courtrai. Un seul commis, plus
lent qu'une tortue, distribue tout a l'aise trois
cachets a la minute, sans se soucier de l'heure qui
approche et de la grande quantité de voyageurs
qui désirent partir. Quand les trains arrivèrent,
on n'avait pas distribué le quart des coupons de-
mandés Les trains n'en partirent pas moins,
laissant la plupart des voyageurs retenus en
dehors de la gare par des portefaix empêchant le
passage, sous les ordres d'un petit Monsieur a
voix flutée, qu'on nous dit être le chef de station,
et qui se démenait comme un diable dans l'eau
bénite pour retenir dans la bonne ville de Menin
les amateurs de courses désireux de partir.
Au train du soir, même désordre et voitures
insuffisantes. Décidément, la Société Générale
s'arrange bienLes voyageurs, cette fois-ci, per-
dent patience et n'écoutant ni le petit a voix
flutée, ni les portefaix, forcent l'entrée de la gare
et des voitures, et s'encaquent tout le mieux qu'ils
purent. Mais le petit Monsieur ne se tient pas
pour battu il fait descendre de ci de la quelques
voyageurs qui se glissent dans d'autres comparti-
mentsil aurait continué ce manége jusqu'au
matin si tout le monde n'avait perdu patience,
même les gardes de train qui donnèrent le signal
de départ sans attendre les ordres de la calotte
am ar ante.
Le public se fatiguera bientot des fêtes de Me
nin. Ce n'est pas tout d'y aller, il faut savoir en
partir.
A Warvicq, le train arriva, vers 9 h. 30 m.,
tellement bien rempli, que les compartiments de
première, a huit places, contenaient quatorze per
sonnes au moins et qu'il y avait le même trop-
plein dans les secondes et les troisièmes. La, se
trouvaient environ trois cents personneson les
plaga quand même, pas toutes, cependant, car
nous avons vu de mallieureux voyageurs retenus,
battus et foulés aux pieds par les portefaix de
station, probablement pour avoir trouvé a redire
sur la manière dont le service les exploitait. Com
ment, dira-t-on, placer trois cents voyageurs dans
un train trop rempli de moitié? C'est la un tour
de force que nous croyions impossible avant di
manche dernier ce jour-la nous l'avons vu et
nous en avons jugé comme le peut un voyageur
arrivé dix-huitième dans un compartiment de huit
places! Quel phénomène mirobolant! Quand on
exploite, il ne faut rien faire a demi.
A Comines, descendirent une foule de voya
geurs dont le départ nous permit de respirer plus
a l'aise. Mais par défaut d'avertissement, un cer
tain nombre de personnes, croyant aller a Armen-
tières, arrivèrent, toutespenaudes, a Ypres, jurant
et tempêtant contre les chemins de fer beiges.
La journée de dimanche n'aura assurément pas
fait grand honneur au personnel de la Société
générale d'Exploitation. L'imprévoyance, le sans-
gêne et la tyrannie des employés de tous grades,
attachés a cette Société, mécontentent on ne peut
plus, les populations de nos Flandres. La plupart
des employés sont rudes, lourds et malhonnêtes,
au point de donner des coups de poing au monde,
comme cela s'est fait a Menin, et de terrasser, a
Wervicq, un voyageur qui faisait, sans doute,
quelque réfiexion judicieuse sur le mauvais état
du service.
II n'y a pas, toutefois, que le personnel qui
laisse a désirerle matériel est malpropre, incom
mode et insufiisant, tellement insuffisant qu'alors
que l'Etat a 1,589es voitures a voyageurs par kilo-
mêtre,la Société n'a que 0,3816S voitures par égale
étendue de voie.
Doit-on alors être surpris de l'insistance de nos
populations a faire reprendre le réseau des Flan
dres par l'Etat Si cette reprise s'effectuait, nous
verrions des employés polis, un matériel sufiisant,
et les voyageurs traités mieux que des colis et au
moins aussi bien que des bestiaux, ce qui n'est pas
le cas sous le régime de la Société générale d'ex
ploitation, sous lequel on entasse dix-huit voya
geurs la ou il n'y a place que pour huit, et on
surcharge chaque voiture a voyageurs d'un train,
d'un excédant de poids d'au moins quinze cents