JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPHES, Dimanche Dixième année. 44. 211 Octobrc 18Y2,
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AUX PÈRES DE FAMILLE.
Les vacauces sont teriniuées. De tous
cötés sonne pour les écoliers l'heure de la
rentree des classes. En attendant que la loi
vienne donner a 1'eflseignement le carac-
tère exclusivement laïque, comme elle le
fera sans hésiter le jour ou les gouverne-
mcnts auront compris les véritables besoins
des sociétés modernes, les parents se sont
trouvés encore une fois dans 1'obligation de
choisir entre les écoles de l'Etat oil des com
munes, et celles des congregations reli-
gieuses. C'est la seule alternative qui leur
soit offerte dans la plupart des localités.
Dans certaines grandes villes, a Bruxelles
par exemple, des pensions libres, dirigées
par des laïques, s'offrent également a leur
cboix. Mais, en dépit de tons les efforts
tentés dans ces derniers temps, ceci est
encore l'exception. En thèse générale, l'op-
tion doit se faire entre l'enseignement de
l'Etat ou des communes et celui des congre
gations.
Pesons done une bonne fois les titres que
cliacun d'cux peut avoir a la confiance des
families, afin d'éclairer ceux dont le choix
ne serait pas fait encore, et d'inspirer aux
autres de salutaires reflexions pour l'avenir.
L'enseignement des congregations, au
moins sous l'empire de la législation beige,
n'olfre aucune garantie sérieusecelui de
Chacim sou tour.
On a vu que M. Thiers venait de faire exputser
de France un des membres de la familie Bona
parte, le trop célèbre prince Napoléon. C'est
le cas ou jamais de clire Chacun son tour.
II fut un temps en effet ou c'était M. Thiers
qu'on expulsait sur l'ordre de cette même familie
Bonaparte. Qui sait si ce n'est pas le même com-
missaire de police qui a exécuté les deux arrets
Les circonstances actuelles donnent un piquant
intérêt au récit qu'on va lire de l'expulsion de
M. Thiers en 1851
Le2 décembre 1851, a six heures du matin, un
commissaire de police, M. Hubaut ainé, suivi de
plusieurs agents, se présentait a la porte de l'hótel
situé a Paris, place Saint-Georges, n° 1, et habité
par M. Thiers.
Ce commissaire de police pénétra dans la
chambre a coucher du futur Président de la Répu-
blique. M. Thiers était endormi. M. Hubaut
l'Etat ou des communes est placé sous la sur
veillance immédiate des autoritésnationales.
Or, avec le système d'institutions qui nous
régit, qu'est-ce, en somme, que l'autorité
C'est la representation de l'ensemble des
families, puisque, le jour oü elle méconnait
la volonté du corps electoral, il suffit d'un
vote pour la renverser. L'enseignement de
l'Etat est done, en quelque sorte, soumis au
controle incessant des families elles-mêmes.
Quant au corps enseignant, il ue se com
pose pas d'inconnus, n'offrant aucune sur
face ni aucune garantie. Ce sont des hommes
du pays, que tout le monde connait, dont la
carrière s'est écoulée au grand jour, sous les
yeux du public. Ils n'ont été admis a pro
fessor qu'a la suite d'examens sérieux; ils
savent qu'ils n'obtiendront d'avaucement
qu'a la condition de faire prenve de dévoue-
ment et de capacité. Parfois, sans doute, la
faveur vient aussi jouer son role en cette
matière. Mais celui qui en a été l'objet n'en
est pas moins obligé de faire ses efforts pour
la justifier, sous peine de se voir obligé tót
ou tard de renoncer au poste qui lui a été
confié. Ce sont-la, d'ailleurs, des inconvé-
nients inhérents a toutes les institutions
humaines; quels qu'ils puissent être, ils ne
nous empêchent pas de dire hardiment qu'il
est a peu prés impossible d'introduire dans
l'enseignement public des sujets compléte-
ment indignes.
jeune écarté les rideaux de damas cramoisi, dou
blés de mousseline blanche, secoue vivement
M. Thiers en lui disant
Veuillez vous lever, monsieur. Je suis com
missaire de police et j'ai regu l'ordre de vous
arrêter.
M. Thiers se met sur son séant, frotte ses yeux
et s'adressant au commissaire de police
Yous dites?
Que je suis commissaire de police et que j'ai
l'ordre de vous arrêter.
Et pour quelle cause
Voila mon mandat.
Et le commissaire déroulait un papier signé du
préfet de police.
Je suis représentant du peuple et inviolable.
Peu m'importe. Je ne suis pas ici pour
cliscuter, mais pour exécuter les ordres que j'ai
regus.
Mais en violant la souveraineté nationale
dans la personne de l'un de ses représentants,
savez-vous que vous jouez votre vie
Allons, M. Thiers, veuillez vous lever, je n'ai
D'oü viennent, au contraire, les institu-
teurs congréganistcs? Qui le sait? Qui peut
le dire? Leur nationalité, leur moralité,leurs
aptitudes, mystère. II faut les accepter de
confiance, tels que leurs supérieurs les pré
sentent.
Mettons toutaumicux, d'ailleurs. Posons
en principe que ce sont a la fois de fort
honnêtes gens et des hommes d'une haute
capacité. Quelles idéés vont-ils inculquer a
la jeunesse? Quelles maximes vont-ils lui
enseigner? Lui apprendront-ils a chérir la
patrie, a aimer la liberté, a développer son
esprit de facon a se rendre utile plus tard a
ses concitoyens? Comment pourraient-ils le
faire? Leur point de depart est totalement
contraire a celui de la société moderne. Ils
subordonnent la science a la révélation, le
libre examen a la discipline, la patrie a
Rome.
Qu'arrivcra-t-il? C'est qu'au sortir de
leurs mains, l'enfant aura dans la tête et
dans le cceur un idéal absolument étranger
aux idéés de tous ceux parmi lesquels il est
appelé a vivre. II sera habitué a rêver une
société de fantaisie, sans le inoindre rapport
avec la réalité des choses, et se trouvera jeté
dans le monde sans rien connaitre, sans rien
soupconncr de son esprit et de son organi
sation. Trop heureux encore si, le voyant
doué de facultés supérieures ou d'une for
tune digne d'envie, les braves pères qui
pas a engager avec vous des discussions constitu-
tionnelles.
M. Thiers se leve et en s'habillant
Savez-vous si je suis le seul représentant
arrêté
Je n'ai pas a répondre.
Silence, pendant lequel M. Thiers so dirige vers
sa commode.
Puis revenant sur ses pas
Et si je vous bruiais la eervolle, M. le com
missaire de police..;
M. Hubaut mettant sa main droite dans la poche
de son paletot
J'ai pris mes mesures, monsieur Thiers.
Le droit serait pour moi, vous violez la Consti
tution et... mon domicile a une heure indue.
J'ai n'ai pas a discuter avec vous, vous êtes
trop savant. Veuillez ma conduire dans votre
cabinet de travail. J'ai l'ordre d'opérer une per
quisition chez vous
M. Thiers précède M. Hubaut dans son cabinet
de travail. Le commissaire de police ouvre tons
les meubles, fouille dans tous les tiroirs, examine
L'OPINIOIV