JOURNAL D7PRES DE L ARRONDISSEMENT
YPHES, l)i manche Dixième année. V 45. 27 Öctobre 1872,
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AURONS-NOUS UN DISCOURS DU TRONE?
Les grands carrés, qui se prétendent dans le
secret des dieux, sont en train de recommencer,
avec leur succès habituel, la petite scie de chaque
année. Dès que le mois d'octobre, en nous rame-
nant les premiers frimas, vient nous avertir que
les législateurs de la Belgique vont bientót rentrer
au bercail de la rue de la Loi, certains organes
lien informés nous annoncent de source certaine
que le'roi ouvrira lui-même la session. Quelques
jours après, quand la nouvelle a fait le tour de la
presse, un autre organe, non moins bien informé,
nous annonce, d'après les renseignements les plus
stirs, que le roi ne pariera pas, et que la session
s'ouvrira sans discours du tróne.
Nos lecteurs n'ont pas oublié la sollicitude avec
laquelle nous avons suivi 1'année dernière, pour
ariver a, les renseiguer avec quelque chance de
certitude, eet intéressant dialogue échangé entre
les officieux du jour et ceux de la veille, qui
aspirent a le redevenirII parlera II ne parlera
pas Nous savons de bonne source... Nous
savons le contraire de bien meilleure source
encore.
Et finalement il n'a pas parlé, ce dont les gens
a courte vue ont cru devoir conclure naïvement
qu'il n'avait rien a dire. Mais voila que cela
recommence cette année, et que nous sommes
menacés d'entendre, pendant les trente-sept
jours qui nous séparent encore de l'ouverture de
la session, ce refrain perpétuelII parlera!,.. II
ne parlera pas
Eh bien, allons de suite au fait, car, après
tout, quelque lecteur grincheux pourrait bien
nous dire Qu'est-ce que <ja me fait, a moi, que le
roi parle ou qu'il ne parle pas
Comment Qu'est-ce que cela vous fait Mais
s'il parle, c'est qu'il a quelque chose a dire et,
comme, dans ces circonstances solennelles, c'est
done que le cabinet Malou se décide enfin a avoir
une politique, et qu'il sent le besoin de nous en
faire part. Comprenez-vous
Nous savons bien ce que vous allez répondre
La parole a été donnée a l'homme pour déguiser
sa pensée et les catholiques, surtout, sont de
première force pour démontrer la vérité de ce
proverbe. Que les ministrés fassentparler lacou-
ronne, ou que la session s'ouvre sans déclaration
royale, ce n'est que d'après leurs actes qu'on
peut juger les hommqg politiques et le passé du
cabinet catbolique nous édifie suffisamment sur ses
projets en ce qui concerne l'avenir.
Ehbien, lecteur, c'est précisément ici que nous
vous attendons car enfin, depuis bientót un an
qu'il est au pouvoir,pouvez-vous nous dire ce qu'a
fait le cabinet, et en quoi son passé peut vous
édifier sur ses projets a vonir. II a fait les élec-
tions, c'est vraiet ses bons amis de l'épiscopat
ontmanoeuvré de facon a lui envoyer une chambre
dévouée, dont la majorité marebera comme un
seul homme. Mais que lui demandera-t-il, a cette
majorité? Quelles mesures va-t-il soumettre a son
approbation
La session dernière s'est passée presque tout
entière en interpellations, amenant généralement,
au lieu de réponses, un échange de personnalités
plus ou moins aigre-douces. Dans l'intervalle, le
ministère présentait timidement des projets qu'il
retirait le lendemain. Et ce jeu de navette légis—
lative s'est prolongé jusqu'a la veille du jour ou
le corps électoral s'est réuni dans ses cornices si
bien que les partis se sont rendus au scrutin sans
bien savoir ce qu'ils avaient a craindre ou a
espérer les uns des autres.
Maintenant que la farce est jouée, le voile va-t
il se lever La vérité va-t-elle se faire jour, et
saurons-nous enfin si le cabinet Malou a vraiment
en tête une autre préoccupation que celle de se
maintenir au pouvoir le plus longtemps possible,
en évitant soigncusement tout ce qui pourrait
soulever de ifcrop vives discussions
A vrai dire, cela nous parait quelque peu diffi -
cile a croire. II est si commode, en effet, de con-
server cette attitude de sphynx. Cela permet de
direaux libéraux«Vous voyez bien nous ne
sommes pas si noirs que nous en avons l'air.
Qu'est-ce que vos amis pourraient bien faire de
plus que nous? Puis, on se retourne versies
catholiqueset, mettant mystérieusement l'index
sur la bouche, on leur ditNe bougez pas, vous
les feriez crieret nous n'aurions qu'a avoir le
sort de feu le cabinet d'Anethan-Wasseige et Ce.
En somme, nous empêchons les autres de vous
tailler des croupières.
Nous devons avouer, quant a nous, que, la situa
tion étant donnée, nous ne voyons pas bien
l'avantage qu'aurait le ministère a rompre le
silence qui lui a si bien réussi jusqu'a ce jour.
Est-il décidé a suivreles inspirations de MM. les
évêques et a recevoir le mot d'ordre du Men
public Allons-nous voir sortir des cartons quelque
nouvelle édition de la loi sur les couvents Allons-
nous voir reparaitre le projet sur l'accise de la
bière La question des cimetières va-t-elle revenir
sur le terrain En un mot, le ministère se croit-il
assez fort, avec la majorité dont il dispose au
sein de la Chambre, pour arborer franchement le
drapeau de son parti, ou va-t-il essayer de nous
endormir encore par ses appels au modérantisme
et a, la conciliation? Dans le premier cas, il par
lera; dans le second, il ne dira rien.
A moins toutefois que le général Guillaume,
ennuyé du róle qu'on lui a fait jouer l'année der
nière, et prêt a mettre au jour sa fameuse orga
nisation militaire, ne joue a ses collègues le mau-
vais tour de les contraindre a mettre dans la
bouche du roi l'annonce de ce projet, contre
lequel ils ont si unanimement protesté lorsqu'ils
étaient dans l'opposition. Auquel cas le cabinet
catholique aurait cette singuliere destinée de
n'affirmer carrément ses resolutions que sur la
seule question qui soit absolument contraire a
son ancien programme.
II est vrai qu'il se ménage déja une porte de
sortie. Le Journal de Bruxelles s'évertue a nous
faire prévoir qu'il pourrait bien présenter un
projet de l'espèce sans poser la question de con-
fiance. II dirait a la Chambre Voila ce qu'on
m'oblige a vous proposer mais ne le votez pas, si
vous voulez. Cela m'est égal, et ce n'est pas pour
cela que je quitterai la place.
Elle est bien bonne, celle-laN'avoir pas d'opi-
nion arrêtée sur des questions de cette nature, et
le proclamer hautement. Et l'on appelle cela des
hommes politiques! Ah! s'il ne s'agissait que
d'une question d'uniforme, s'il n'y avait en jeu
que des boutons de guêtre, des pompons, ou des
plumets, nous comprendrions parfaitement qu'on
fit de l'adoption ou du rejet de la loi une question
secondaire. Mais il s'agit d'une question de prin
cipe. Le service sera-t-il ou ne sera-t-il pas obli
gatoire? Tout le monde sera-t-il soldat, oui ou
non C'est la-dessus qu'il faut s'expliquer. C'est
la, ce que le discours du tróne, s'il y en a un,
devra nous dire sans ambages. Et, ce qu'il aura
déclaré a ce sujet, le ministère en sera bien et
düment responsable, quoiqu'il veuille faire pour
l'éviter. Bon gré, mal gré, il y jouera ses porte
feuilles. Après cela, un peu plus tót, un peu plus
tard
LES HALLUCINATIONS.
Le monde est plein de fous, et qui n'en veut pas voir,
Doit chez lui s'enfermer et casser son miroir.
Nous avons tous en effet notre brin et notre
grain de foliece n'est que du plus ou moins. II y
a des fous actifs et des fous passifs, ceux-la, en-
trainant ceux-ci, qui se laissent faire, et bientót
les dépassent. L'histoire de l'humanité n'est que
l'histoire de la folie.
On ne remarque que les fous confirmés ou ceux
qui présentent des particularités sensibles. Voila
un homme qui secroit changéen théière. Le voyez-
vous le bras gauche arrondi et la main sur la
lianche pour former l'anse, tandis que le bras
droit, décrivant un S en l'air, figure le goulot.
Celui-ci a une jambe de verrepour ne pas s'ex-
poser a la briser, il reste étendu sur sa couchette.
L'OPIIION