JOURNAL DTI'RES DE L'ARRONDISSEMENT YPitES, Dimanche IMxième amiée. 47. IB J^oxembre 1872. PRIX D'ABOMIEIIEIIT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par sernestre. Pour l'Etranger, Ie porl en sus. Us Nümého 25 Centimes PRIX ÖES AMXOMCES ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, S0 centimes» Lb tout payable d'ayanck. Paraissant dimanche. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalrue d'Ëlverdinghe, 52. On traite a forfait, pour les annonces souvent reproduites. Tattles lettres I ou envois if argent doivent etre adressés franco au bureau du journal. Hcaiïait*o d'Evere. La voila done enfin terminée d'une manière definitive, cette fameuse affaire d'Evere, dont les longs et afiligeants débats ont si justementpréoc- cupél'opinion publique indignée. Tous les degrés de juridiction sont désormais épuisésil n'y a plus a y reveniret la magistrature suprème du pays a prononcé le dernier mot, qui rend bien et düment irrévocables les condamnations pronon- cécs par les juges de première instance et d'appel. Mais, si tout est dit relativement aux adminis trateurs, aux médecins, aux surveillants, dont l'incurie et la négligence, pour ne pas dire plus, ont amen'é, suivant les termes de l'arrêt, de si graves infractions a la loi, il s'en faut que tout soit dit également quant aux mesures a prendre pour éviter le retour de pareils scandales. La jus tice a terminé son oeuvre reste a l'administra- tion et a la législature a commencer la leur. Le passé est expié ou va recevoir son expiation il est temps de songer a protéger l'avenir. Personno n'a oublié, en effet, les tristes inci dents qui se sont successivemcnt dóroulés a, l'au- dience. On se souvient de ces malheureux qui ont eu les pieds gelés dans leurs cellules, de ces femmes qui en étaient réduites a rester pendant huit grands jours sans couverture, par un froid de quinze degrés de ces pauvres êtres livrés sans défense a la bru tali té d'un gardien qui les,faisait asseoir sur des épingles ou les piquait avec une alène. Et surtout aucyn de ceux qui ont assisté aux débats de cette affaire, n'a perdu le souvenir de cette horrible lutte, qui s'est prolongée pendant des heures entières, sans qu'aucun surveillant soit venu empêcher les aliénés de se tuer les uns les autres, en poussant des vociferations qui auraient suffi a réveiller un mort, mais qui sont demeurées impuissantes a éveiller l'attention des adminis trateurs d'Evere. II y a plus de six mois que les émouvants dé tails de cette scène tragi que ont été exposés de- vant la justice du payset ils ne sont sortis de la mémoire de personne. Aujourd'hui encore, avec la même vivacité qu'au premier jour, l'opinion publique répète cette parole que M. le procureur du roi n'a pas hésité a prononcer du haut de son siége La loi est mauvaise; j'espère qu'a la suite de ce procés, elle sera réformée. S'il faut en croire les bruits qui circulent dans certaines régions, il parait qu'on y songe sérieu- sement. u Le gouvernement, disent les grands-carrés, se serait rallié a l'idée de ceux qui pensent que l'Etat doit prendre les aliénés sous sa protection directe. Protectionle mot est assez bizarreet a coup sur il doit rendre bien imparfaitement l'idée qu'il a la pretention d'exprimer. II constituerait, s'il en était autrement, un singulier aveu. Ce serait con- venir que jusqu'ici, le gouvernement a compléte- ment négligé le devoir que la loi et l'humanité lui imposent de veiller sur ces pauvres êtres déshé- rités, dont il est le défenseur naturel. Ce serait convenir que tout le luxe d'inspection et de con trole, établi en cette matière par la législation existante, était une pure fantasmagorie, et qu'il est resté a l'état de lettre morte. On s'en doutait bien un peu, a vrai diro, en voyant que dos faits pareils a ceux de l'affaire d'Evere avaient pu se produire a la porte de la capitalc, en présence de 1'administration centrale, sous les yeux de la dé- putation permanente et de la magistrature. Espérons toutefois que la legon aura profité, que le controle sera plus efficace a l'avenir, et, que chacune des autorités qui sont chargées d'in- specter et de survoiller les maisons d'aliénés au- ront a coeur de ne plus se laisser tromper, comme elles l'ont été jusqu'au jour oü la vigilance de M. Ilejvaert a si heureusement coupé court a d'intolérables abus. II faudrait d'aillours, si les grands carrés sont bien informés, voir dans la penséc du gouvernement autre chose que le simple désir de mieux surv'eiller. II aurait l'intention formelle d'administrer lui-même a l'avenir, sous sa responsabilité personnelle, les établissements d'aliénés. Pourvu, mon Dieuqu'il les administre mieux que les cliemins de fer et les télégraphes A en juger par cette double épreuve de son savoir-faire, nous serions tentés de nous demander, en effet, s'il ne vaut pas mieux encore continuer l'état de choses actuel. Nous ne tarderons pas, au surplus, a être fixés a ce sujetcar il y a, nous assure-t-on, commencement d'exécution. On sait, lisons-nous dans le journal que nous citions tout a l'heure, qu'il existe a Mons un asile pour les femmes aliénées. Cet établissement est la propriété des hospices de Mons. Le gouverne ment vient d'en faire l'acquisition et, depuis, il a fait dresser des plans et devis pour l'agrandir, de fagon a ce que le nombre des pensionnaires puisse être porté de 150 a 500. Comme on le voit, il s'agit d'une sérieuse épreuve, faite sur une assez vaste échclle. Si elle reussit, la question aura fait un grand pas. Nul doute qu'alors, en effet, l'administration, encou- ragée par ce premier succès, ne se décide a faire également l'acquisition des autres maisons d'alié nés qui existent en Belgique. Mais, en attendant, et alors même que l'épreuve devrait être rapide- ment faite, il importe de veiller sérieusement sur ces autres établissements, de leur imposer un con trole sévère et, puisqu'il est bien prouvé, par l'aveu même des hommes les plus autorisés, quo la loi actuelle est insuffisanto, qu'on se hate de la changer. C'est la un intérêt de premier ordre, qui ne saurait souffrir le moindre retard. C'est une question d'honneur pour l'administration, qui ne doit pas s'exposer a laisser des atrocités pareilles a celles d'Evere se renouveler une seconde fois. N'y a-t-il pas, d'ailleurs, d'autres vosux for mulés depuis longtemps par l'opinion publique sur cette vaste question des aliénés, qui, depuis un demi siècle, a donné lieu, en France et en Bel gique, a de si éloquentes revindications, a de si chaleureuses et si émouvantes plaidoiries Ne convient-il pas de se préoccuper enfin de la fagon dont doivent être décidées les admissions dans les établissements d'aliénés Ne songe-t-on pas a s'inquióter de la deplorable facilité avec laquelle un homme parfaitement sain d'esprit peut être enfermé dans un cabanon, pour satisfaire la ven geance d'un ennemi ou servir la cupidité d'hóri- tiers empressés de jouir de sa fortune Yoila précisément que les journaux frangais nous annoncent la mort d'un homme dont une aventure de ce genre a rendu le nom célèbre, sous le règne du solitaire de Chislehurst, M. Sandon, avocat, qui vient de mourir, fut enfermé dans une maison de fous, paf ordre de M. Billault, alors mmistre d'Etat, prédécesseur de M. Rouher. II y passa plusieurs années, malgré les incessantes reclamations de sa familie et de ses amis et lorsqu'enfin il fut mis en liberté, il n'eut pas de peine a démontrer, par une magnifique plaidoirie, qu il jouissait de la plenitude de ses facultés. Ce qui n'empêcha pas le Sénat de lui refuser la juste reparation qu'il réclamait. De pareils faits sont la bonte de notre siècle. II faut que la législation les rende a tout jamais impossibles chez nous. LE COIN DES RÉPROUVÉS. La protestation de MM. les cures d'Anvers au sujet de l'exhumation du cadavre de M. J. K... et de son inhumation en terre bénite, nous remet en mémoire certaine question que nous avons posée naguère a nos trés pieux confrères du Journal. Rappelons d'abordque chaque fois que le clergé proteste contre une inhumation qu'il dé- sajoprouvo, il ne manque pas d'invoquer le prin cipe de la division des cimetières d'après les di vers cultes professes Or, a Ypres même, et bien qu'il n'y ait jamais eu ici qu'un seul culte professé, il y avait ancien- nement au cimetière un endroit non bénit. Cet endroit se trouvait a droite en entrant, et il y avait la, entr'autres tombes, le mausolée, depuis tombé en ruines, d'un colonel protestant nommé Dejonghe. Un beau jour, on a commence a enterrer dans 4 L'OPINION

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L’Opinion (1863-1873) | 1872 | | pagina 1