JOURNAL D'YPRES ÜE L'ARROFDISSEMENT
Le tout payable d'avaw.f.
V Pil ES, Bimanche
Dixième année. N° 50
ler Décembre 1872,
PRIX D'ABOHI'EllEKT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour PElranger, le porl en sus.
U« Numéro 25 Centimes
PRIX HES ilil'OMCES
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YPRES, le 30 Novembre 1872.
On sait déja que l'évêque de Töurnai
vient de mourir, et que, trait de ressem-
blance avec le diviu maitrc, son corps a
mysteriën semen t dispara. Seulement, au
lieu de monter au cicl, Mgr Labis est des-
cendu dans les catacombcs de sa cathé-
drale. Et 11 n'y est pas même allé tout soul;
ii lui a fallu pour cela l'aide de MM. les eha-
noines, lesquels e'est unc justice a leur
reridren'ont aucunement essayé de chan
ger cctte descente posthume en miracle.
Le motif donné par cux de cette trans
gression de la loi sur les sepultures est
même assez naïf. Interrogés par MM. du
Conseil communalassez indiscrets^ pour
fourrer le nez dans les affaires de l'Église,
ils répondirent qu'ils avaient été obliges de
transporter a la hate le corps dans les sou
terrains de la basilique, parcequc l'évêque,
bien que mort en odeur de sainteté, répan-
dait une infection du «liable. MM. du collége
out protesté vivcment au noin de l'égalité
de tons les Beiges devant la mortmais ils
n'ont point dit «qu'ils feraient déterrer le
corps.
C'est bien le moins, n'est-ce pas, que sous
un ministère clerical, un évêque puisse se
faire inhumer «lans un caveau d'église et
empester les fidèles tout a son aise; d'autant
plus que, sous un ministère liberal, la chose
ne se passerait pas ilifferemment. De leur
vivant, les évêques font tout ce qu'ils veu-
lent; et, sauf la lol sur les bourses d'études,
je ne S'ache pas que les doctrinaires leur
aient, jamais cause la moindre peine. En
revanche, les bons pastcurs ont toujours en
soin de les mener haul la crosse, et de leur
dieter toutes sortes de compromis, plus com-
promettants les uns que les autres, sous les
quels les fiers Sicambres- de la Doctrine
courbaient humblement la tête.
Aussi l'esprit clérical, loin de s'affaisser
sous les vingt-cinq années de régime soi-
disant liberal, s'est-il maintenu et affcrmi
et, a l'heure qu'il est, on le retrouve un pen
partout, et sous toutes les formes, dans les
arts, dans les sciences, dans la littérature.
L'Académie, par exemple, en est infectée,
et elle ne s'en désinfectera jamais. Tons les
mémoires frappés au coin du libre examen,
qu'elle recoit en réponse a des questions
mises au concours ou autrement, sont impi-
toyablcment, si pas brülés au pied du grand
esealier, au moins enfouis au plus profönd
des oubliettes de cc corps savant entretenu
dans les bonnes doctrines.
On l'a bien vu, i'autre jour, par ses deux
opuscules sur le règne de Marie-Thérèse
soumis au jugement d'illustres académi-
ciens, et jugeant eux-mêmes differemment
les faits et gestes de la grande reine. C'est
le détracteur qui l'emporta. Ahmais, c'est
que sa trés catholique Majcsté menait un
pcu plus rudement le clcrgé de son temps
que nos libéraux d'aujourd'hui.
On l'a vu encore tout récemment par le
résultat du concours quinquennal des scien
ces naturelies, lequel, parait-il, avait fait
éclorc des ouvrages du plus haut mérite, ce
qui ne les a pas empêcliês d'etre élouffés
sous les fougères, les marsiléacées, les ly-
copodiacées, les cbaracées, les byssacces,
les floridécs, les phycoïdées el les zoosper-
mées du bon abbö Cryptogame, qui a pré
senté la-dessus une étude auatomique et
physiologique oü se révèlent a chaque ligne
la gloire et ia puissance du Créateur. Éton-
nez-vous après cela si les écrits ejüseem fa
rina: poussent comme des champignons
dans le terreau académique!
Pour en revenir a Mgr Labis, qui s'est
passé la fantaisie posthume de faire reridre
a sa bière vide les honneurs militaires, con-
jointement avec les patenótres de ses vi-
"caires, grands et petits, j'aime encore mieux
voir enterrer cent évêques sous la sacristie
qu'un seul ouvrage bien pensé,sous le déni-
grement intéressé des jurys composés ad
majorem Dei gloriam. D'autant plus qu'il y a
la un précédent dont pcuvent se prévaloir
ceux qui, ayant quelque repugnance pour
la partie bénitc des cimetières, preferent se
faire inhumer souslc marronier de leur jar-
din, ou dans leur cave, ou leur collier, ou
se mettre «lans une armoire comme les mo-
mies égyptiennes. II n'y a de difference en-
tre ces modes fantaisistes de sépulture que
la manière de violer la loi, ce qui doit êtro
permis a un simple citoyen aussi bien qu'a
un évêque, ou défendu atous les deux. Fort
«le l'exemple de Mgr Labis, et des abbés
d'Averboode, coutumiers«iufait,je voudrais
bien voir qu'on vint m'öter de la tombe de
mon choix, sur laquelle j'aurais eu soin,
d'ailleurs, de faire graver en lettres d'or
1'article 6 de la Constitution.
Pendant qu'on enterre tout de leur long
leurs grandeurs episcopates dans les cryptes
de nos basiliques, M. Malou, lui, exhume je
nc sais d'oü, etun a un, tous les projets de
loi morts-nés dont il fut te père malheurcux.
En homme d'esprit, il commence par res-
susciter celui sur les eaux-de-vie, que, pour
les bcsoins du moment, il avait cru devoir
retirer a la veille des elections legislatives.
II y a comme cela des jours oü, tout minis-
ire immaculé qu'on est,, l'on est forcé de
baisser pavilion devant la distillerie, la meu-
nerie, et même la brasserie, sauf a prendre
sa revanche après coup, bien entcntlu. C'est
cc que fait aujourd'hui M. Malou. Je lui
abandonne bien volontiers l'alcoqjquant a
ia bière, c'est une autre affaire; si 1'annexe
revient jamais au jour, j'espère bien qu'elle
boira un nouveau bouillon.
On ne peut pas, d'ailleurs, avoir tous les
bonheurs a la fois. Le ministère n'a pas a se
plaindre de la Providence. Yoici que, a seuïc
linde luiêtreagréable, le saint Père renonce
a son consul d'Anvers et enterre spontané-
mentla fameuse question de 1'exequatur. Ii
faudrait avoir le caractèrcbien mal placé»
comme dit le Bien public, pour ne point re
connoitre tant de magnanimité. On a beau
«lire, mais les gouvernements cléricaux ont
du bon. Songez uil peu a quelles complica
tions pouvait donner naissance cette ques
tion consulaire, si elle se fut produite sous
un ministère liberal, qui, avec i'obstination
de ses scmblables, n'eüt pas manqué de
joindre l'irrévércnce a son refus d'excqua-
tur. II y avait la de quoi faire enterrer Ia
Belgique sous les foudres de l'Église.
L'OPINIOI