JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSËMËNT
Le tout payable d'ayanlf.
YPRES, Ui manche
Dixième année. 53
21 Décembre 181? 2.
PItlX O'iBOMÜENEWT
POUR LA BELG1QUE
8 francs par an; fr. 50 par semestre.
Pour PEtrangér, Ie port en sus.
Us Numéro 25 Centimes.
PSSIX B®ES AWXOXCES
Eï DES RECLAMES
1© Centimes la petite ligne.
Corps du Journal, 3© centime».
ParaissarU le dimanche.
Laissez dire, laissez-vous bldmer, mais publiez votr
■e pensee.
On s'abonnc a Ypres,
au bureau du Journalrue ci'ElVerdinghe, 52.
On traite a forfait pour les annonces souvent repro/luites. Toutes lettres
ou envois <Uargent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
YPRES, le 21 Décembre 1872.
Le siècle est au schisme. Le ciel hii-même
en donnc l'exempledepuis trois mois, il se
déchire et fond en eau. On lie sait pas au
juste ce qui se passe dans le ciel spiritual,
mais, a en juger par l'Eglise, son emana
tion terrcstre, il doit être plein de germes
de division, de grèves des saints, et il ne
faudrait pas s'étonner d'apprendre que Dien
le père a donné sa demission. Ici-bas,. le
vieux drapeau de la l'oi va s'effiloqiiant de
plus en plus il n'y a pas de jour oü il n'en
laisse qnelques lambeaux aux ronces du
cbemin de l'impiété, Tout a l'heure, il n'en
restera pas de quoi couvrir la largeur d'un
mythe sacré. L'esprit moderne s'insurgc
centre le principe d'aütorité, il est en ré
volte ouverte contre le dogme, et on le voit
a tout bout de champ élever autel contre
autel sur les assises du librc examen et dc
la renovation.
En politique, e'est la dissolution spon-
tanée ou forcée. La speudo representation
nationale dc France, sommee de se licen-
cier, résiste et se cramponne aux murs de
Versailles, sous prétexte qu'il lui taut voir
le dernier Prussien quitter le dernier dé
partement, et que telle est sa mission. J us
que-la, cllc restera, et, dans son for inté
rieur, elle compte bien voir la République
s'en aller avant 1'ennemi, et surtout avant
elle. M. Thiers semble, jusqu'a un certain
point, lui donncr raison, en défaisant et en
laissant défairc son propre ouvrage et en
retournant du définitif au provisoire."Les
centres sont livrés a la confusion, ct le vote
du leudemain détruit la resolution de la
veille. Cepcndanc, le flot des petitions
monte toujours, menacant d'emporter a
l'improviste 1'Assemblee et sa resistance.
A Bruxelles, c'est 1'Association libérale
qui, d'clle-même, se sépare en deux. Nee
d'nne scission, elle continue a faire de la
scission. C'est de tradition. Seulemeni, au
rebours des schismes religieux, ce sont les
autoritaires qui donnent le signal de la re
traite et font bande a part. Ce n'est pas le
pcuplc, ce sont les patricicns dc la doctrine
qui se retirent sur le mont Aventin, ce re-
fogium de tons les froissements et de to us les
mécontentemcnts. Cette retraite, qui n'est
pas celle des dix mille, n'a rien d'alarmant
pour l'avenir ils vont, a une eentaine au
plus, sous la conduite d'Auguste, fds dc
Théodore, fonder un temple oü, a l'exemple.
des vestales antiques, ils garderont pré-
cieusement lelumignon de la Doctrine.
Ce déchiremcnt, du roste, était prévu, et
le vrai libéralisme n'a qu'a se réjouir d'une
resolution qui le purge d'un élément cor-
rupteur et dissolvent au premier chef. Dé-
barrassé de ce principe délétère, 1c sang
n'en courra que plus chaud et plus ardent
dans ses Veiiies. Du jour oü il fallut, sous
peine d'encourir l'animadversion publique,
remettre dans l'armoire ie fameux 'extirpa-
teur electoral, et laisser passer un candidat
marqué par les bonzes doctrinaires du sceau
des réprouvés, de ce jour-la la scission était
faite. Ce qui la fait éclater aujourd'hui, c'est
la marée montante du radicalisme inondant
les portiques dc l'Assoeiation, c'est l'inva-
sion des barbares faubouriens, réforma
teurs et nénovateurs a leur tour.
Au beu d'attendre 1'ennemi et de mourir
dignement comme les sénatëurs remains
sur leaps chaises eurules, ou comme des
condamnés dont l'heure fatale a sonné, ils
out demandé leur salut a la fuite. La fuite
ne les sauvera ni eux ni leur parti. La réus
site d'autrefois ne garantit pas le succes
de maintenant. Le temps n'est pas a la dis
cipline, ni aux commandements, pas plus a
ceux de l'Église politique que dc l'Eglise
religieuse, ni aux formulaires, ni aux credo,
ni aux servitudes d'aucune sorte le temps
est a la liberté ct a la dignité individuelles.
La Doctrine est li lire de choisir tel nouveau
campement qui lui convient. et d'y remiser
sa défroque démodée, personneuie songera
a aller tronbler sa solitudeelle pourra tout
a son aise s'incruster et se momificr sur son
roc. On peut fuir avec sos iares sous le bras,
mais on n'emporte pas l'opinion publique a
la semelle de ses souliers.
L'arméc libérale progressists n'a pas be-
soin de chefs ni dc mot d'ordre, et tous les
Achilles boudeurs pcuvent se retirer sous
leur tente saus qu'elle s'en inquiète ie moins
du monde. Elle marche bicn toute seule,
sans. la moindre lisièrc, ct elle sait oü elle
va, paree qu'elle ne prend pas pour guide
la lettre qui égare ou qui tue, mais qu'elle a
en elle l'esprit qui vivific.
Je ne sais s'il en est ainsi de l'autre armée
aujourd'hui décapitée, sans ministre de la
guerre, devenu l'biseau rare, et tout a
l'heure sans généraux. J'ignore si cc di
vorce est propre on fatal a i'armée, si elle
pent vivre mieux dans ces conditions nou-
velles ou si cc qui manque au sommet n'en-
trainera pas l'édifice jusqu'a la base; et, s'il
faut le dire, c'est bien le moindre dc mes
soucis.
Mais une chose certainc, c'est que si le
schisme qui vient de se produire au sein dc;
l'Assoeiation libérale dc Bruxelles n'existait
pas, il faudrait l'inventer. Les scissions se
suivent et ne se ressemblent pas. Celle qui est
sortie jadis des mains du créateur Verhagen,
en tuant du coup l'alliance, a pu vivre et se
soutenir grace aux influences personnelles
et a l'esprit du temps. Mais c'est folie de
prétendre éterniser ce principe d'aütorité
si contraire au progros de nos mocurs poli—
tiques,- et ceux qui I'cssaicjit aujourd'hui ne
tarderont pas a s'apercevoir qu'entre leurs
mains la scission est une arme qui se rc-
tournera contre eux.
Les journaux catlioliqucs auront beau faire et
beau dire, ils ne persuadcront a personne que les
liommes qui tiennent en ce moment les rènes du
gouvernement sont des hommes d'Etat, dignes de
présider aux destinées d'un pays.
Le dénoüment de la question militaire donne la
mesure de leur impuissance et c'est pitié de voir
un gouvernement, qui se dit être Fexpressiori la
plus sincere de la volonté de la nation, ne pas oser
formuler une doctrine ou avancer le plus petit
projet sans être oblige d'y renoncer aussitót.
En deux ans que de mervcilles annoncées qui,
grace a la science gouvernementale de no3 cléri-
caux, en sont encore a voir le jour. Les porte
feuilles ministériels étaient bondéson se deman-
dait vraiment comment ils pouvaient contenir au-
tant de belles réformes Celui du general Guil-
laume renfermait la transformation radicale de
notre arméecelui de M. Jacobs la fameuse revi
sion de la contribution pcrsonnclleeniin, il n'est
pas jusqu'au solenncl Kervyn qui ne fut prêt a
ouvrir le sien pour donner l'air a des réformes
admirables dans l'enseignement.
L'OPINION
5fï 'I-
-l* ijï
i