Hebdomadaire Catholique d'Intérêt Général
Ire ANNEE No 8.
PRIX 35 centimes le numéro.
DIMANCHE 25 FEVRIER 1934
Direction Ch. van RENYNGHE, Ypres.
ABONNEMENT UN AN 15 FRANCS
Rédaction-Administration A. BREYNE, 16, rue d'Elverdinghe, Ypres. Compte chèques postaux 4086 97
.-Vf» -ï. 'ijv» V» ■S-'»*'
Dieu seul est grand La Providence est
maîtresse de notre destinée.
La mort accidentelle et tragique dans sa
soudaineté de notre Roi, est un rappel violent
aux vérités éternelles.
Le monde entier s'incline respectueusement
et avec une poignante émotion devant la dé
pouille royale.
En Belgique le Roi est le symbole vivant
du pays. Pour l'Univers Albert 1 restera le
symbole du droit et de l'honneur.
La population du pays entier s'associe au
deuil cruel qui frappe la famille royale. Pour
tous les Belges la famille royale est l'exem
ple du foyer chrétien. Tous nous sommes de
cœur aux côtés de Sa Majesté la Reine, et
nous prions Dieu de lui apporter les consola
tions de sa divine Bonté.
Le peuple a perdu un Roi. Les princes ont
perdu un Père. Le peuple comprend la dou
leur des enfants royaux, connaissant toute
l'intimité qui unissait Sa Majesté le Roi aux
princes. Notre pensée se porte tout particu
lièrement vers la princesse Marie-José. A la
douleur de l'affection se joint la douleur de
l'éloignement. Les voyages répétés du Roi en
Suisse étaient l'occasion pour Lui de revoir
la princesse. Une affection très profonde les
liait et si un cœur de père peut avoir pour
un de ses enfants un sentiment de spécial
attachement, il est certain que la princesse
Marie-José occupait cette place de choix dans
le cœur royal. Nous comprenons la profondeur
de la douleur qu'elle doit ressentir devant cette
brusque tragédie.
Dans la guerre et dans la paix, Albert 1 fut
un Grand Roi. Nous lui devons d'avoir donné
notre petit peuple le prestige mondial d'une
grande nation. Notre dynastie a voulu élever
la dignité de notre pays au-dessus même des
aspirations de notre peuple. Depuis 1830 sous
la tutelle de nos Rois, et grâce leur génie
créateur la Belgique a pris une place dans l'Eu
rope et le monde, que les Belges eux-mêmes
n'auraient jamais espéré conquérir.
Léopold I a donné au jeune Etat méprisé
par l'Europe une place d'arbitre dans la vie
politique européenne, rien que par son pres
tige personnel.
Léopold le Sage était conseil de la Reir.e
d'Angleterre. Il était écouté dans toutes les
cours, et la Belgique prenait ainsi rang dans
ce que l'on appelait alors le Concert Européen.
Tant que Léopold I a vécu le peuple belge
n'a rien compris-du rôle que le Roi faisait
jouer notre pays. Le Roi mort a laissé la
Belgique une ligne de conduite pour toute sa
politique internationale, et depuis nous ne nous
en sommes jamais déportés grâce la fer
meté de Léopold II et d'Albert 1. La Belgique
doit rester indépendante et n inféoder sa poli
tique celle d'aucun voisin.
Léopold II nous a donné l'empire colonial.
Les Belges de son temps ne l'ont pas com
pris. Léopold 11 a persévéré pendant toute la
durée de son règne, et avec la clairvoyance
qui caractérisait ce génie politique, il a tenu
bon dans la question militaire jusqu'à son lit
de mort, bravant l'impopularité et le mépris
des hommes médiocres.
Comme Léopold I avait fait la Belgique
une place dans l'Europe, Léopold II lui fit une
place dans le monde.
Notre pays grâce la direction donnée par
nos deux souverains avait conquis le droit ma
tériel l'existence. Nous étonnions le monde
par notre outillage économique. Socialement
notre pays était considéré comme terre d'ex
périence, et au milieu de l'égoïsme du capita
lisme libéral, la Belgique construisait pierre
par pierre l'édifice de sa législation sociale.
Pour ie pays qui nos deux premiers sou
verains avaient donné le droit l'existence,
le Roi Albert I a conquis le droit au respect.
Dans l'univers entier le nom de Belge est
respecté. C'est que chaque Belge participe
l'auréole de gloire et au prestige d'Albert I.
L'attitude que le Roi a dictée la Nation le
4 août 1914, restera un geste grandiose dans
l'histoire de notre peuple.
Ce fut la souffrance de la guerre, ce fut le
calvaire de quatre années terribles, mais ce
fut aussi la face du monde la révélation de
ce que la grandeur d'un peuple se mesure la
grandeur de son idéal.
Albert I a incarné cet idéal. 11 a porté aux
cîmes de la gloire le nom de notre pays. Pour
des siècles encore, intimement unis, les noms
de Belgique et d'Albert seront synonymes, de
courage calme, de bravoure réfléchie, de té
nacité opiniâtre, de modestie simple et de
total héroïsme.
Après la guerre sans répit, malgré les désil
lusions que lui apportaient souvent les médio
crités de la politique, le Roi s'acharna la
reconstitution de notre pays. Les ministres har
celés sans cesse par le souverain réalisaient
le miracle de nos régions dévastées, et le mon
de stupéfait contempla notre résurrection.
Mais il fallait vivre, exporter, trouver des
marchés, étendre notre commerce extérieur.
Ce sont les grands voyages du Roi, dans les
quels il usait de sa popularité et s'efforçait
d orienter vers la Belgique les marchés étran
gers. Et c'est son grand trvail dans l'Amé
rique latine. Et ce sont ses relations avec
l'Egypte, et tant d'autres initiatives innom
brables et méconnues.
Le souverain voulait que notre colonie de
vienne un exemple pour toutes les métropoles.
Il sentait parfaitement les faiblesses de cette
grande région africaine qui s'était trop rapi
dement transformée. Il en était profondément
inquiet, et cette inquiétude était partagée par
son fils. Le Congo est chose royale. Il est l'œu
vre de la dynastie. La dynastie veut qu'il soit
notre fierté.
Le dernier acte qui doit être "considéré com
me le testament royal au sujet de la colonie,
c'est ce Conseil des Ministres, tenu la veille
de sa mort. Avec cette clarté de jugement
et cette netteté dans l'exposé qui suscitaient
l'admiration de tous ses intimes, le Roi a
donné ce jour-là des directives qui deviennent
des consignes.
Un peuple pour être grand doit être sain.
Le Roi donnait lui-même l'exemple de la vie
sobre et presqu'ascétique. Il ne manquait pas
de prodiguer tous les encouragements aux
sports. Il était l'animateur de notre aviation.
Mais les sports populaires étaient considérés
par Lui comme une des premières sauvegardes
de la Nation. Le tragique événement de sa
medi n'est que la preuve trop réelle de ce
que le Roi était personnellement un sport-
man accompli.
Mais une Nation saine, laborieuse et riche
n'est pas une grande nation, tant qu'elle n'a
pas apporté aux Arts et la Science la part
que la Civilisation est en droit d'exiger d'elle.
Si la Belgique a actuellement une place de
premier plan dans le monde de l'art et de
la science, cela est dû avant tout la volonté
créatrice du Roi et de la Reine. Nous devons
associer nos souverains dans cette œuvre scien
tifique et artistique. Non, reconnaissons-le, ja
mais sans 1 appui royal nous n eussions trouvé
dans notre pays des animateurs qui auraient
pu susciter le mouvement scientifique qui est
sorti du Fonds National de Recherce Scien
tifique, ni le mouvement artistique qui fait de
Bruxelles un rendez-vous de l'art européen.
Le peuple ne comprend pas l'effort accompli
dans cette voie. C'est la mission d'un Roi de
promouvoir de pareils mouvements, dans le
désintéressement parfait de sa fonction de
souverain.
C'est toute l'œuvré de la Dynastie qui se
présente notre esprit devant cette tombe
ouverte.
Une Belgique respectée en Europe et admi
rée dans le monde. Un empire colonial dont
tous s étonnent. Un peuple se revivifiant par
le sport et la culture physique. Une élite ou-
Suite page 2).