Pouvoirs spéciaux Après la crise Hebdomadaire Catholique d'Intérêt Général Ire ANNEE No 24. DIMANCHE 17 JUIN 1934. ABONNEMENT UN AN 15 FRANCS Direction Ch. van REïMYNGHE, Ypres. Rédaction-Administration A. BREYNE, 16, rue d'EIverdinghe, Y près. Compte chèques postaux 4086 97 ABONNEMENT JUSQU'A FIN 1934 9 FRANCS. VOIR SOMMAIRE Page 2. 1 PRIX 35 centimes le numéro. Nous donnons cet article écrit il y a dix jours, la veille de la crise. Nous le don nons parce qu'il révélera nos lecteurs l'état d'esprit qui a précédé la chute du ministère. Et que le lecteur rapproche cet article de celui que nous écrivons après la crise, et il comprendra l'évolution de la politique du pays, mieux qu'en lisant les comptes rendus fades, conventionnels et aux indi.crétions de concierge, de la presse quotidienne Dans les sphères gouvernementales il est question de pouvoirs spéciaux. Ce peht système des pouvoirs spé ciaux nous fait songer aux médecins du 17 et du 18e siècles, qui n'atta quaient jamais le mal directement, mais périodiquement faisaient une sai gnée ou administraient un lavement. Il s'agissait de décongestionner le pa tient. Les pouvoirs spéciaux ne sont pas autre chose retarder le coup de 3ang qui terrassera le régime. Quoiqu'il en soit vous me direz faut-il actuellement des pouvoirs spé ciaux Nous insistons d'abord sur les ter mes employés. Il n'est pas question, et il n'y a jamais eu de pleins pou voirs. Chaque fois très humblement et très modestement le gouvernement demanda une toute petite autorisation celle de pouvoir travailler en paix quitte soumettre après coup au Par lement le résultat de ce travail et lui demander l'absolution pour ce péché de zèle Cela a été accordé plusieurs fois, et chaque fois, malheureusement, les groupes et les puissances occultes sont intervenues. Ce qui a permis de dire très justement, et d'autant plus cruel lement, que les pouvoirs spéciaux ne faisaient que remplacer les Chambres législatives par les antichambres mi nistérielles. Ce dont il serait question pour le moment c'est d'octroyer au gouverne ment des pouvoirs spéciaux unique ment en matière de réorganisation pro vinciale et communale. Il est certain que dans beaucoup de communes il existe un laisser-aller invraisemblable. C'est le règne de la facilité dans toute sa splendeur. Le gouvernement en est responsable pour une grande part, car il a inscrit au budget des com munes une quantité de dépenses aux quelles les budgets communaux ne peuvent faire face, et qui découragent les administrateurs communaux dans l'élaboration de leurs budgets. Mais le fait est acquis les administrateurs communaux jettent le manche après la cognée, et ne trouvent qu'une issue, les centimes additionnels. Ce que le gouvernement a économisé d'un côté, la commune le reprend d'un autre, et c'est toujours sur le contribuable que retombe la charge. Un plan de réorganisation générale s'imDose. Ce plan ne peut s'élaborer et être mis en vigueur au milieu des in terpellations et sous une avalanche de questions au ministres. D'autre part les administrateurs communaux, dont le sort est lié la réélection, se trouvent paralysés. Il faut un grand effort national de re dressement pour sortir de cette or nière. Quand le gouvernement deman dera des pouvoirs spéciaux cet effet, le seul grief que l'on puisse lui faire c'est d'avoir trop tardé. Nous avons eu l'occasion d'entre tenir de nombreux bourgmestres ou échevins du grave problème qui pré occupe l'opinion publique les finan ces communales. Ce problème est vi tal pour les Classes Moyennes il est de première importance pour l'agri culture. Or tous nous ont affirmé qu'il y avait beaucoup faire, qu'ils voyaient de nombreux remèdes, mais qu'ils rencontraient un double obsta cle. H- Premier obstacle il ne se sentent pas soutenus par le pouvoir central. Tout a été abimé par une politique de parti poussée au paroxysme. Le pouvoir central n'est pas au courant de ce qui se passe dans le pays, des nécessités locales parce que tous les rapports qui lui parviennent au lieu d'être objectifs, sont, au contraire, ten dancieux. Et, au moment d'agir, le pouvoir central subit l'influence de toutes les comitardites. Il faut rétablir le contact entre le pouvoir central et les autorités com munales par la présence dans chaque arrondissement de légats du gou vernement. Toutes les questions se raient étudiées sur place, et ces en voyés spéciaux rencontreraient la col laboration de tous, car le pays tout entier veut sortir de ce gâchis. Ainsi les administrateurs commu naux se sentiraient soutenus, et par viendraient mettre de l'ordre dans la maison. Second obstacle la politique com munale. Laissons aux théoriciens en chambre et aux romantiques attardés le loisir de chanter les gloires de notre autonomie et de nos libertés commu nales. Nos libertés communales quand elles se traduisent par des élections communales, où les plus viles pas sions utilisent le camouflage des par tis politiques pour donner libre-cours toutes leurs saletés et leurs médio crités, ces libertés-là ne méritent pas que nous les respections. Tout est mé canisé ou paralysé par les élections communales. Le pays entier est infecté par cet abcès, qui a comme origine des luttes de famille, des rivalités de brasseurs, ou souvent des jalousies de femmes Oue I on fasse une enquête sévère, et l'on constatera que tout le Nous n'avons pas nous réjouir uni quement de ce que cette crise gouverne mentale se termine par une victoire du parti catholique. Nous enregistrons sim plement la belle tenue des catholiques, la cohésion de notre équipe gouvernementale, l'importance des ministères qui lui sont confiés, et nous mettons en regard l'atti tude piètre et très médiocre de l'équipe li bérale. Cela dit passons l'essentiel, et voyons si l'équipé nouvelle daignera gou verner. Le Gouvernement se tournera-t-il vers l'opinion publique, et, avec, malgré, ou sans le Parlement, s'appuyera-t-il sur l'ar dent désir du pays de mettre fin aux que relles des groupes et aux influences des comités Le nouveau ministère vient de s'engager dans la dernière étape. Il faut qu'en arrivant au terme de cette étape il ait avec lui l'opinion publique. S'il ne con quiert pas cette opinion, s'il n'arrive qu'à composer un beau recueil de discours, s'il se contente de poser certains problèmes et de n'en résoudre aucun, il aura joué quitte ou double, et nous mène droit l'aventure. Pourquoi sommes-nous aussi catégoriques C'est que ces Messieurs du gouvernement ont pris une terrible respon sabilité, en coupant les ponts derrière eux. Ils jouent leurs dernières cartes. En effet si le Ministère de l'Intérieur ne parvient pas rétablir les contacts en tre le gouvernement central et les autorités communales, et qu'une collaboration étroite ne naît pas pour remédier au gâchis des affaires communales si le Ministère des Affaires Etrangères n'arrive pas donner au commerce extérieur une orientation nou velle, et se monte incapable d'appliquer aux autres pays la politique de marchan dage et de trocs dont ces pays usent no tre égard si le Ministère de l'Agricul ture et des affaires économiques ne té moigne pas d'un esprit de coordination, de collaboration des diverses branches de l'industrie et n'établit pas un régime d'é quilibre national pour notre production agricole si le triumvirat des Finances, MM. Sap, van Zeeland et Ingenbleeck, ne prouve pas bref délai qu'il y a vraiment quelque chose de changé dans notre régime fiscal, et que l'on tend vers une collabo ration entre la matière imoosable et les né cessités de la caisse de l'Etat, au lieu de ne songer qu'à une exploitation illimitée de contribuable si dans chacun de ces Mi- wmmsamtmmmmrwmmmmÊÊmemrtwamanam monde le pense, mais que personne n'ose le dire ce sont les élections communales qui font naître toutes sortes de divisions qui n'existeraient pas autrement, qui entretiennent la discorde et la haine entre les citoyens, qui tuent le sens du pays. Ce sont les élections communales qui empêchent de gérer les communes. Ch. van RENYNGHE. nistères en particulier et au Gouverne ment en général, nous ne voyons pas sur gir avec force cet esprit nouveau, cette vo lonté implacable de redressement, et, di sons-le, cette audace indispensable qui doit donner la secousse qui permette aux forces de vie de prendre le pas sur les forces de désagrégation, le ministère de juin 1934 aura achevé le régime parlementaire. Mais réfléchissez donc Pouvez-vous imaginer des solutions meilleures avec notre régime actuel que celles apportées par la nouvelle combinaison ministérielle. Nous n'avons pas peur de le dire, et d'ailleurs c'est cette affirmation qui est la plus terrible arme contre le régime, si le ministère actuel échoue l'équipe ca tholique qui tient actuellement les leviers de commande est une équipe d'élite. Il se rait difficile, si pas impossible d'imaginer une équipe plus homogène, plus dévouée la chose publique. t Cette équipe a l'intelligence nécessaire, la volonté de bien faire, et le devoir d'a gir. Si elle échoue c'est que l'obstacle est extérieur elle, c'est que le régime est mauvais, vicié, paralysant, c'est que le ré gime tue le pays. C'est que les intérêts par ticuliers des groupes et des sous-groupes, des comités et des chapelles triomphent de la volonté de ceux qui veulent le bien général. Au gouvernement a reprendre la confiance de l'opinion publique en s'adon- nant directement elle, par tous les moyens, et qu'il comprenne, enfin, que le Parlement, dans son état d'esprit actuel, ne représente plus la volonté du pays, mais bien au contraire est le point de mire de tout ce qui fermente dans l'opinion pu blique de dégoût, de mécontentement, de rancœur, si pas de haine. Au gouvernement se montrer le défenseur de la volonté collective du pays, au besoin contre le Parlement Nous saluons avec une joie toute parti culière l'arrivée de Paul van Zeeland au gouvernement. Jusqu'ici il avait refusé de participer au pouvoir. Devant l'éminente nécessité du redressement de notre écono mie nationale, Van Zeeland a accepté. Comme nous le connaissons, dégagé de toute influence de groupe et de coterie, personnalité d'une droiture, d'une probité et d'une intelligence qui forcent l'admira tion et la confiance de quiconque l'appro che, Van Zeeland aura le courage de dire la face du pays en toute franchise et sim plicité, où se trouve le mal et quels sont les remèdes. Nous n'hésitons pas attirer l'opinion sur cette personnalité si un jour Van Zeeland renonce accomplir sa mis sion, c'est qu'avec le régime actuel il n'y a point d'issue. Van Zeeland est un hom me de premier plan et un chef. Le pays comprendra que c'est lui qu'il faut ac corder la confiance, même contre les po liticiens. Ch. van RENYNGHE.

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Le Sud (1934-1939) | 1934 | | pagina 1