ercle Catholique
Bizet'Ploegsteert
Progrès
ou cupidité
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PAYS NOIR
Charleroi se dresse au centre du pays
noir. Entendons-nous cependant sur ce ter
me. La Flandre elle-même est parfois dé
nommée pays noir, mais c'est une espèce
de surnom. Flandre, pays noir oui, parce
que terre de curés
rue de Lille, 33, YPRES
EST LE LOCAL OU SE RENDENT LES COLLÈGES ET LES PEN
SIONNATS, LES SOCIÉTÉS ET LES EXCURSIONS EN GROUPES.
par
HONORE DE BALZAC
Charleroi au contraire porte ce nom de
pays noir comme un titre d'honneur. Pays
où le commerce et l'industrie sont dieux,
pays des mines et des haut-fourneaux, pays
du charbon, du verre, du fer et de l'acier,
terre sans cesse frémissante sous l'emprise
de la machine Et par l'épaisse fumée que
vomissent d'innombrables cheminées, l'air
et la terre, tout est noir au pays noir
Et cependant les rouges étaient maîtres
de l'heure, tandis que les curés n'étaient que
spectateurs. Je le répète, les rouges tenaient
en main la dictature... et pour toujours
Etranglée dans le grincement des engre
nages, étouffée dans le brouhaha des rues
l'atmosphère pourrie, la foi des ouvriers
et des nombreux immigrants était perdue
jamais.
Car les Messieurs des Maisons du Peuple
avaient juré et fait jurer leurs propagan
distes que désormais le pays noir oh
contraste lirait rouge, et syndiquerait
rouge, penserait rouge, voterait rouge afin
de rester le plus sûr soutien du parti rouge.
En Flandre aussi l'on tenait comme une
vérité que le pays noir était rouge, rouge
comme du sang et que les ouvriers wallons
cherchaient leur salut dans le parti socia
liste. Et l'on disait que ces wallons étaient
plus intelligents, plus clairvoyants que les
ouvriers flamands
Mais malgré tout, dernièrement encore,
aucune ombre ne planait sur le pays noir
Charleroi ensoleillé se dressait radieux.
C'est que sa population voyait défiler en
rangs serrés... les syndiqués chrétiens
Des centaines de drapeaux flottaient au
vent vision de couleur, vision de vie, vi
sion d'espoir Suivaient des milliers et des
milliers d'ouvriers de toutes les villes et
de toutes les communes du Pays Flamand
et non seulement de la Flandre, mais en
core les cinq mille ouvriers du Hainaut
du Pays Noir lui-même. J'entendais parler
de division de fer Et bien, oui on peut
le dire, car ceux-là ont dû mordre le fer
pour sauvegarder leurs convictions. Ce sont
ceux pour qui la formule rouge ou pas
de pain fut une triste réalité durant les
années 20, 21 et 22. Alors, en effet, des
centaines d'ouvriers flamands ont vraiment
dû mordre le fer. Ce que ce fut au pays
noir je ne le laisse que sous-entendre...
C'est pourquoi les chaînes n'en ont été que
plus vite brisées, la théorie de la lutt'e des
classe n'en a que plus tôt croulé, car les
ouvriers ont bien vu qu'ils s'étaient lais
sés rouler que les doctrines rouges
n'étaient que tromperie, fourberie.
La manifestation de Charleroi n'est rien
d'autre qu'un acte d'audace. Elle a fourni
la preuve que l'action syndicale chrétienne
sait ce qu'elle veut et est décidée conti
nuer sa marche en avant, au cœur même
du Pays Noir.
A l'heure actuelle, dans la politique in
ternationale, nous entendons continuelle
ment parler dégalité
Et nous doac, est-ce que nous ne vou
lons pas cela N'est-ce donc pas une de
nos préoccupations que de voir tous les ou
vriers égaux Peut-on cependant croire que
nous ayons obtenu cette complète égalité
même dans la vie commune
Mais ce dimanche, j'ai bien senti, et
comme moi les milliers qui étaient Char
leroi ou ceux qui ont écouté la Radio ont
bien compris ce que quelqu'un a tenu leur
affirmer avec force que les ouvriers chré
tiens Lui tenaient plus cœur que tous les
autres. Qui c'était, vous ne le savez que
trop bien, et nous comprenons tous cela.
Notre Père commun de Rome, Pie XI
avait un mot spécial et une bénédiction
toute particulière pour ses enfants, les
membres de tous les groupements d'ou
vriers chrétiens de notre pays. Son repré
sentant Bruxelles, son Excellence Mgr
Micara, était présent Charleroi pour don
ner lui-même lecture de la lettre, et le Car
dinal de Malines y était aussi, non seule
ment pour donner une preuve de sympa
thie, mais afin de nous exciter appliquer
jusqu'au bout le programme des deux
grands Papes modernes Léon XIII et
Pie XI.
La nuit venue, j'ai réfléchi tout cela,
j'ai tout revu d'un seul coup et repassé
dans mon esprit les moindres détails. Et au
milieu du silence de la nuit j'entendais en
core résonner les pas de ces milliers
d'hommes, je contemplais ces centaines de
drapeaux au flottement triomphal la voix
du Pape venait aussi frapper mes oreilles
et je voyais le large geste du Cardinal en
veloppant dans sa bénédiction les ouvriers
massés devant lui, les ouvriers chrétiens
de notre pays, ceux de tous les pays du
monde. Car derrière lui je voyais aussi de
Pape de Rome, le Christ, qui dans sa bon
té infinie accueillera toujours l'ouvrier, le
travailleur, celui qui par son labeur ressem
ble un peu plus l'apprenti de Nazareth,
au Christ souffrant, au Christ en croix.
Les ténèbres ne nous font pas peur car
nous pouvons sans cesse puiser Rome
l'éternelle vérité dont les rayons éclaireront
notre chemin. Avec elle nous avançons
sans crainte, nous allons a la victoire, nous
marchons la conquête et aussi vers la
seule et vraie Egalité
Il faut lire le beau livre que M. An
toine Zischka vient de consacrer La
Guerre secrète pour le coton (1). C'est
un chapitre pour l'histoire du système ca
pitaliste. Il commence en 1769 par l'in
vention de la première machine filer
le coton, origine de l'industrie du Lan-
cashire qui demanda la matière première
aux Etats-Unis, précisément aux Etats
agricoles du Sud. Réaction des Etats du
Nord qui s'emparent du secret machi-
nique et menacent le ravitaillement en
coton de l'Angleterre. Les Etats du Sud
prennent parti pour leurs clients anglais,
la cavalerie de Saint-Georges aidant. Le
coton qui permet d'accumuler des for
tunes considérables est ainsi une des causes
de la guerre de Sécession. Ce n'est pas
assez, car nous sommes aux environs de
1860, l'apogée du libéralisme r le mar
chandage des salaires fait la journée de
douze quinze heures, pour les hommes,
les femmes et les enfants, dès la sixième
année parfois, ceux qui meurent sont aisé
ment remplacés quant la récolte du
coton, elle est assurée par l'esclavage des
noirs. La défaite des Etats du Sud assure
aux usines américaines du Nord leur ravi
taillement. Mais l'industrie du Lancashire
périclite, au grand avantage de ses con
currents lainiers anglais. Le gouvernement
britannique décide alors d'avoir ses pro
pres champs de culture, au Soudan d'abord,
puis aux Indes et en Irak. Les prix s'effon
drent peu peu, malgré les milliards en
gloutis cause d'eux.
Après la guerre, la Russie soviétique
entre dans la lice plantations de coton
et usines productrices dans ses provinces
asiatiques. Le Japon ensuite qui s'en est
tenu d'abord la fabrication, achetant le
coton nécessaire par un consortium ap
puyé et contrôlé par l'Etat mais il dé.
veloppe la culture sur son propre sol et
cherche, en Chine et travers le monde,
des terres favorables. Aujourd'hui, le
gouvernement américain paye les fermiers
qui acceptent de réduire leur production
l'industrie anglaise du Lancashire recule
peu peu. Le ministre japonais, général
Araki écrit qu'en 1935, la guerre devien
dra inévitable pour le Japon
Nous n'avons pas le nombre des puis
santes usines cotonnières dans les quatre
nations précitées. Il est coup sûr réduit
comme l'effectif des ouvriers qui en vi
vent derechef, voici le machinisme capi
taliste. On trouverait plus d'hommes sur
les terres coton, mais on les a vus,
et là, brûler hier, diminuer aujourd'hui
leurs récoltes.
Bilan au passif, misère, esclavage, chô
mage et guerres. A l'actif, constitution
d'un nombre restreint de fortunes immen
ses et fragiles au prix d'un gaspillage in
sensé de capitaux au-dessous, un peuple
de foyers ouvriers ou agriculteurs qui ont
vécu et tenu plus ou moins bien. Balance
une situation tendue, inextricable, qui ne
peut se dénouer que par la disparition
d'un ou deux groupes nationaux de con
currents ou par l'entente limitatrice de
tous. La seconde formule serait celle de
la raison. La première a été et demeure
celle du libéralisme économique, assisté,
ne l'oublions pas, d'un libéralisme poli
tique l'un et l'autre les deux étaient
nécessaires ont e gendré le système ca
pitaliste, dont nous connaissions la guerre
pétrolière et la bataille de l'or. Il nous
manquait des informations aussi complètes
sur sa guerre du coton. Voici une lacune
comblée.
Georges VIANCE.
(1) Un vol., Payot.
PRIX MODÉRÉS SERVICE DE PREMIER ORDRE
S'ADRESSER AU TENANCIER C. VANBOST OU AU JOURNAL
LE SUD SALLES POUR 100 OU 200 PERSONNES.
No 32
Vous pouvez manger, dit Na-
non, qui descendit les escaliers quatre
quatre, l'enfant dort comme un ché
rubin. Qu'il est gentil, les yeux fermés
Je suis entrée, je l'ai appelé. Ah bien
oui personne.
Laisse-le dormir, dit Grandet, il
s'éveillera toujours assez tôt aujour
d'hui pour apprendre de mauvaises
nouvelles.
Qu'y a-t-il donc demanda Eu
génie en mettant dans son café les
deux petits morceaux de sucre pesant
on ne sait combien de grammes que
le bonhomme s'amusait couper lui-
même ses heures perdues.
Madame Grandet, qui n'avait pas
osé faire cette question, regarda son
mari.
Son père s'est brûlé la cervelle.
Mon oncle dit Eugénie.
Le pauvre jeune homme s'écria
madame Grandet.
Oui, pauvre, reprit Grandet, il
ne possède pas un sou.
Hé ben, il dort comme s'il
était le roi de la terre, dit Nanon d'un
accent doux.
Eugénie cessa de manger. Son cœur
se serra comme il se serre quand, pour
la première fois, la compassion, excitée
par le malheur de celui qu'elle aime,
s'épanche dans le corps entier d'une
femme. La pauvre fille pleura.
Tu ne connaissais pas ton oncle,
pourquoi pleures-tu lui dit son père
en lui lançant un de ces regards de ti
gre affamé qu'il jetait sans doute ses
tas d'or.
Mais, monsieur, dit la servante,
qui ne se sentirait pas de pitié pour
ce pauvre jeune homme, qui dort
comme un sabot sans savoir son sort
Je ne te parle pas, Nanon tient
ta langue.
Eugénie apprit en ce moment que
la femme qui aime doit toujours dissi
muler ses sentiments. Elle ne répondit
pas.
Jusqu'à mon retour vous ne lui
parlerez de rien, j'espère, m'ame
Grandet, dit le vieillard en continuant
Je suis obligé d'aller faire aligner le
fossé de mes prés sur la route. Je serai
revenu midi pour le second déjeu
ner, et je causerai avec mon neveu de
ses affaires. Quant toi, mademoiselle
Eugénie, si c'est pour ce mirliflor que
tu pleures, assez comme cela, mon en
fant. Il partira, dare dare, pour les
Grandes-Indes. Tu ne le verrais plus...
Le père prit ses gants au bord de
son chapeau, les mit avec son calme
habituel, les assujettit en s'emmortai-
sant les doigts les uns dans les autres,
et sortit.
Ah maman, j'étouffe, s'écria
Eugénie quand elle fut seule avec sa
mère. Je n'ai jamais souffert ainsi.
Madame Grandet, voyant sa fille
pâlir, ouvrit la croisée et lui fit respirer
le grand air.
Je suis mieux, dit Eugénie après
un moment.
Cette émotion nerveuse chez une na
ture jusqu'alors en apparence calme et
froide réagit sur madame Grandet, qui
regarda sa fille avec cette intuition
sympathique dont sont douées les mè
res pour l'objet de leur tendresse et
devina tout. Mais, la vérité, la vie
des célèbres sœurs hongroises, atta
chées l'une l'autre par une erreur de
la nature, n avait pas été plus intime
que ne 1 était celle d'Eugénie et de sa
mère, toujours ensemble dans cette
embrasure de croisée, ensemble l'é
glise, et dormant ensemble dans le mê
me air.
Ma pauvre enfant dit madame
Grandet en prenant la tête d'Eugénie
pour l'appuyer contre son sein.
A ces mots, la jeune fille releva la
tete, interrogea sa mere par un regard,
en scruta les secrètes pensées, et lui
dit
Pourquoi 1 envoyer aux Indes
S il est malheureux, ne doit-il pas res
ter ici n est-il pas notTe plus proche
parent
Oui, mon enfant, ce serait bien
naturel mais ton père a ses raisons,
nous devons les respecter.
La mère et la fille s'assirent en si
lence, 1 une sur sa chaise patins,
1 autre sur son petit fauteuil et toutes
deux, elles reprirent leur ouvrage. Op
pressée de reconnaissance pour l'ad
mirable entente de cœur que lui avait
témoignée sa mère, Eugénie lui baisa
la main en disant (A suivre).