i
La Bataille Ypres
r (Suite)
L'offensive sur Roulers avançait
lentement, au prix de grands efforts.
A la fin de la journée, près de Pas-
•chendaele, le 9e corps avait enlevé
800 mètres de tranchées, pris 5 canons
et 2 mitrailleuses. Une attaque sur
Poelcapelle fut entamée par les 66e et
125e de ligne français. Le Ir corps
britannique marcha sur Becelaere, ap
puyé droite par la 7e division des
canons et des prisonniers tombèrent en
leur pouvoir.
Sur le front Fauquissart-Neuve-Cha-
pelle-Givenchy, l'ennemi attaqua réso
lument les 7e, 8e et 18e brigades de
l'armée britannique il fut partout re
poussé dans des engagements extrê-
mements sanglants.
Plus au sud, la bataille d'Arras se
terminait par un échec allemand. La
percée des lignes alliées en ce point
avait avorté. La 10e armée prenait
son tour l'offensive.
Le 27 octobre, soit que les Alle
mands eussent procéder une re
constitution de leurs unités, soit que le
développement de l'offensive alliée
vers Roulers les inquiétât, la pression
exercée sur l'armée belge se relâcha.
L'ennemi dirigea, pendant la nuit du
26 au 27, deux attaques sur la ligne
de chemin de fer, l'une vers l'arrêt de
Boitshoucke, l'autre sur la station de
Pervyse. Le 4e de ligne repoussa bril
lamment la première la seconde, ac
cueillie par le feu du 1 r grenadiers,
échoua également. Quelques reconnais
sances allemandes vindent rôder de
vant Ramscappelle. Le bombardement
des positions belges n'eut pas le ca
ractère d'intensité générale des jours
précédents il se concentra sur Nieu-
port. Ramscappelle. Pervvse. les
abords de la ferme Roode Poort, en
fin sur Dixmude. Le soir venu, des in
dices d'attaques furent recueillis Dix
mude, Stuyvekenskerke et Oud-Stuy-
vekenskerke.
Le front entre les deux têtes de
pont suivait, au sortir de Nieuport, le
canal de Fumes, puis le chemin de
fer de Dixmude jusque Lettenburg.
Les 2e, Ire et 4e divisions, la 83e
brigade française s'échelonnaient sur
cette ligne. La 5e division (5 batail
lons) et le 19e bataillon de chasseurs
tenaient la ferme Roode Poort et les
maisons de Berg.
La reconstitution des troupes fut
poursuivie. Les brèches éta-ent gran
des dans leurs rangs. 11 était impos
sible de les combler. Les noyaux des
régiments d'infanterie ne dépassè
rent pas. pour beaucoup, un millier
d'hommes.
Sous Roulers, l'avance des Alliés
était peu sensible, malgré 1 acharne
ment des attaques.
La gauche française dépassa Bix-
schoote le centre parvint 500 mè
tres du clocher de Poelcappelle la
droite contint de violentes contre-atta
ques débouchant de Passchendaele.
Le 1 r corps marcha sur Keiberg Mo-
len et s'empara du bois de Molenaa-
relshoek sur le reste de son front, il
garla la croix des routes de Gheluwelt
et le village de Zandvoorde le corps
du général Allenby, qui devait coopé
rer ce mouvement, ne put refouler
les lignes ennemies sur la Lys vers
Warneton et Comines.
L'attaque de nuit pressentie dans la
soirée du 27 eut lieu vers 22 heures
elle ne fut pas générale. Renouvelée
l'aube, elle échoua partout, Rams
cappelle, Pervyse, Lettemburg et
Dixmude.
Le calme se rétablit avec l'appa
rition du jour. Les attaaues d infante
rie cessèrent mais le bombardement
se concentra de nouveau sur Pervyse.
L'infanterie allemande profita de la
journée pour s'infiltrer entre Stuyve
kenskerke et Oud-Stuyvekenskerke.
Les travaux d'obturation des ponts
ayant été terminés le 26, les écluses
de Nieuport furent ouvertes et l'inon
dation commença.
Le répit accordé par l'ennemi aux
Belges pendant les journées du 28 et
du 29, ne leur permit pourtant point
de se reposer. Les heures de jour
étaient consacrées aux travaux de re
tranchement la nuit s écoulait dans
des alertes continuelles, et il fallait
dans l'entre-temps procéder en toute
hâte aux ravitaillements et aux évacua
tions. La relève était impossible le
cantonnement inconnu. Certaines trou
pes couchaient depuis douze jours là
où la nuit les avait trouvées (1).
L activité de 1 ennemi se réveilla le
29. Ce fut le prélude d'une violente
poussée de toute l'armée du duc de
Wurtemberg, aiguillonnée par la pré
sence de l'empereur, arrivé Thielt le
26 octobre.
Les Allemands dirigèrent une atta
que sur la I re division entre l'arrêt
de Boitschoucke et la station de Per
vyse. Commencé 10 heures et pré
cédé d'un bombardement violent, le
premier assaut de l'infanterie enne
mie fut refoulé par le 4e de ligne.
L'effort fut renouvelé plus énergique-
ment encore dans l'après-midi. Une
attaque secondaire l'appuyait droite.
Ce fut un nouvel échec.
Après trois heures de combat le 3e
et le 4e de ligne repoussèrent la masse
principale en lui infligeant de grosses
pertes. Le groupe de flanc se replia
sous le feu du 151e et de la droite
de la 2e division. A 1 7 heures, les
Allemands étaient partout en retraite.
Sur le front de la 5 e division et Dix
mude, l'action se fit surtout par le ca
non.
Cependant, l'armée du général
d'Urbal continuait vaillamment le com
bat engagé entre Poelcappelle et Pas
schendaele.
Le 1 r corps britannique perdit dans
la matinée la croix de route l'est de
Gheluwelt, mais il la reprit bientôt
ainsi que, dans l'après-midi, le mame
lon de Kruiseik.
Le Gheir et Saint-Yvon furent as
saillis sans succès par des troupes sor
ties de Deulemont. Au sud d'Armen-
tières, 12 bataillons se jetèrent sur la
19e brigade britannique, arrachèrent
Middlesex regiment une partie de ses
tranchées, puis furent chassés la
baïonnette par les Argyll and Suther-
land Highlanders.
Le 30 octobre, l'action reprit avec
violence de la mer La Bassée. Les
Allemands jetaient dans la mêlée des
forces considérables 37 et 38e briga
des de landwehr, 3e division d'ersatz,
division de marine, XVe corps, Xllle
corps. Ile corps bavarois, fractions du
Vile corps, du XlVe, du IVe, du Ille
corps bavarois.
C'était le coup décisif. Le prince
Rupprecht de Bavière avait annoncé,
le 26 octobre, qu'il était nécessaire, et
le général von Deimling avait déclaré,
dans son ordre du 30, le moment ve
nu pour le jour même.
Sur le front belge, le choc qui eut
lieu sur toute l'étendue commença dès
l'aube. Le temps pressait, car l'inon
dation gagnait sans cesse le polder.
Le bombardement ralenti des jours
précédents reprit toute l'intensité des
premiers jours de la bataille. L infan
terie commença ses attaques dès l'au
be.
Elle s'approcha de la voie ferrée.
A 7 heures elle en était quelques
mètres, près de Ramscappelle, devant
le 5e et le 6e de ligne, ainsi qu hau
teur d'Oud-Stuyvekenskerke, devant
le 10e de ligne. Les Allemands, fai
sant pleuvoir des grenades dans les
tranchées du 5e, s'accrochèrent la
voie ferée que leurs mitrailleuses pri
rent bientôt d'enfilade. Un nouvel ef
fort des assaillants les porta dans
Ramscappelle où les arrêta une con
tre-attaque du 5e et du 6e de ligne. A
ce moment, il restait l'artillerie de la
2e division juste 60 coups par piè
ce
Par contre, vers le sud, les Alle
mands éprouvaient des échecs 250
prisonniers restaient aux mains de la
3e division devant le 10e de ligne,
leurs troupes avaient été clouées dans
les fosses. Notre 4e division tenait
bon mais là encore le soutien d'artil
lerie était précaire. De 23 pièces, il
en restait 12 en état de tirer, appro
visionnées 150 coups. Néanmoins,
10 heures, 1 assaut fut repoussé. 11 ne
fut pas recommencé, tant il avait
coûté cher.
Un bataillon du 1 4e, deux bataillons
de tirailleurs algériens et le 16e ba
taillon de chasseurs français cherchè
rent, 1 1 heures, reprendre Rams
cappelle. Un premier élan vint se bri
ser sur les lisières du village. Un nou
vel assaut, appuyé par un bataillon du
7e, enleva vers 16 heures quelques
maisons de lisière ouest. Le combat
continua a la fin du jour, 4 compa
gnies du 7e de ligne, 2 du 14e, 8 de
tirailleurs algériens, mêlées des frac
tions du 6e s'étaient accrochées défi
nitivement au village. Le combat s'y
poursuivit pendant toute la nuit (I).
C est dans la journée du 3 que l'ar
mée française concentra ses efforts
pour s'emparer de Becelaere. Elles y
rencontrèrent, 1 une et l'autre, une ré
sistance obstinée qui ne put être rom
pue que partiellement. Walle-Mollen
fut pris par les Français.
Les Allemands y ripostèrent par
une violente offensive sur le front
Messines-Hollebeke-Zandvoorde
Le XVe corps allemand, débou
chant de Wervicq et de Comines, s'em
para de Zandvoorde défendu par la
7e division, refoula sur Zwartelen la
3e division de cavalerie (général
Byng) et menaça très sérieusement les
lignes de communication du 1 r corps.
Le corps de cavalerie du général
Allenby (Ire et 2e divisions), vive
ment pressé par de grosses masses d'in
fanterie du Ile corps bavarois depuis
Hollebeke jusqu'à Messines, recula
de 2.500 mètres environ.
Vers Ploegsteert, le Ille corps (gé
néral Pulteney) tint bon Le Cheir
sa gauche, un moment en recul
Saint-Yvon, fut rétablie par une at
taque du Somerset Light Infantry Re
giment.
Près du château de Hollebeke, l'in
tervention de 3 bataillons français
pris dans la réserve du 9e corps, et
de 2 bataillons hindous vers Wyt-
(1) Liste des officiers tués le 28 oc
tobre Pervvse Sous-lieutenant Lambert,
du 10e de ligne.
(1) Liste des officiers tués le 30 octo
bre. Pervyse Capitaine-commandant
Dessent, état-major de la 4e division.
Ramscappelle Capitaine-commandant
Boussemaere, du 5e de ligne Capitaine-
commandant Daems, du 6e de ligne Ca
pitaine-commandant Leclercq, du 6e de li
gne Sous-lieutenant Van de Putte, de l'ar
tillerie Sous-lieutenant Schaw, du 5e de
ligne Sous-lieutenant Baetens, du 5e de
ligne Sous-lieutenant Blavier, du 5e de
ligne Sous-lieutenant Devos, du 5e de
ligne Sous-lieutenant Transaux, du 6e de
ligne. Oud-Stuyvekenskerke Sous-lieu-
tenant Lon"'ain. du 2e carabiniers.
schaete rétablit provisoirement la si
tuation au sud d Ypres.
C'est le 31 octobre que la crise, sur
le front belge, se dénoua. A 9 heures
du matin, le 14e de ligne réoccupait
la halte de Ramscappelle et la voie fer
rée était reconquise. La Se division
allemande cédait partout. La première
phase de la bataille de l'Yser était
terminée. De même que celle d'Ar
ras, elle finissait par un échec alle
mand.
Le bataille d'Ypres atteignait, elle,
son point culminant.
Au matin, le front des Alliés pas
sait par Bixschoote. Poelcappelle,
Wallemolen, Molenaarelsthoek, Ghe
luwelt, le Calvaire l'est du Klein-
Zillebeke, la lisière nord-ouest du
château de Hollebeke, le bois au nord,
de Wytschaete, Messines et le bois
de Ploegsteert. Il formait autour d'Y-
pres un saillant.
Tandis que, sur le front nord de ce
saillant, l'offensive allemande semblait
paralysée, un vigoureux mouvement
en avant fut prononcé par l'ennemi
sur toute la face sud.
Les forces britanniques engagées là
reçurent l'appui de 5 bataillons du 9e
corps français Klein Zillebeke et de
5 bataillons du 16e corps Voorme-
zeele.
Le 1er corps de l'armée du maré
chal French, après des alternatives di
verses, fut percé au centre la 1 re di
vision dut abandonner Gheluwelt. Par
la trouée, les masses allemandes se
portèrent en avant et enveloppèrent la
gauche de la 7e division. Les Royal
Scots Fusiliers, qui s opiniâtraient dé
fendre leurs tranchées, furent cernés.
En même temps une violente attaque
se dessinait sur la droite de cette di
vision. Enfin, les quartiers généraux
des 1 re et 2e divisions furent pris
dans une rafale de projectiles et sé
rieusement éprouvés.
Le danger était extrême. Le géné
ral Moussy (9e corps français) qui se
rendait compte du prix des instants,
réussit gagner du temps en lançant
dans le flanc des assaillants les seules
troupes qu il eût sa portée. Son es
corte,^ grossie de 200 volontaires ra
massés parmi les ordonnances et sol
dats du train, attaqua avec autant
d'opportunité que de décision. La
charge de cette faible troupe enraya
les progrès des Allemands.
Le commandant du Ir corps, sir
Douglas Haig, profita de cet avantage
pour faire occuper la ligne Frezen-
berg-Westhoek-Zwarteleen. La Ire di
vision, dont le général Landon avait
pris le commandement, s'y rallia.
Sous les yeux du maréchal French
en personne, la droite de la 2e divi
sion et la gauche de la 1 re division,
appuyées par la 42e brigade d'artille
rie, contre-attaquèrent alors les Alle
mands victorieux. La riposte eut un
succès complet.
Le 2e Worcestershire Regiment re
prit Gheluwelt l'arme blanche. A
sa droite, la 6e brigade de cavalerie,
attaquant moitié pied, moitié che
val, surprit 1 ennemi dans les bois de
Herenthage et le mit en fuite en lui
infligeant des pertes sérieuses.
Le détachement du 9e corps fran
çais marcha sur Zandvoorde, l'attei
gnit, mais ne put 1 arracher aux Alle
mands.
A la fin de la journée, la ligne bri
tannique, soutenue par une brigade
de cavalerie française, était entière
ment rétablie sur ses positions primi
tives.
(A suivre)