le
Lis Bonnes Soirées
De MM
La Bataille d'Ypres
fSuite et fin
Autour de Saint-Eloi, sur lequel
avait marché une forte colonne alle
mande, se livra un combat très vif
qui se termina par l'arrêt des progrès
de l'ennemi. Le repli de la 2e divi
sion de cavalerie y ayant créé une si
tuation extrêmement inquiétante, des
renforts y furent appelés de tous côtés.
Le 2 e corps britannique envoya
quatre bataillons vers Messines et
9 bataillons français, ainsi que la 9e
division de cavalerie furent dirigés sur
Saint-Eloi et Wytschaete.
La résistance obstinée des Alliés fit
piétiner les assaillants sur place.
Le 1 r novembre, les signes de re
traite se multiplièrent devant l'armée
belge d'ailleurs l'inondation les chas
sait implacablement de leurs tranchées.
Ils firent sauter le pont du Beverdijk,
coupant ainsi la route de Pervyse
Schoorbakke.
Le soir, ils ne tenaient plus que
quelques centres de résistance sur la
rive gauche de l'Yser le village de
Saint-Georges devant le pont de l'U
nion la ferme de Groote Hemme de
vant le pont de Schoorbakke les
fermes Den Torren et Van de Woude,
en avant des tanks pétrole. Les
agglomérations de Stuyvekenskerke
étaient évacuées, ainsi que le château
Vicogne. Les blessés, des armes, des
munitions en quantité considérable,
étaient abandonnés par l'ennemi.
Rien que sur la position du che
min de fer de Pervyse Schoorbakke,
comprise entre le chemin de fer et
le Schilderburg (800 mètres envi
ron), on comptait plus de trois cents
cadavres dans deux tranchées près
d'Oud-Stuyvekenskerke, on en avait
trouvé 200.
La percée sur Fumes avait ainsi
complètement échoué et la bataille de
l'Yser, laquelle avait assisté l'em
pereur Guillaume, se terminait par un
revers sanglant.
Mais les pertes de l'armée belge
étaient importantes on les évalue
18.000 hommes. L'infanterie était ré
duite de 48.000 32.000 fusils 200
canons étaient momentanément hors
d'usage.
Cette longue et héroïque résistance,
qui rendit stérile l'intervention de
l'aile droite de la 4e armée allemande,
n'aboutit pas seulement paralyser
pour longtemps 7 divisions ennemies.
Elle donna aux Alliés le temps de
transformer en une barrière solide le
cordon tendu vers la mi-octobre en
travers de la route de Calais.
Dès le début de novembre, l'enne
mi ne manifesta plus aucune velléité
offensive sur l'Yser en aval de Dix-
mude, trahissant par sa passivité la sé
vérité de l'échec qui lui avait été in
fligé-
En revanche, concurremment avec
les Français, les Belges sortirent de
leurs lignes dès qu'ils eurent repris
haleine.
Le 3 novembre, des reconnaissances
belges atteignirent Lombaertzyde
l'une d'elles passa l'Yser au-dessus de
Saint-Georges et se risqua même sur
la rive droite jusqu'aux abords de
Mannekensveere.
A l'autre aile, la division Grossetti
tenta d'élargir la tête de pont de Dix-
mude, en s'emparant du château sur la
route de Woumen et de Kapelhoek
sur la route de Eessen. L'action se ter
mina, après une série d'assauts don
nés au château, par la capture de
quelques centaines d Allemands.
Le 4 novembre, le 7e de ligne atta
qua Lombaertzyde et la ferme Bam-
burg. Telle était, en ce moment, l'u
sure du matériel d'artillerie que la 2e
division d'armée n'avait plus que 15
pièces en état sur 48.
Il fallut lui fournir un appoint de
canons empruntés une division voi
sine.
Malgré un brouillard intense qui
contraria la préparation de l'attaque
par le bombardement de la ligne en
nemi, le 7e de ligne et un bataillon
du 5e occupèrent Lombaertzyde. Mais
ils ne purent progresser au delà et en
lever les bois que défendaient opiniâ
trement les Allemands. A la nuit tom
bante, ceux-ci ripostèrent par une vio
lente contre-attaque appuyée d'un feu
puissant de pièces lourdes les Bel
ges furent ramenés sur la tête de pont
de Nieuport où ils brisèrent tous les
efforts de l'assaillant.
Des attaques faites simultanément
sur Saint-Georges, Schoorbakke et
Ternaete n'eurent pas plus de succès.
On ne pouvait approcher des positions
ennemies que par les couloirs étroits
épargnés par l'inondation (1).
La tentative sur Lombaertzyde fut
renouvelée deux reprises, le 8 et 10
novembre, par la 81 e division territo
riale, qui s'approcha 200 mètres des
tranchées ennemies et s'y établit cet
endroit.
Si modestes que fussent ces résul
tats, ils n'en caractérisaient pas moins
le changement absolu de la situation
relative des adversaires.
Cependant, s'il avait dû abandonner
le projet d'écraser l'extrême aile gau
che des Alliés, l'ennemi n'en persistait
pas moins, avec une énergie et une
opiniâtreté remarquables, dans son
projet d'obtenir en Flandre une solu
tion décisive. Il s'appliqua atteindre
la mer en enfonçant les Alliés l'est
et au sud d'Ypres.
Dans la première moitié de novem
bre, la bataille engagée dans ce but
eut un caractère d'acharnement extrê
me. Mais, si les attaques furent obsti
nées, la riposte se fit sans une défail
lance.
Ypres fut maintes fois en danger.
Au début du mois, Messines puis Wyt
schaete furent arrachés la cavalerie
britannique qui s'y cramponnait de
puis treize jours. Les renforts fran
çais transportés vers le nord durent
être utilisés aux points les plus expo
sés au fur et mesure de leur débar
quement.
Le 4 novembre, les positions étaient
consolidées par l'arrivée du 16e
corps français. Les Alliés reprirent
l'offensive sur tout le front.
Les Allemands avait accumulés par
tout des travaux de défense ils les
défendirent pied pied, non sans
contre-attaquer parfois avec succès.
Dans la nuit du 6 novembre, une de
ces contre-attaques enleva Kleinzille-
beke une charge de deux régiments
(1) Liste des officiers tués
(lr novembre). Digue du chemin de
fer Capitaine-commandant De Bruyn, du
3e de ligne lieutenant Jadot du 13e de
ligne
(3 novembre) Nieuport Capitaine An
dré, du génie. Digue du chemin de
fer Sous-lieutenant Bernaerts, du lr cara
biniers
(4 novembre) Lombaertzyde Capitaine-
commandant Sohier, du génie Capitaine-
commandant Defer, du 7e de ligne Capi
taine Jamin, du 7e de ligne Capitaine
Bodenhorst, du 7e de ligne Capitaine Pi-
rard, du 6e de ligne.
(11 novembre) Nieuport Sous-lieute
nant Galère du génie.
de Life Guards réussit reprendre ce
point d'appui.
L'usure de cette lutte sans répit dé
termina l'état-major allemand es
sayer de la terminer son avantage
par un dernier effort. Aux troupes
fraîches qu'il avait rassemblées, il
adjoignit une division de la Garde
prussienne, amenée en secret d'Arras,
et qui reçut de l'empereur l'ordre for
mel de réussir là où les autres avaient
jusqu'alors échoué.
Cette nouvelle ataque s'étendit la
fois sur Ypres et sur Dixmude.
Dès le 9, sur Dixmude et ses appro
ches vers Caeskerke se concentrèrent
les feux de l'artillerie ennemie.
Le 10, midi, après un bombarde
ment meurtrier, le plus terrible que
les défenseurs aient eu supporter
l'assaut fut donné aux tranchées occu
pées par les fusiliers marins, deux
compagnies du 1 r de ligne et une poi
gnée de Sénégalais. La ligne fut rom
pue. Un combat corps corps, où les
Allemands se couvraient de prison
niers qu'ils poussaient devant eux,
s'engagea dans les rues et les décom
bres de la ville. Il dura quatre heures.
A 16 h. 15, l'ennemi atteignait l'Y
ser, mais ne parvint pas en débou
cher. Depuis une heure déjà, les trois
batteries françaises de 75, qui avaient
appuyé la défense de la ville partir
du 9, avaient épuisé leurs muni
tions 1
Plus au sud, une violente poussée
s'était produite sur toute l'étendue du
saillant d'Ypres. Au nord, l'ennemi
dépassa Merkem, atteignit l'Yperlée
et en força le passage Poesele. Les
zouaves combattirent là avec une vail
lance remarquable. Ils rejetèrent le
23e corps dans le cours d'eau et re
poussèrent victorieusement toutes ses
attaques sur Bixschoote. Leurs charges
la baïonnette avaient transformé le
terrain du combat en un véritable
charnier.
Sur le centre du saillant, le choc de
l'ennemi s'exerça avec une fureur ter
rible. Ses corps, en formations serrées,
y subirent des pertes d'autant plus san
glantes que les artilleries britannique
et française avaient massé plus de
300 pièces sur un front de moins de
10 kilomètres. La Garde prussienne
traversa pourtant cette zone de mort
lancée le 1 1 dans les lignes, elle perça
le front et emporta, le 12, les bois
du polygone de Zonnebeke dans un
assaut désespéré. Les London Scot-
tish se jetèrent au-devant d'elle et en
foncèrent cette troupe d'élite par une
fougueuse charge la baïonnette.
Le 14 novembre, les Alliés étaient
(1) Telle avait été la fureur de la mê
lée que les Allemands attribuèrent aux dé
fenseurs des effectifs bien supérieurs la
réalité.
Ils promenèrent Gand, une cinquan
taine de prisonniers précédés d'une inscrip
tion annonçant que c'était là tout ce qui
restait du lr régiment de ligne.
maîtres de la situation. La bataille
d'Ypres se terminait, comme celle de
l'Yser, par la retraite de l'ennemi.
La deuxième grande offensive alle
mande avait complètement échoué.
Après la prise de Dixmude, l'enne
mi se borna canonner d'une façon
intermittente les abords de l'Yser. Pen
dant cette période, toutes les agglo
mérations, 1 5 kilomètres de distance
du fleuve subirent le feu de l'artille
rie de siège allemande. Du côté ami,
1 activité se manifesta surtout par de»
reconnaissances et des pointes d'in
fanterie qui se risquaient traver»
l'inondation jusqu'aux îlots formés par
les fermes.
V ers la mi-décembre, une attaque
plus sérieuse aboutit l'occupation de
Saint-Georges. Les Allemands conti
nuaient tenir les fermes voisines de
la rive de l'Yser et étaient fortement
retranchés en face de Nieuport, leur
gauche la mer.
Le 15 décembre, le général de Mi-
try commença une attaque vers Lom
baertzyde, avec un groupement fran
çais appuyé de fractions de la 2 e di
vision et ensuite de la 4e division. En
même temps, les autres divisions
belges de la première ligne poussaient*
de fortes reconnaissances sur les diffé
rents points occupés par l'ennemi.
L'attaque progressa lentement sou»
un bombardement continu. A la gau
che, elle conquit le terrain pied pied
le 16, elle s'appuyait la mer. Dan»
la nuit du 16/17, les Français repous
sèrent Lombaertzyde sept attaques
très vives le 18, ils s'arrêtaient
100 mètres des positions ennemies,
trop fortes pour être enlevées et s'y*
installaient solidement. Ils s'approchè
rent ensuite graduellement de Saint-
Georges, qu'ils enlevèrent le 28 dé
cembre.
Sur le reste du front, des éclaireur»
hardis, parfois plongés dans l'eau jus
qu'aux épaules. s'approchèrent
maintes reprises des fermes de la Vio
lette, de Groote Hemme, de Kleine
Hemme, de Terstille, du Château Vi
cogne, de la ferme Van de Woude etr
de la ferme Den Toren ils y furent
souvent accueillis par le feu des mi
trailleuses.
A la fin de 1914, moment où s'ar
rête cet exposé des événements, le»
Allemands ne possédaient plus, sur la
rive gauche de l'Yser, que quelques
postes d'écoute et de surveillance, per
dus dans la plaine inondée.
A la veille des hostilités, le roi, fai
sant appel au dévouement des troupes
belges, leur avait rappelé le souvenir
des Franchimontois et de la bataille
des Eperons d'or.
L'invasion dont nous venons d'es
quisser les péripéties s'était par deux
fois brisée, Liège près de Franchi-
mont, et sur l'Yser près du champ de
Groeninghe.
Les traditions séculaires s'étaient af
firmées dans leur éternelle vigueur
l'honneur national sortait intact et glo
rieux de l'épreuve.
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