I
I
Juges Intègres.
Les Deux France
Désirs et réalités
franco-belges
2a ANNEE No 28.
Hebdomadaire 50 cent. numeu.
DIMANCHE 14 JUILLET 1935.
Pour qu'une nation soit, il faut qu'une
solidarité nationale existe et qu'elle se cris
tallise dans la volonté du pouvoir.
ABONNEMENT 1 AN 20 FRANCS; JUSQU'A FIN 1935 10 FRANCS.
Direction-Administration Ch. van RENYNGHE,
19, rue Longue de Thourout, YPRES. Compte-chèques postaux 1003.43.
Nos aînés liquident le passé pendant
que nous construisons l'avenir.
Elle est pleine de leçons, cette aven
ture du panneau du retable de l'A-
:gneau Mystique. Ne retenons qu'un
.aspect de cette aventure le rôle joué
par le personnage principal Goeder-
tier. Avant-guerre sacristain, après-
guerre banquier, cet homme débrouil
lard, ayant une mentalité d'aventurier,
tenta d'exercer ses talents dans les
trois domaines où ils pouvaient le
mieux réussir la finance, la politique
■électorale et le cambriolage. Domaines
•qui exigent tous trois du sang-froid, de
la souplesse et pas trop de scrupules.
En finance il échoua. Dans cette
tranche les événements complexes de
l'économie sont plus forts que l'habi
leté d'un homme. Goedertier, cepen
dant, n'avait pas fait faillite, et il eut
trouvé, certes, au moment voulu, les
appuis politiques qui lui auraient permis
•de renflouer sa barque avec l'argent
de l'Etat.
En cambriolage il mérite de figurer
comme héros vivant, côté des meil
leurs héros légendaires de nos romans
policiers. Voler le panneau de l'A
gneau Mystique, c'est déjà une perfor
mance. Le mettre en lieu sûr, et né
gocier par correspondance sa restitu
tion moyennant rançon, en est une au
tre. Et diviser le panneau en donnant
comme titre de propriété la grisaille,
tout en touchant vingt-cinq mille francs
pour l'opération, c'est de l'Arsène Lu
pin et du meilleur.
En politique Goedertier est le pro
totype de l'agent électoral, entouré
d'honneurs et de flatteries pour son
dévouement la noble cause et l'i
déal de son parti. Comment Goeder
tier est-il devenu banquier Par son
dévouement la cause démocratique.
Les uns, simples ouvriers, deviennent
administrateurs de sociétés, en servant
le prolétariat d'autres de sacristains
deviennent hommes de finance. La dé
mocratie, régime de l'argent, a, comme
idéal, la puissance de l'argent.
Et voyez jusqu'où mène la décom
position d'un régime Goedertier
avoue sur son lit de mort, qu'il n'est
qu'un voleur. A parti- de ce moment
on sait que la façade de sa banque ca
che une faillite que sa réputation
d honnête homme est usurpée. Malgré
cela on lui fait des funérailles gran
dioses on accompagne en cortège son
corps jusqu'à la tombe, et on tolère
qu un Ministre d'Etat fasse son éloge
funèbre, le cite en exemple ses con- s
citoyens, et le propose jusqu'à la sain
teté
Pourquoi cette comédie Goeder
tier était agent électoral, et le pres
tige du parti dépendait du prestige du
banquier-politicien-cambrioleur.
Juges intègres Vous attendez,
n'est-il pas vrai, que je vous parle d'un
cas récent, d'une condamnation d'un
magistrat du tribunal d'Ypres. Tant
que la justice ne s'était pas prononcée,
le devoir de la presse était de se taire.
Après l'arrêt, il faut constater avec
satisfaction, que, malgré une série dp
circonstances atténuantes et la modi
cité du dommage causé, la magistra
ture belge ne tolère pas la moindre in
fraction sa correction et son inté
grité. C'est pour les citoyens du pays
une des garanties les plus précieuses,
et quand on voit que dans le domaine
de la politique aucune action ne par
vient entacher ou entraver la car
rière d'un homme, cette rigueur du
corps judiciaire permet de dire que
tout n'est pas perdu dans notre so
ciété.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Gand,
tout prendre, condamne, lui aussi
notre régime. C'est moins le magis
trat qui est atteint, que ceux qui ont
mené campagne pour qu'il soit nom
mé. Faiblesse du ministère, et intrigue
des partisans, car tous savaient parfai
tement que le candidat n'avait pas
cette énergie, cette trempe de carac
tère, cette force morale, qui doit per
mettre au magistrat d'accomplir sa mis
sion avec le maximum d'intégrité et
d'impartialité.
Que voulez-vous Si les partis poli
tiques représentaient chacun une va
leur idéologique, cela n'arriverait pas.
Mais un parti, c'est une clientèle, c'est
une part du pouvoir, c'est avant tout
une part dans la distribution des pla
ces, des offices, des sinécures. Quand
deux partis sont au pouvoir, il faut
distribuer les places, faire les nomina
tions d'après l'importance relative de
ces partis, et non pas d'après la valeur
des candidats. Car cela c'est l'acces
soire. On nomme un magistrat catho
lique, ou un magistrat libéral, d'après
un dosage prévu par la politique.
Comme l'appétit du paiti libéral a tou
jours été très grand, il se trouve sou
vent sans candidats. Des places res
tent vacantes en attendant qu'un can
didat libéral arrive maturité Ou
bien on se contente de ce que l'on a.
L'étiquette politique couvre le voleur
de candidat. Dans ce cas les -respon
sables sont ceux qui ont manœuvré,
l'encontre du bien général, pour satis
faire l'appétit de leur clientèle politi
que.
Nous voudrions que quiconque a une
étiquette politique soit écarté de toute
candidature. Le magistrat doit être
l'abri de tout soupçon de partialité.
Mais, d'autre part, le politicien ne doit
pas croire que tout citoyen est priori
l'homme d'un parti. 11 ne doit pas con
fondre la pratique de la religion avec
l'étiquette politique. Il doit admettre
que la décadence du régime des partis
fait qu'une toute petite minorité de ci
toyens admet qu'on lui endosse encore
une étiquette de parti.
Le Ministère de la Justice et ce
ne serait pas loin de la mentalité de
M. Soudan devrait, priori, jeter
au panier toute recommandation
d'hommes politiques quand il s'agit de
la nomination d'un magistrat. Les
Le 14 juillet Paris sera coupé en
deux secteurs, et 100.000 hommes se
ront affectés au service d'ordre pour
éviter que la France de gauche entre
en conflit avec la France de l'ordre.
Vous lisez bien 100.000 hommes
pour empêcher une lutte fratricide le
jour de la fête nationale. Il est inutile
de jouer avec les mots, ni de se faire
des illusions il faut appeler cette si
tuation par son nom véritable la Ré
volution. D'ailleurs la Révolution a été
commencée le 6 février.
La Prise de la Bastille date de
1 789. Louis XVI a été décapité en
1 793. Il a fallu quatre ans pour jouer
le premier acte de la grande révolu
tion. Qui oserait fixer la date san
glante laquelle se déclenchera la
guerre civile en France Mais pour
tous une certitude terrible existe elle
se déclenchera.
Et devant cette inquiétude, cette
angoisse l'Europe attend. Comment
trancher définitivement une série de
graves problèmes avec un pouvoir in
certain dans un des principaux pays de
l'Europe
Goebbels l'affirmait très justement
entre la France et l'Allemagne une en
tente ne sera possible que le jour où
un homme pourra affirmer qu'il parle
au nom des Français, et qu'effective
ment, il aura les Français derrière lui.
Et tous les problèmes de l'Europe
Centrale, la restauration monarchique
en Autriche, comment y apporter une
solution avec un régime instable en
France.
Que nous réserve le 1 4 juillet, nul ne
le sait. Mais déplorer les échéances,
le mal n'en devient que plus profond,
et le conflit final et inéluctable n'en
sera que plus sanglant.
LISEZ DANS LE SUD
Page 2 Chronique aéronautique.
Billet de Bruxelles.
Page 3 Chroniques agricole et horti
cole. Marchés. Feuilleton.
Page 4 Le Sud dans le Nord.
Pages 5 - 6 - 7 - 10 - 11 - 12 Chro
niques de la région.
Pages 8 et 9 Le Sud au Littoral.
Page 13 Le Sud l'Exposition.
Pages 14 et 15 Pour la femme.
Page 16 Cinéma. Annonces nota
riales.
Tribunaux et les Parquets connaissent
parfaitement tous les candidats. Ils doi
vent sauvegarder la dignité de leur cor
poration. C'est, leur devoir, et c'est leur
intérêt. A eux seuls, le Ministre de
la Justice devrait se référer. Ainsi il
nommerait, n'en doutez pas, les meil
leurs, et, en même temps, disparaî
traient l'arrivisme et l'intrigue politi
que, pour ne laisser place qu'à la va
leur personnelle, au travail, la con
duite et la manière digne de tenir
son rang.
Ch. van RENYNGHE.
La Belgique est péniblement surprise par
l'attitude de la France l'égard de nos
ouvriers frontaliers. Et il est fâcheux de
constater, que certains français ajoutent
cette situation de fait, des remarques plu
tôt désagréables quant l'esprit de déni
grement des Belges. Devrions-nous donc re
mercier le gouvernement de la Troisième
République pour la façon désinvolte avec
laquelle elle traite nos frontaliers.
En ternies pondérés et justes, notre ami
Mâx Hodfeige définit fort bien l'attitude de
la presse belge dans un article du Ving
tième Siècle
Il s'est déroulé samedi la Chambre de
Commerce française de Bruxelles, une céré
monie charmante laquelle nous applaudi-
dions sans réserve si elle ne nous offrait
précisément l'occasion de dissiper un mal
entendu vraiment tenace.
En effet, parmi les fleurs de bienvenue
qu'il adressait au nouvel ambassadeur de
son pays, le président de la Chambre de
Commerce française a glissé une épine
l'intention du nôtre, en parlant de cam
pagnes de dénigrement dont la presse belge
se serait rendue coupable envers Paris. Si
cette imputation répond la réalité en ce
qui regarde certains journaux, il importe
en tout cas d'en distinguer soigneusement
l'attitude des autres, pour qui l'expression
de quelques griefs n'a jamais impliqué de
parti-pris anti-français.
Nous n'ignorons pas, quant nous, com
me l'a dit M. Foulon, que la France reste
toujours la France ou, selon la pensée de
M. Laroche, que l'amitié de nos pays est
une heureuse nécessité Ce que nous avons
demandé par contre et demandons encore,
c'est que cette amitié déborde le cadre de
l'éloquence officielle et que le gouverne
ment de la France nous manifeste que beau
coup de ses ressortissants en Belgique. Autre
ment dit, nous tenons distinguer les sen
timents cordiaux de nos amis français d'avec
la manière imprévue dont les traduisent par
fois le Cabinet de Paris ou les administra
tions qui en dépendent.
Il suffit notamment de comparer la flam
me et la sincérité de l'amitié française, telle
qu'elle ne manque jamais de s'exprimer,
dans toutes les occasions qui nous sont chè
res, et sous la forme souvent la plus déli
cate, avec les procédés du Syndicat de Rou-
baix-Tourcoing, diminuant les salaires des
seuls ouvriers belges, ou la dernière circu
laire des Textiles du Nord, qui rompt le
récent accord entre nos deux pays, menace
de licenciement des centaines de nos fron
taliers et risque de frapper mort des loca
lités entières comme Mouscron, Menin, Wer-
vicq et Comines Il ne s'agit donc pas pour
nous d'accabler la France ni de répondre
par le mépris l'expression chaleureuse de
son amitié, mais simplement de souligner
la contradiction regrettable qui s'institue trop
souvent entre le mouvement spontané de
son cœur et les calculs de son action.
Si bien qu'on se trouve là devant un état
de fait général et permanent, où il est, hé
las, trop certain que le dénigrement n'a'
rien voir.