I I Les origines du conflit italo-éthiopien La thèse italienne Les partis sont*ils appelés disparaître? 3e ANNEE No 3. Hebdomadaire 50 cent le numéro. DIMANCHE 19 JANVIER 1936. Pour qu'une nation soit, il faut qu'une soi.J.- nationale existe et qu'elle se cris- !a volonté du pouvoir. ABONNEMENT 1 AN 20 FRANCS DireetMm-Adimnistratkin Ch. van RENYNGHE, 19, rue Longue de Tbourout, YPRES. Compte-chèques postaux 1003.43. Nos aînés liquident le passe pendais! que nous construisons l'aveiyr. Depuis le début du conflit et surtout depuis le rejet par l'Italie de toutes les propositions de paix mêmes les plus avan tageuses, on peut se demander quelles rai sons ont amené le Duce vouloir conqué rir l'Ethiopie et quelles sont ses revendica tions fondamerttales dans le conflit. En d'autres mots les origines historiques et politiques. En réalité la volonté d'une conquête éthiopienne existait depuis au moins six ou sept ans et les chancelleries pouvaient la prévoir et l'ont peut être prévue. Quelques faits suffisent le démontrer les ambi tions coloniales de l'Italie ne datent pas d'hier Nous avons besoin de terres fer tiles, riches, opulentes et tranquilles. Manchette d'un éditorial romain récent Oui, mais aussi l'idée centrale d'une cam pagne de presse qui date de 1929 et la phrase citée est tirée du Corriere d'Italia de juillet 1929. Deux ans et demi plus tard Monsieur Grandi alors ministre des affaires étrangères proclamait la ques tion coloniale devra occuper et occupera d'année en année une place de plus en plus grande dans les préoccupations politiques du gouvernement italien. Mais les terres fertiles, qu'à ce moment l'Italie prétendait occuper, c'était le Came roun dont elle ambitionnait d'arracher le mandat la France. On parlait alors com- plaisamment Rome de l'agrandisse ment du territoire lybien jusqu'au lac Tchad» (1) et de la création d'un grand empire colonial italien de la Méditerran- née l'Atlantique. Le gouvernement italien a-t-il cru qu'il parviendrait arracher un territoire un 'tant soit peu considérable une puis sance européenne sans provoquer une oppo sition générale contre lui sur le continent blanc. Nous ne le pensons pas a plus forte raison ne pouvait-il y songer lors qu'il s'agissait d'occuper des terres appar tenant des grandes puissances comme la France et l'Angleterre. Peut-être tout espoir ne devait-il pas être exclu vis vis de la France tant qu'Hitler n'avait pas fait de l'Allemagne une con currente directe de Rome dans les .Balkans et un danger imminent sur le Brenner. Mais tous les espoirs que l'on aurait pu fonder d'occuper la France sur le continent aux frontières de l'Est et par là l'empêcher d'intervenir efficacement contre toute ten tative de dépossession de ses colonies de vait s'effondrer aux premières tentatives de Putsch hitlérien en Autriche et aux reven dications berlinoises concernant les popula tions allemandes du Tyrol italien. Puisque les possessions françaises et an glaises ne pouvaient devenir l'objet d'une conquête italienne, puisque les autres pos sessions européennes d'Afrique étaient trop loin des bases italiennes pour exercer un attrait suffisant, l'Italie devait ou s ab stenir de toute ambition coloniale ou son ger au seul grand territoire indépendant de l'Afrique. Ceci dût paraître évident et le parut en fait aux chancelleries européennes. On nous a dit que l'Angleterre ne s'était rendu compte des ambitions italiennes qu'à la fin de 1934. Nous n'en croyons rien, en 1932 The Thnes (2) disait déjà L'Abyssi- nie.attire de plus en plus l'attention du gouvernement italien Et puisque on ne galvanise pas un peu ple par des ambitions coloniales, sans lui apporter des réalisations tangibles puis que depuis la fin de 1934 l'Italie avait abandonné par son rapprochement avec la France toute ambition contre les colonies françaises, le conflit italo-éthiopien devait éclater. Mais qu'allait demander l'Italie l'Ethiopie Une simple rectification des frontières Une main mise économique lente Une pénétration la Japonaise par la création de mouvements autonomistes ou bien enfin la voie de la conquête violente. Sans abandonner les autres moyens l'Ita lie choisit le dernier qui pouvait paraître le plus rapide et le plus efficace. Le premier indice d'une volonté italien ne de réaliser le rêve éthiopien se décèle dans une série d'articles publiés dans L'Azione Coloniale publiés déjà en mars 34. Articles consacrés l'armée éthio pienne qui, dit l'un d'entr'eux, devien dra bientôt un redoutable instrument de guerre La conclusion de cette étude était comme le signal de la mobilisation géné rale soulignant l'idée que le Négus ten drait reprendre l'Erythrée aux Italiens l'article conclut «Préparons-nous» (3). Dès ce moment les premières revendica tions précises se font entendre. Ce sont l'Italophobie éthiopienne qui contrecarre les projets italiens d'industrialisation du pays et le désir de réunir l'Erythrée la Somalie par un chemin de fer de construc tion et de tracé italiens (4). Remarquons que ces revendications subsisteront identi ques durant tout le conflit. Retenons les bien c'est le programme minimum italien et Rome de plein gré n'ac ceptera jamais moins 1) la jonction de ses deux colonies par la possession de l'Ogaden et du Danakil 2) la main-mise économique sur le pays par l'établissement d'un protectorat 3) enfin les terres fer tiles et tranquilles la possession d'une ou de deux provinces sinon de l'entièreté du territoire. Voilà le programme mini mum de l'Italie. N'avons-nous pas vu d'ailleurs les ar mées italiennes s'efforcer de réaliser le pre mier et le troisième objectifs dès le début de la campagne. Mais revenons-en aux origines nous avons parlé des griefs énoncés par Rome déjà en mars 34. Voici les premiers pré paratifs. En mars 34 toujours on annonce les premiers renforcements de troupes tant du côté italien que du côté éthiopien. Pas plus les revendications que les ori gines de la guere datent d'hier ou de l'in cident d'Oual-Oual, comme on le croit gé néralement. Et cependant si claires qu'apparaissent les revendications italiennes la lumière des précédents, il faudra des mois pour que Rome ose les proclamer et pour que les chancelleries et la presse européennes pa raissent s'en apercevoir on ne parle tout d'abord Outre-Alpes que de sécurité des colonies obtenir contre des menaces d'a gression sans cesse renouvelées il faudra un an pour qu'officiellement une revue ita lienne qui ce moment était une véritable tribune officielle ose proclamer le 9 mai 1935 l'Italie demande qu'il lui soit per mis de compléter sans entraves son œuvre de civilisation et de colonisation en Ethio pie (5). Il a donc fallu attendre le mois de mai pour que l'Italie avançât une reven dication un peu précise qui ne soit pas dé fensive. L'Italie prend, l'offensive cette date sur le terrain diplomatique. D'ailleurs la thèse va se préciser. Com ment l'oeuvre de civilisations pourra-t-elle s'accompitf Le Régime Fascista va nous l'apprendre en juin par un mandat international confié l'Italie» (6). «Sous la forme d'un protectorat militaire pré- cisera-t-on en août. A cette première revendication claire ment exprimée succède une autre les con cessions territoriales jusqu'au mois d'a vril personne n'en parla et il fallut le rejet des propositions de Mr Eden, lors de son voyage Rome pour qu'on en conclut que si elles étaient refusées c'est que les am bitions territoriales devaient être gran des (7). Mais quelles concessions territoriales le mois de juin nous le dit non des kilo mètres carrés de sables mais des terres exploiter ce sont les terres fertiles et opulentes de 1929 (8) par des indiscré tions on apprit que Mr Mussolini ambi tionnait toutes les parties basses de l'Ethio pie soit le Harrar, l'Ogaden et le Dana kil qui assureraient une liaison parfaite en tre l'Erytrée et la Somalie. Or c'était juste ment soit dit en passant l'espace concédé au fameux Rickett. D'où la grande fureur italienne. Mandat italien sur l'Ethiopie, conquête d'une province, et jonction des deux co lonies italiennes tels sont notre avis les points essentiels de la thèse italienne car en effet rien de précis ni officiellement ni officieusement n'a jamais été publié ce sujet en Italie. Si Mr Laval veut faire ces ser la guerre il doit offrir tout cela Mr Mussolini qui s'en contenterait. Mais Mr Laval de lui-même, offrirait-il la jonction Nord-midi entre l'Erytrée et la Somalie qui aurait peur résultat de ruiner Djibouti, en tout cas de l'encercler ce n'est pas certain. Les paris restent ouverts avec cette seu le réserve que toutes les chancelleries eu ropéennes auront assez de bon sens pour ne pas laisser aller les choses trop loin. Les deux leçons que nous voudrions ti rer de cette présentation du conflit, c'est tout d'abord la logique parfaite de la poli tique italienne depuis quelques années et la continuité et la permanence des reven dications italiennes depuis près de deux ans De toute évidence, le moindre mal, donc le plus grand bien, est toujours là dans le maintien d'un parti catholique au quel nous sommes d'ailleurs redevables d'insignes bienfaits. Mais le monde évo lue. L'Europe de 1935 est le théâtre de transformations profondes, de courants vio lents, de réactions inattendues. Si le parti catholique belge est encore, actuelle ment, le moindre mal, il est moins sûr que l'inévitable évolution politique de l'Occident n'obligera pas réviser ce ju gement dans un avenir plus ou moins proche. Cet avenir il faut le prévoir et il faut le préparer. Partout en Europe le système des partis, expression de la démocratie politique et suite logique des principes de 89, est en complète régression. La Liberté le cède l'Autorité (pour employer de grands mots majuscules). Les ruines accumulées par la Démocratie exigent des méthodes nou velles. Chez nous aussi les anciens partis disparaîtront. La fermentation d'où sortirs un monde nouveau se fait sous nos yeux. De cette fermentation, qui n'est que ls manifestation, chez nous, de ce qui agite l'Europe, il n'est pas défendu de souhaiter que sorte, pour notre pays, d'abord un sta tut religieux stable, un Concordat mettant la religion en dehors et au-dessus des luttes politiques, du moins des luttes politiques actuelles, car le fond du problème politi que (la vie en commun d'hommes rachetés par le Christ et appelés l'éternelle béa titude) retera toujours un problème reli gieux, mais cela c'est une autre histoire. Ce Concordat acquis la question scolaire y ayant reçu une solution minimale en justice et en équité la famille, cellule sociale, s'en trouvant suffisamment garan tie contre les forces corrosives et dissol vantes les luttes politiques porteraient sur l'intérêt national que présente tel ou tel problème concret d'économie, de poli tique étrangère, de politique sociale. Un rêve, dira-t-on Peut-être, mais qui est dans la ligne de l'évolution européenne actuelle Chanoine COLENS. malgré les apparentes variations. La seconde leçon c'est que les origines de tous les événements politiques doivent toujours être recherchées dans le lointain du passé comme Serajevo n'est pas l'ori gine de la guerre mondiale, la guerre éthio pienne ne remonte pas Oual Oual mais une campagne de presse de 1929. Jean BASTTN. (1) Régime Fascista, Crémone, Janvier 1931. (2) The Times 27/5/32. (3) Mars 1935 et la conclusion date du 1/4/35. (4) Correspondance au Temf>s du 7/4/34. (5) Affari Esleri 9/5/35. (6) Remige Fascista Crémone 8/6/35. (7) Voir notamment Daily Telegraftkt 20/6/35. (8) Giomale d'Italia 17/7/35. j

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