Indignation Non Déprimée
La vocation littéraire
de Selma Lageriof.
I -
LE SUD, dimanche 23 février 1936.
Nous recevons de M. L'Avocat Augustin
Busschaert, auteur de la magnifique élégie
Marche-les-Dames l'article ci-dessous.
Nous nous faisons un plaisir d'insérer la
prose de notre ami, car nos idées sont par
faitement concordantes
L. 1. N. R. au lieu d'essayer de s'attirer
un peu les sympathies des cochons de
payants fait, semble-t-il, tout ce qui est en
son pouvoir pour se mettre en disgrâce to
tale.
Il Nous Répugne nous avoue sans con
trainte un lecteur!...
N'éptloguons pas, contentons-nous d'en
registrer la légitime indignation de l'auteur
de MARCHE-LES-DAMES et affir
mons avec force ce dernier, que tous nous
pensons comme lui
A quand la grève de protestation et le
refus de payer les 60 balles réglemen
taires
T. M.
Nous remercions LE SUD de vouloir
bien prêter l'hospitalité de ses colonnes.
Il ne peut en effet être question de passer
sous silence la façon d'agir d'un Institut
improprement appelé National et qui n'a
pas voulu exécuter l'Elégie Marche-les-
Dames le jour-anniversaire du décès
émouvant du Roi-Chevalier, Œuvre du Sou
venir composée par un ancien combattant
volontaire de guerre.
Il faut absolument que soit portée la
connaissance du public une attitude adop
tée par ces Messieurs de l'« I. N. R. dont
en définitive et malgré tout notre regret
on est obligé de demander si la première
de ces 3 lettres I. N. R. veut dire en
l'occurrence, Intelligents, Incapables ou
Impolis... tandis qu'avec certitude tous
penseront que les 2e et 3e lettres-initiales
signifient incontestablement Noblement
Rétribués...
Les lecteurs de ce Journal, comme éven
tuellement d'un quotidien ou Périodique,
de quelque parti politique qu'il appartienne,
de quelque caractère qu'il soit, en quelque
langue qu'il soit écrit, n'apprendront pas
sans une stupeur indignée que l'auteur a
écrit peut-être dix fois cet organisme aussi
bien van Soust de Borckenfeld, Direc
teur-Général, que Tellier, directeur des
émissions musicales, paraît-il. Aussi bien
un ou deux Chefs d'Orchestres qu'à M.
Bonneel, Bibliothécaire en demeurant véri
tablement sans réponse On peut bien af
firmer de cet Institut que jamais II Ne Ré
pond Lorsqu'on pense qu'il s'agit là de
fonctionnaires, et ma foi pas trop maigre
ment payés, paraît-il, on peut douter de
l'exemple qu'ils croient pouvoir donner, ce
faisant
Que dirait-on en Haut-Lieu... que di
raient MM. Qui de Droit s ils
apprenaient qu'on s'adresse inutilement
un Fonctionnaire communal, ou ministé
riel, un greffier ou un autre membre d'u
ne Administration et cela des fois et des
fois propos d'une question intéressant son
Travail, ses fonctions, son Service, et avec
cette caractéristique qu'il s'agit en l'occur
rence d'une manifestation PIEUSE envers le
Souverain Héroïque de la Grande Guer
re dont la disparition a incontestable
ment porté un coup mortel la cause de
la Fidélité la parole donnée avec cette
circonstance aggravante et pénible la fois
(lorsqu'on doit constater ce peu de suc
cès...) circonstance douloureuse qui veut
que chaque fois les termes les plus em
preints de noblesse, d'élévation patriotique
sont employés. Il est véritablement écœu
rant de constater pareille Indifférence
Nationalement Rémunérée
Et cependant ils ne diront pas que
l'ŒUVRE DE SOUVENIR» est indigne
de leur répertoire et que Marche-les-Da-
mes ne saurait figurer au programme
aussi opportunément qu'un jeu quelconque
a mélodramo-radiophonique Dieu mer
ci il n'y a pas que les reportages lugu
brement circonstanciés pour cultiver le sou
venir de l'I. N. R. dans l'esprit et surtout
dans le cœur du Contribuable La Radieu
se... pardon Radio-Redevance de 60 frs
est là pour lui rappeler qu'il a des droits
et Intérêts, Non Reconnus toujours, par ces
Messieurs bien en place, bien embastion-
nés pourrait-on dire la Rue de ce nom
Bruxelles. Ne devrait-on pas dire qu'ils
mériteraient l'occasion d'être aussi bas-
tonnés
Irrésistiblement Nous Réprouverons nous,
Compatriotes restés fidèles l'idée du
CULTE DU SOUVENIR, qui avons du
cœur en songeant avec émotion l'idée
d'Albert 1er le Grand Roi de l'affreuse
Tourmente, demeuré là, dans la sombre so
litude des rochers sauvages de Marche-les-
Dames, le samedi 17 février 1934, resté
là sans soins, sans secours humains ,sans les
caresses de son Epouse, sans les baisers ré
confortants et attendris de ses Enfants...
souffrant atrocement durant des heures et
des heures peut-être... Invinciblement Nous
Répugnons l'idée, nous anciens Com
battants, que l'I. N. R. prétendument Na
tional se refuse faire exécuter LA SEU
LE ŒUVRE ORIGINALE existant et com
posée par un ancien combattant, pour exal
ter avec émotion et sincérité ce décès im
pitoyable et pitoyable la fois Notre an
cien Roi, Souverain des Tranchées a donc
eu cette mort la mott horrible des
abandonnés du «No man's land»... sort
épouvantable qui mettait tant de peine
son cœur de Souverain Exemplaire
oui, tous ceux qui de leurs poitrines, meur
tries quelquefois, mais ardentes toujours,
ont sous la conduite du Roi qui préfé
rait se laisser passer sur le corps accepté
de constituer la muraille vivante contre la
quelle est venu se heurter un adversaire sans
merci, oui ces braves, Inmanquablement Ne
Refuseront pas de voter un blâme
I I. N. R.
Ils apprendront ici avec très peu d'édifi
cation que l'auteur de Marche-les-Da
mes s'est adressé de nombreuses repri
ses plusieurs de ces Messieurs du dit Or
ganisme, notamment le jeudi 12 décembre
1935, par visite encore même, on le mit
en rapport avec le bibliothécaire de l'I.
N. R. Ce dernier lui a notamment, et quel
ques jours plus tard, adressé intention
nellement et en recommandation le maté
riel (partitions) de Marche-les-Dames) pour
être mis au point et complété de plusieurs
partitions, afin de pouvoir être rendu par
un orchestre plus complet, plus fourni
(sic) il fallait notamment garnir ou com
pléter le pupitre des 1rs violons, le pu
pitre desTimbales, de la Batterie, etc...
TOUT CELA FUT fait et complété
sans qu'un conducteur général fut envoyé
bien en temps 1 A, Rue du Bastion
Bruxelles en même temps des lettres
étaient envoyées Messieurs van Soust de
Borckenfeld, Bonneel, et au Chef d'Orches
tre intéressé par après 2 correspondan
ces furent encore adressées au Directeur-
Général titre de rappel, de même quelque
4 ou 5 jours encore avant le 17 février
1936... un ultime appel aux nobles senti
ments de politesse autant que de patriotis
me du Directeur-Général fut encore envoyé
par l'auteur en prévision de la date palpi
tante qui approchait
Peut-on s'imaginer QUE TOUT CELA,
oui, toutes ces correspondances demeurèrent
parfaitement sans suite, sans écho, sans
réponse... (parfaitement quel terme, quel
euphémisme
(A suivre).
PAQUEBOTS
OSTENDE-DOUVRES
Semaine du 24 février au 1 mars 1936.
D'Ostende Douvres départs
11 h. et 15 h. 15.
De Douvres Ostende départs
1 1 h. 55 et 15 h. 55.
Les 22 et 23 mars, l'occasion de
l'Exposition du Home idéal, émission
de billets d'excursion prix réduit,
vers Douvres et Londres, valables 1 7
jours.
Réduction de 50 au retour sur
le prix de transport des automobiles.
La Suède partage avec un ou deux au
tres pays Scandinaves le mérite de possé
der le trésor mythique le plus beau qui
soit.
Nous avons nos légendes la Suède, elle,
a ses sagas-. Et celles-ci précèdent de beau
coup celles-là.
Tandis que d'autres peuples donnent des
signes manifestes de fatigue, le peuple sué
dois s'est conservé dans toute sa vigoureuse
pureté racique, sans doute parce qu'il est
généralement resté isolé. A aucune époque
de sa longue existence, ce peuple qui pros
pérait déjà de longues années avant notre
ère, n'a connu le servage les paysans fu
rent toujours des hommes libres, jouissant
d'une culture morale élevée, qui leur per
mettait dès le XlIIe Siècle, de siéger aux
assemblées publiques.
Peut-être, ne serait-il pas sans intérêt de
donner ici un court aperçu de l'histoire des
sagas nordiques.
Les sagas étaient avant le Xlle Siècle
époque laquelle elles furent écrites
des récits en prose déclamés ou chantés par
les scaldes, sorte de bardes qui vivaient
la Cour des rois Scandinaves ou voyageaient
de castel en castél, la manière de nos trou
vères et ménestrels. Doués d'un génie fé
cond qui s'alimentait la tradition anti
que, ces scaldes célébraient la vie aventu
reuse et les exploits fabuleux des héros na
tionaux.
Toutefois, les sagas ne sont pas unique
ment de simples traditions d'intérêt local,
elles concrétisent l'histoire primitive des
Angles et des Normands, elles embrassent
les croyances religieuses et dépeignent les
mœurs et les coutumes elles constituent
surtout une mine précieuse pour l'étude des
faits, au point que le grand linguiste Rask
pouvait écrire Que saurions-nous sur le
développement intellectuel, l'organisation,
l'état du Nord dans les temps anciens,
sans le secours des sagas ou des livres des
lois Partout où ces ouvrages ne nous prê
tent pas leur lumière, nous marchons dans
les ténèbres.
Nées sous le ciel gris, dans les brumes
neigeuses du pays des forêts et des lacs,
les sagas nous montrent les hommes du
Nord moins occupés d'amour que sollici
tés par d'autres passions, plus énergiques
et plus périlleuses. Luttes et combats les
appellent. Ils y volent sans crainte des bles
sures qu'ils seront fiers d'avoir reçues et
de la mort que leur religion leur a appris
aimer, voire désirer, pourvu qu'elle les
frappe sur le champ de bataille.
Car ces hommes sont braves. Ils répu
gnent la fuite Asmunder est enfin pat-
venu, au prix d'un long combat, terras
ser Egil il le tient sa merci sous son
genou robuste. Je ne puis te tuer, lui
dit-il, car je n'ai pas mon épée. Veux-tu
me promettre de m'attendre et j'irai la cher
cher. Je te le promets dit Egil. As
munder court chercher son épée et retrouve
son adversaire étendu par terre, attendant
stoïquement la mott.
Leurs femmes sont vaillantes et fières.
Elles exhortent les guerriers au combat et,
s'il le faut, marchent elles-mêmes l'enne
mi avec courage et opiniâtreté, le bravant
sous la cuirasse qui cache leurs vêtements
de femme et le casque d'acier qui empri
sonne leurs longs cheveux blonds. Aussi, la
femme ne fut jamais considérée comme in
férieure l'homme. Durant toute l'histoire
Scandinave on la voit toujours sa compagne
de lutte ou sa suppléante dans les affaires.
Les héros des sagas croient au Surnaturel,
aux rêves, aux apparitions, aux prémoni
tions. Ils ont huit mains et frappent la
fois huit coups de leur glaive pesant qui
coupe l'acier comme de la toile. Ils ont
un bouclier magique, don des nains, qui les
protège dans les combats et les préserve du
feu. Nous voyons aussi dans ces sages, les
âpres récits de carnages et de grossières
beuveries voisiner avec les narrations mé
lancoliques où la tendresse raffinée le dis
pute l'émotion la plus prenante, telle la
relation de la mort de Hialmar. Ce jeune
héros vient de tomber sut le champ de
bataille. Il ne regrette pas la vie, il n'exha
le pas un soupir mais tirant un anneau
de son doigt, il le remet Oddr, son com
pagnon fidèle dans toutes ses aventures*
dans tous ses voyages, dans tous ses com
bats, et il le prie de le porter sa bien-
aimée. Oddr reçoit l'anneau et se hâte
d'aller remplir son triste message. II arrive
la demeure d'Ingeborg, la fiancée d'Hial-
mar. Il s'avance auprès d'elle et lui remet
le dernier présent du guerrier qui l'aimait.
La malheure jeune fille regarde l'anneau,
ne prononce pas une parole et tombe mor
te.
Cependant, vers le XVe siècle, une ré
volution dans le goût littéraire se produi
sit en Scandinavie. Ce mouvement eut sa
répercussion sur les sagas qui évoluèrent
pour se rapprocher de nos romans de che
valerie ce sont les fausses sagas Les
vraies, gardent leur caractère d'épopées na
tionales. Il existe encore d'autres sagas, qui
sont des récits poétiques d'où leur divi
sion en sagas historiques et en sagas légen
daires qui, leur tour, se subdivisent en
core.
Les sagas débutent généralement comme
nos contes Il y avait une fois...
«Il y avait ue fois...» C'est ici qu'il
convient d'aborder l'épisode de la vocation
littéraire de Selma Lageriof.
Quand, en 1908, lès Suédois célébrèrent
dans un même élan national, le 50me anni
versaire de la naissance de Selma Lager
iof, on ne prononça pas de discours, il n'y
eut pas de banquets, leur grande ro
mancière est ennemie de tout faste et fort
peu fière de sa gloire mais, revues et
journaux lui furent consacrés en entier. Le
prix Nobel lui échut au titre littéraire. C'é
tait la première fois qu'il se voyait décerné
un des compatriotes du célèbre chimiste
suédois.
A cette occasion, elle a voulu raconter
dans un livre intitulé, Une saga sur une
saga la manière dont est née dans son
esprit l'épopée de Gôsta Berling, la pre
mière de ses œuvres, celle qui devait lui
conquérir la célébrité et consacrer sa re
nommée.
L'idée de cette œuvre aurait germé en
elle dès sa jeunesse.
De constitution plutôt chétive, Selma La
geriof quitte pour la première fois la mai
son paternelle de Maarbacka, l'âge de
neuf ans, et se tend chez des patents
Stockholm, pour s'y faire mieux soigner.
Son instruction est assez bizarrement con
duite. On lui permet beaucoup. Les lectu
res qu'elle se choisissait au petit bonheur,
ne la firent cependant pas souffrir du sur
menage intellectuel qui eut pu ternir en
elle la fraîcheur de la spontanéité.
Le théâtre fait ses délices.
A treize ans, c'est la vraie petite Sué
doise, aux bandeaux plats, l'air intelli
gent et sérieux, au surplus, douce, tran
quille, riche d'amour et de tendres soins
pour ceux qui l'entourent.
Peu peu se développa dans son âme
un besoin irrésistible de s'abandonner aux
rêves. Le royaume de l'intelligence s'ouvrit
pour elle et, au milieu de la journée, elle
oubliait son travail et se perdait dans ses
pensées. C'est ainsi qu'elle se dépeint,
sous les traits d'Ingrid, dans Y Histoire d'un
Château.
(A suivre).
Léon MAES.