LE SUD DANS LE NORD Lettre de France Léon Grillet LE SUD, dimanche 23 août 1936. i ABONNEMENT 18 francs français. LES SOCIALISTES ET LA BANQUE DE FRANCE MADAME VANDENDRIESSCHE. 3ENT1STE, 49, rue de Dixmude, près. Agent de change correspondant près la Bourse de Bruxelles. 31, RUE DE MENIN, Y P R E S Téléph. 144 Bureau ouvert le dimanche pendant la saison LA BELGIQUE NE PEUT QUE REMERCIER LA FRANCE DE LA LEÇON QU'ELLE VIENT DE LUI DONNER. LES LOIS DE LA POLITIQUE FRANÇAISE. Charles Benoist. Au cours de sa campagne électorale, le Front Populaire a fait, en France, de larges allusions aux privilèges des cfcux cents fa milles et au pouvoir soi-disant excessif de la Banque de France. En fait, une fois au gou vernement, un des premiers actes de M. Blum a été de porter atteinte aux statuts de l'institut d'émission sous le fallacieux pré texte de faire de La Banque de France la Banque de la France. On saisit les nuances. Sans doute, la réforme épérée est-elle im portante, mais, quoi qu'on en dise, si l'on veut y regarder d'assez près, elle laisse in tacte les principes qui, dans l'organisation financière des pays occidentaux, sont la base des banques d'émission. On ignore généralement que la Banque de France est une société privée, soumise des statuts particuliers. Le gouvernement Blum n'en a pas fait une banque d'Etat comme c'est le cas en Russie. En échange du pri vilège de l'émission, la Banque contracte des engagements envers l'Etat. Ce sont ces en gagements qui ont, en partie, été -modifiés. Bien n'a été changé dans les règles de cré dit et d'escompte, qui ne pourront être mo difiées qu'avec l'approbation du Parlement sur la proposition que fera le nouveau Con seil Général. La Banque est administrée par un gou verneur et par un Conseil Général. Seule ment tandis que l'ancien conseil général qui se nommait alors Conseil de Régence était composé de 15 Régents élus, en principe par les 200 plus gros actionnaires et en fait désignés par cooptation, le nou veau Conseil Général comprendra 20 con seillers nommés de la façon suivante Deux sont élus par l'Assemblée Générale de la totalité des actionnaires. Neuf repré senteront le commerce, l'industrie, le travail, l'agriculture et le personnel de la Banque. Six d'entre eux sont nommés par le ministre des Finances, mais seulement sur les listes de trois noms, présentées par les organi sations intéressées. Neuf représenteront les intérêts fédéraux de la Nation et seront en majorité des membres de droit désignés en raison de leurs fonctions. Chose particu lièrement importante, la loi écarte du Con seil les parlementaires et les banquiers pri vés. Comme on le voit, on a porté une série d'atteintes aux droits des actionnaires qui, en fait ne sont plus représentés que par deux élus au Conseil Général. C'est dire que leur influence est désormais nulle. D'autre part, il est bien clair que les délégués du com merce, de l'industrie, du travail de l'agri culture et du personnel ne présenteront pas Jes mêmes garanties de résistance la pro gression de l'Etatisme que les anciens ré gents. On constate d'ailleurs, dans la liste publiée, que M. Jouhaux est parvenu re présenter le Travail au sein du Conseil Gé néral. La présence de ce primaire dans une des plus importantes organisations finan cières française ne fait présager aucune me sure intelligente. Sans doute, l'expérience prouve que, dans les banques où les actionnaires exercent une action prépondérante, il peut en résulter une situation qui n'est pas toujours la plus fa vorable pour la monnaie mais leur inter vention ainsi que celles des intérêts généraux de la production peut-être nécessaire pour en lever l'Etat une prépondérance qui peut de venir dangereuse. Il ne faut pas se dissi muler que la faculté de créer du crédit et des richesses est trop précieuse pour que l'Etat ne soit pas tenté d'y faire un appel exagéré. Malheureusement, l'abus tue le cré dit. Aussi, la principale qualité des dirigeants de la Banque de France devra être la ré sistance. Mais comme nous l'avons déjà dit, Jes influences politiques au sein du Conseil Général risquent d'être telles que les réserves les plus formelles s'imposent et que toutes les craintes sont permises. Il est certain que les socialistes, par cette nouvelle organisation ont voulu réduire les droits des deux cents familles capitalistes. Mais qu'est ce au juste que le capitalisme On ne le sait plus. Une économie dans la quelle le capital de telle ou telle grande so ciété est réparti entre 20.000 ou 30.000 actionnaires, est elle encore une économie capitaliste c'est dire une économie dans laquelle une seule classe possède les moyens de production Le président d'une société anonyme au capital de plusieurs centaines de millions, qui ne possède, de cette société, sous forme d'action de garantie, qu'une po sition infime de ce capital est il un prolé taire Il n'est pourtant pas propriétaire de son instrument de travail Lucien Romier, dans son livre Si le ca pitalisme disparaissait écrit fort juste ment Personne, sans doute, n'a vu le ca pital en chair et en os. Personne même ne sait au juste comment le distinguer pratiquement de son contraire. Pourquoi, par exemple, Mussolini, après avoir supprimé en fait le libre jeu des intérêts privés dans son pays, passe-t-il pour un héros de l'ordre capi taliste, alors que M. Ramsay Mac Donald qui n'oserait lever le doigt contre la Cité de Londres et la Banque d'Angleterre, fait en core au regard des possédants figure de so cialiste Et le même auteur montre, avec une lu mineuse clarté que le socialiste en attaquant le capital, se détruit lui-même. Le socialisme est lié au capitalisme dont nul ne peut se séparer ou qu'il ne peut faire périr sans périr lui-même. Aussi le socialisme n'a t-il jamais appliqué sa doctrine par un gouvernement durable, avec son drapeau dé ployé. Le socialisme pénètre le capitalisme sans le détruire, en se faisant absorber, soit par les gouvernements bourgeois, soit par les dictatures Comme on l'a vu partout, la misère du capitalisme détermine un recul du socialisme. L'exemple le plus frappant est chercher en Allemagne. La France, où le socialisme fait de très grands progrès, n'échappera pas la loi com mune. Toutefois, ici, le socialsime semble s'orienter dans la voie die l'économie di rigée. Celle-ci consiste, de contrainte en con trainte faire marcher les entreprises non plus pour le compte de l'intérêt privé, mais par ordre commandé. Comme le dit fort bien Lucien Romier, que nous citions plus haut, l'aboutissement logique en sera, comme en Russie le travail forcé, et la suppression de la monnaie remplacée par le ticket de subsistance. Comme on le voit, le dilemne est an goissant. Ou dictature, ou soviétisme. II n'y a pas de moyen terme. A l'heure qu'il est, cependant, la France a encore le choix. Attendons qu'elle se prononce. F. L. Consultations tous les jours Spécialité de dentiers perfectionnés ef garantis. 265 BOURSE TITRES COUPONS CHANGE. Il semble bien que la crise espagnole ait dépassé son point culminant le compte du gouvernement de Madrid étant pour ainsi dire réglé, on peut espérer que le gouverne ment français ne fera aucun geste regret table en faveur de ce dernier, geste qui ne manquerait pas de provoquer les plus graves complications internationales. Cependant, nous ne devons pas l'oublier, l'attitude du Cabinet Blum fut longtemps équivoque et le zèle interventionniste de certains de ses membres, faillit marquer tragiquement la politique française dans la question espagnole. Sans se soucier de ses alliances militaires, qui la lient différents pays, et la Belgique en particulier, et qui lui enlèvent une bonne partie de sa liberté, en matière de politique extérieure, car elle doit tenir compte des intérêts multiples de ses alliés, la France a failli s'embarquer pour une guerre idéologique, monrant par là une légèreté d'esprit et un manque de respect envers ses graves engagements qui doivent donner réfléchir aux pays, soucieux de leur sécurité et de la Paix. La Belgique ne peut que remercier la France de la leçon que celle-ci vient de lui donner. Car cette leçon pose avec plus d'acuité que jamais, le problème de l'in dépendance de la politique belge D'ailleurs, d'une façon plus générale, au courant de ces deux dernières années, la politique française a été marquée d'une telle nervosité, elle a suivi des méandres si con- vulsifs et l'humeur des parlementaires fran çais l'imprègne si manifestement, qu'un pays comme la Belgique, dont les intérêtês sont nettement délimités et dont les courants idéologiques ne couvent aucun impérialisme, ne peut se prêter, même indirectement, ne fût-ce que par son silence, aux caprices ■d'un allié qui risque de l'entraîner demain dans des aventures funestes. Plus que jamais, la Belgique doit être libre politiquement et forte militairement. Elle n'a, au fond, qu'un seul problème de vant elle ne point redevenir le champ de bataille de l'Europe. C'est de là que dé coule pour elle cette impérieuse nécessité de se tenir l'écart des conflits interna tionaux qui ne menacent pas directement sa sécurité, sécurité depuis toujours garantie par les forces de l'Empire Britannique, et de nos jours aussi, par la France. Mais ce que nous voulons faire comprendre, c'est que la Belgique n'a pas garantir la France, l'impunité de ses frasques senti mentales. A. DE LAMAR, du Pays Réel Plus l'Etat est démocratique, plus il est électif, plus il remet l'élection, plus il y admet d'électeurs, et plus il est menacé. C'est la destinée de l'électif de devenir de plus en plus électoral. Les vices y proli fèrent pour s'entretenir, l'abus engendre l'abus. Il lui faudrait se contrôler, mais son malheur veut qu'il ne puisse se cor riger sans se détruire. Il n'y a pas plus de régime électif sans abus qu'il n'y a de démocratie snas démagogie. sure, qu'il a abaissé la politique française. La tendance des gouvernements populai res (lesquels ne peuvent fonctionner qu'au moyen d'un procédé qui implique évidem ment la subdivision ultérieure des bribes du pouvoir) les abaisse, mesure qu'ils élargissent leur base électorale, au niveau désormais invariable d'une opinion vul gaire qu'ils sont tenus d'adopter comme critérium de législation et de politique. Au reste, l'intelligence n'est pas seule en cause, mais aussi la moralité. Par la pesen- teur du gouvernement populaire, la con science s'abaisse tout autant et peut-être en core plus. Vanité, de se fier la «-vertu de la démocratie. Alexandre Hamilton avait raison contre Montesquieu. Les hommes étant ce qu'ils sont, et non pas ce qu'on voudrait qu'ils fussent, dans la réalité, ce n'est pas la vertu, c'est ia corruption qui est le ressort des démocraties. Vanité, d'espérer en l'éducation du Suf frage universel le Suffrage universel est un vieillard-enfant, qui a tout oublié et qui ne peut plus apprendre. Depuis quatre-vingts ans, il n'a fait que se pervertir. Il a, di sait durement un Anglais. abêti l'intelli gence française Disons, avec plus de me C est une vérité qui a cours comme la monnaie, que la valeur du personnel par lementaire s abaisse, depuis cinquante ans, un peu plus chaque renouvellement, de quatre ans en quatre ans. On est géné ralement convaincu en dehors des Cham bres, mais on le constate bien mieux en core au dedans, quand on y reste pendant quelques législatures. La faute en est, pour une grande part, au suffrage universel, parce que l'élection doit être un choix, et qu'il ne choisit pas, si même il ne choisit assez souvent l'envers. Ce fut d'abord un affaissement, lent, une descente progressive, un glissement presque insensible puis une dégringolade, une chute, qui, comme toutes les chutes, va s'accélérant et se précipitant. Depuis une douzaine d'années, il semble difficile de tomber plus bas, et pourtant, tous les quatre ans, on tombe plus bas, sans avoir encore touche le fond. De temps en temps, au lendemain d'une séance où cette misere apparaît trop nu, le public se récrie d'horreur ou d'effroi alors quel que orateur officiel entonne un panégyrique, qui perd beaucoup de son efficacité du fait qu il ne sort jamais que de la bouche d'un homme en place. Lorsque, par exemple, le Président de la Chambre, dans une allo cution dominicale, fait un éloge enflé des talents et des travaux de la Chambre, on 1 écoute par politesse, mais, deux pas de l'estrade aux harangues, on sourit, et, sur les derniers bancs de la salle, on plaisante passé la porte, les langues se déchaînent. Surtout quand le miel du dithyrambe s'aigrit d'une goutte de diatribe contre les détrac teurs du régime parlementaire D'une telle protestation, tous les termes sont faux. C'est un sophisme de confusion. 'Il n'y a pas ici plus de détracteurs que de régime par lementaire. Rappeler ce qu'était ce régime est faire la preuve que ce que nous avons n est pas cela. II se peut qu'un gouverne ment sage et un président vigoureux puis sent remettre, ou avoir l'air de remettre, un peu d'ordre dans la maison. Mais ce ne sera pas en profondeur. Ce n'est qu'un époussetage, un coup de plumeau sur les meubles. Le règlement lui-même est im puissant aller au-delà. Combien de fois, en vingt ans, n'a-t-il pas été remanié Vrai, ment. Dans l'évolution des institutions, nous n en sommes plus, ce serait se méprendre étrangement que de le croire, aux formes et aux procédures. A vrai dire, pour le philosophe politique éclairé par l'histoire, ce ne sont plus les mœurs ni les manières des Assemblées qui sont en cause. Ce ne sont même plus les tnodes de suffrage et voilà pourquoi iî est, sinon tout fait indifférent, du moins d'une importance secondaire et d'un inté rêt tout passager que l'on vote suivant tel ou tel système c'est le fond même, dont il s'agit. Ce qui est en cause, ce qui fait doute, c'est la possibilité du gouvernement populaire. La question qui se pose est celle- ci Où il y a démocratie, peut-il y avoir gouvernement

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