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les écrits officiels, dans certaines mani
festations extérieures, et surtout dans
les lois et les règlements.
On aura toutefois rarement vu autant
de conflits aigus, ni pareils déchaîne
ments de haines entre citoyens. La so
ciété moderne, imprégnée de marxisme,
a prétendu imposer au nom de la loi ce
que le catholicisme recommande au nom
de la charité, et les misères n'ont pas
disparu. Elles ont simplement changé
de catégories sociales. Mais depuis que
l'assistance et la charité sont entrées
dans les attributions d'un Etat démocra
tique. livré toutes les avidités et les
haines entretenues par l'élection, jamais
les hommes ne se sont aussi mal enten
dus et la véritable humanité a marqué
un recul sensible.
Un livre fort remarquable vient de
paraître qui étudie les effets de l'ordre
nouveau sur la situation des médecins
et sur ses rapports avec les malades.
Il n'est ni rassurant, ni consolant, mais
infiniment utile, et l institution du mé
decin-fonctionnaire qui nous menace y
apparaît comme une sorte de mécanisme
barbare travers le frémissant exposé
de M. René Dumesnil. Le mal naissant
a déjà porté ses fruits empoisonnés en
banlieue. Le médecin n'y obtient plus,
paraît-il, que par exception cette grati
tude émue qu'il est en droit d'espérer
de l'exercice consciencieux de sa noble
profession. L'école des droits sans de
voirs comme dit M. Dumesnil, doit
être incriminée, et peut-être aussi, dans
certains cas, a-t-elle eu ses répercus
sions sur le médecin lui-même. Mais
le grand coupable dans l'affaire c'est
l'Etat dévorant, qui, de plus en plus,
fait apparaître le médecin comme un
fonctionnaire, comme un agent des As
surances sociales, comme un employé
des assurances contre les accidents du
travail, c'est-à-dire comme l'ennemi,
comme l'homme qu'il faut tromper et
carotter. Etonnez-vous donc après
cela qu'à la confiance qui s'établissait
normalement entre médecin et malade,
l'indifférence, parfois la haine, aient
succédé.
Ici se pose une question grave, celle
de savoir si la médecine est un art ou
une science. Si elle est une science ri
goureuse, pourquoi ne serait-elle pas or
ganisée et distribuée d'après des règles
administratives A quoi bon les con
tacts et les examens individuels La mé
decine marxiste intégrale sera réglée
la chaîne. On en imagine alors les éta
pes, depuis le prélèvement de sang et
l'analyse en laboratoire, jusqu'à l'éta
blissement d'une ordonnance par des
bureaux d'après des barèmes, ou des
canons aussi sûrs que ceux établis par
exemple par de savants actuaires pour
les compagnies d'assurances.
Il n'est pas mauvais parfois de raison
ner par l'absurde, et la sorte de mon
struosité d'une médecine scientifique et
bureaucratique la fois, fait même voir
qu'elle est autant et plus un art qu'une
science. M. René Dumesnil a donc mille
fois raison de reprendre le mot de M.
Duhamel, définissant l'acte médical, un
acte singulier, un acte d'homme hom
me. Car la médecine, malgré les pro
grès scientifiques, demeure aujourd'hui
ce qu'elle n'a jamais cessé d'être Un
art où la conscience du médecin tiendra
toujours le rôle essentiel. Le médecin,
écrit encore M. René Dumesnil, doit
être, autant qu'il le peut, certes un sa
vant. Mais il a le devoir avant tout de
garder le jugement clair, de savr' -
terpréter les données du laboratoire,
d'après chaque cas particulier qui s'of
fre son observation, d'avoir enfin la
conscience pure et le cœur accessible
la pitié.
Admirons avec l'auteur la noblesse et
la pérennité du serment d'Hippocrate. Il
partait d'une vue si haute et si juste que
les siècles n'ont pu l'altérer en rien. Il
peut servir encore de guide au médecin
d'aujourd'hui. Et les pages si pleines de
tact que l'auteur a écrites sur la curio
sité aiguë du malade, sur la prudence
et l'esprit de finesse que cette curiosité
recommandent au médecin en sont,
bien prendre, une intelligente paraphra
se. M. Dumesnil, et c'est un point ca
pital fixer, peut invoquer pour ce cha
pitre son expérience personnelle, celle
de la guerre durant laquelle il est rede
venu médecin. Et sans doute la partie
la plus émouvante de son livre concer-
ne-t-elle les cruels cas de conscience
qu'il a dû résoudre Sézanne en pleine
bataille de la Marne, alors qu'il était
chargé d'un service d'évacuation des
blessés. Il devait faire le tri entre les ar
rivants, expédier vers l'intérieur les
moins atteints et garder sur place les
morituri Parmi ceux-ci il en fut un
au moins, un jeune chasseur qui gar
dait assez de lucidité pour avoir com
pris que c'était une sorte d'arrêt de
mort qui le frappait. Alors il fallut bien
lui mentir. Mais le moribond s'obstinait
demander son évacuation.
...J'ai vu bien d'autres horreurs,
plus hallucinantes encore, et la guerre,
s'est montrée moi dans sa réalité féti
de. Mais rien n'a pu jamais atténuer le
s sanglots et des cris du
chasseur qu'on emportait dans la nuit.
Un prêtre brancardier, témoin de la scè
ne, dit alors M. Dumesnil Tu quo~
que sacerdos medice. Deus docet manus
tuas.
C'est parce qu'il tient la médecine
pour un sacerdoce que M. René Du
mesnil s'est montré la fois si âpre,
si vrai, si ému dans l'exposé des mena
ces qu'un Etat envahissant et mon
strueux fait peser sur elle. Cette noble
profession est en butte des dangers as
sez analogues ceux qui pèsent sur la
nôtre. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit
de défendre l'un der derniers foyers de
liberté et d'indépendance humaines.
Dans les deux cas il s'agit d'échapper
la servitude, la fonctionnarisation.
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