MortJ'du Baron
Janssens de
Bisthoven.
Images de îBruges.
Les Editions Alpina ont consacré
la gloire de Bruges un luxueux album
photographique, 20, me A. Moisant,
Paris. XV.
Nous citons cette admirable brochu
re, splendidement illustrée par 40 cli
chés. au début de cette semaine pendant
laquelle Bruges se prépare fébrilement
en vue du plus beau jour de l'année le
jour de la Procession du Saint-Sang.
Par dizaine de milliers les foules ac-
coureront Bruges le lundi 9 mai, et
comment mieux les guider qu'en leur
offrant la préface des Editions Alpina
rédigée par Camille Mauclair.
Bruges, c'est en flamand Brugge
c'est-à-dire le pont comme Briick
en allemand et Bridge en anglais.
Au Xle siècle, dans cette basse région,
une rivière, se déversait en un bras de
mer appelé le Zwyn. La Reie existe en
core, le Zwyn a disparu. Saint Amand
avait évangélisé cette partie côtière des
Flandres, des Vlaanderen, ce qui signi
fie terres désséchées conquises sur
l'eau. Il n'y avait sur la Reie qu'un seul
pont. Pour en interdire l'accès aux
Northmans pillards, le premier chef
s'intitulant le comte des Flandres, Bau
douin Bras de Fer, construisit une re
doute autour de laquelle se forma un
bourg rapidement agrandi.
Eloignée des grandes routes d'inva
sions, permettant le double accès de
l'intérieur et du large, la situation de
la cité du pont était trop bonne
pour que Robert le Frison n'en fît
point la capitale solidement fortifiée du
comté. En deux cents ans Bruges ac
quit une importance politique et com
merciale considérable. Jaloux de leurs
franchises communales, aptes la
guerre comme au trafic, pieux et har
dis, ses citoyens surent profiter d'une
position géographique qui, au seuil de
la Mer du Nord prétextait un arrêt
obligatoire pour les navires marchands
qui côtoyaient l'ouest de l'Europe entre
les détroits baltiques et l'Espagne. Ils
tirèrent leur fortune du courtage et du
transit selon le principe du libre échan
ge. Ces rudes soldats n'étaient point
marins, n'avaient point de flottes, mais
savaient recevoir celles des autres. En
trepôt immense, Bruges fut aussi au
moyen âge un des grands marchés de
l'argent. Sur les rives du Zwyn, qui
était un golfe, les feux et les cloches
guidaient vers la métropole, parmi les
bourgs riches et peuplés, plus de mille
voiliers de l'époque. Venise du Nord,
elle s'emplissait d'une foule cosmopo
lite, luxueuse et pittoresque, danoise,
anglaise, portugaise, ou toscane.
L'avènement de la glorieuse maison
de Bourgogne, véritable grand duché
d'Occident rival des rois capétiens fran
çais mit le comble la puissance et au
faste de cette aristocratie de commer
çants amis des arts. Le Duc Philippe le
Bon tint Bruges une cour magnifique,
tandis que les cathédrales, les palais, le
plus fier beffroi des Flandres, enor
gueillissaient la cité où Van Eyck,
Memlinc, Gérard David, allaient créer
leurs chefs-d'œuvre. Et même quand
Charles le Téméraire, après avoir fol
lement gaspillé le sang et l'or, trouva
une fin misérable, l'opulence de la Cour
Brugeoise persista. Mais un ennemi im
placable survint l'ensablement du
Zwyn, au début du XlVe siècle. Les
ingénieurs luttèrent opiniâtrement contre
ce fléau jusqu'en 1550. Les efforts fu
rent vains. La mer se retirait le Zwyn
exhaussé, devint une plaine herbue. Les
grands navires, puis les petits, ne pu
rent plus passer, et se détournèrent sur
Anvers, où les marchands hanséatiques
transportèrent leurs comptoirs, d autant
plus que les querelles civiques, puis les
ravages des Gueux anti-catholiques en
sanglantaient la ville. Quand le traité
de Munster, en 1648, porta le coup de
grâce en fermant la voie commerciale, il
y avait déjà cent années que Bruges
avait dû dire adieu sa fortune et son
prestige. Elle s'endormit, dépeuplée, so
litaire.
Mais depuis environ un demi siècle,
cette princesse oubliée a connu, grâce
la piété des artistes, des poètes, un ré
veil inespéré. Elle est ressuscitée sous la
forme d'un sanctuaire d'art. Les pèlerins
de la beauté ont réappris le chemin.
Bruges n'était pas morte selon le
mot malheureux de Rodenbach .mais
elle était en léthargie maintenant, elle
vit d'une vie double, noble, pure, et
son charme silencieux est un des presti
ges de la Belgique.
Ce charme, ce silence, on est est pé
nétré dès qu'après avoir quitté la gare
pseudo-gothique et la rue des Pierres,
élégante et animée, on atteint la Grand
Place, admirablement encadrée par des
maisons pignons dont chacune rap
pelle une page glorieuse ou tragique et
que domine, au dessus de la sombre
masse crénélée des Halles, le colossal
Beffroi, dressant en plein ciel ses cent
sept mètres de brique et de pierre blan
che, du haut desquels descendent sur
la ville et la campagne les arpèges ar
gentins du carillon.
Cette impression de force et d'orgueil
leuse grandeur est confirmée par la flè
che de la cathédrale Saint Sauveur tou
te proche, de cette vaste nef où siégè
rent les chevaliers de la Toison d'Or,
et par la non moins imposante Notre-
Dame où les tombeaux splendides du
Téméraire et de son exquise et malheu
reuse fille Marie s'entourent de chefs-
d'œuvre de Gérard David, d'Ysem-
brant, de Van Orley, de Van Dyck
auprès d'une Vierge de marbre achetée
par un riche brugeois Michel-Ange.
Ces trois tours, visibles de la mer et
d'une partie de la Flandre, ce sont les
hérauts, les témoins gothiques du faste
et de la puissance qu'anéantit le caprice
du sable et de la mer. Et d'autres égli
ses, bien que moindres, sont encore bel
les et éloquentes, Saint Jacques, Saint
Gilles et surtout, dans un faubourg pau
vre, l'étrange et saisissante église de
Jérusalem. Et s'il ne survit, du vaste
Bourg médiéval fortifié par les comtes,
qu'une place, du moins reste-t-elle limi
tée par quelques édifices évoquant les
somptuosités défuntes l'Hôtel de Ville,
délicieux coffret ciselé, l'adorable pa
villon doré qui abrite la justice de paix
cette Chapelle du Saint Sang où les
quelques gouttes du Sang du Christ,
offertes lors de la seconde croisade sont
exposées dans un étui d'or et prétextent
en mai, depuis 1303, une procession cé
lèbre et enfin la série vénérable des
pignons de l'ancien Palais du Franc,
se reflétant dans un canal. Cet ensemble
dit avec une superbe éloquence archi
tecturale et décorative ce que fut la
Bruges ducale, fleur préférée de la Mai
son de Bourgogne au XlVe siècle.
Mais ce qui attire plus encore, ce
qui touche l'âme, c'est le silence enve
loppant cette majesté, sans tristesse,
avec une suavité infinie. Sur les eaux
immobiles glissent les cygnes qu'on en
tretient en symbole expiatoire d'un cri
me politique, l'exécution du chevalier
Lanchals, dont le nom signifiait long
col après la révolte des communiers
contre son Maître Maximilien d'Autri
che. Des miroirs parfaits que ne trou
blent point les barques dormantes, dou
blent les silhouettes des façades roses
et grises, et le ciel renversé y révèle ces
doux abîmes. L'admirable série du Quai
Vert du Dyver, des quais du Rosaire
et des Marbriers, se relie par des si
nuosités, dont chacune offre un sujet de
tableau et de poème, aux grandes al
lées d'eaux qui ceinturent la ville si
les remparts ont fait place des prome
nades aux beaux arbres, les anciennes
portes fortifiées subsistent avec leurs
donjons et leurs vieux noms portes
Sainte-Croix et Sainte Cathérine, de
Gand et de Damme Maréchal enfin,
la plus imposante. Et par elles on s'in
sinue dans les quartiers modestes et ta
citurnes vieilles maisons basses peintes
de bleu pâle ou de jaune sous leurs cha
pes de tuiles ocrées, fenêtres croisil
lons toujours fleuries, cuivres ou grès
verdissants entrevus derrière les vitres
dans la pénombre, dentellières assises
aux seuils, béguines drapées de noir,
quelques prêtres, enfants aux cheveux
de miel voilà ce qu'on rencontre dans
ces ruelles qui s'appellent rue de l'Hy
dromel, rue de l'Âne aveugle, rues de
la Crevette, du Casque, de la Cigogne
ou des Corroyeurs Blancs, quais du Mi
roir et de la Main d'Or, que traversent
de petits ponts vétustés, et où l'on n'en
tend peu près rien que le bruit des soc
ques d'une passante ou le tintement des
cloches couventines, dans le ciel de
Flandre aux beaux nuages lumineux,
dans la brise marine ou l'air léger des
plaines céréales.
Cette Bruges intime, dévote, gour
mande et quiète a ses reposoirs privi-
ligiés. Elle a son Minnewater, cet es
pace liquide qu'on appelle tort le lac
d'Amour et où se reflètent Notre Dame,
Saint Sauveur et le Beffroi. Elle a son
béguinage, où de pieuses dames vivent
depuis sept siècles sous la douce règle
de Sainte Begge, sans austérité, ni fo
lie de la Croix dans un adorable en
clos de pignons blancs fleuris, autour
d'une chapelle pareille une carène ren
versée, béguinage irréel et vrai comme
un conte d'Andersen. Elle a dans son
vaste hôpital Saint Jean, resté purement
gothique, la salle illustre où, sur des
boiseries aux tonalités chaleureuses,
sont présentées quelques unes de mer
veilles de Memlinc, la châsse de Sainte-
Ursule, le Mariage de Ste Cathérine
d'incomparables, portraits, l'Adoration
des Mages, cette salle où ont commu
nié dans une vénération muette tant de
milliers de pèlerins de la beauté, venus
de tous les coins du monde, Bruges, en
fin, a depuis peu, dans le jardin con-
tigu au noble hôtel des Comtes du
Gruuthuuse, un musée digne d'elle.
D'un sombre nef de la rue St Jean ont
émigré, dans le cadre clair et judicieu
sement conçu, les Van Eyck, Gérard
David, Memlinck, Thierrv Bouts et au
tres maîtres du génie flamand qu'on
voyait mal et qu'on délaissait presque et
c'est un éblouissement. Bruges a tout
cela. Mais elle a surtout elle même, sa
simplicité harmonieuse, son accueil qui
calme l'esprit, rafraîchit l'âme peu
peu, l'illumine après l'avoir pacifiée. Il
y a des cités aussi riches en art, en mo
numents, en grands souvenirs. Aucune
peut-être n'égale en charme persuasif et
presque incantatoire, par la mystérieuse
fusion du silence, de la pierre, des fon-
daisons et de l'eau, cette petite princes
se assoupie, invitant les poètes au rêve
qu'elle prolonge, aimée des peintres
qu'attire et décourage sa grâce toujours
offerte, et donnant au passant qui veut
bien la comprendre son inépuisable au
mône de candeur et d'oubli.
Camille Mauclair.
A céder de gré gré
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lière.
Facilités de paiement Occupation
d'après convention.
S'adresser au Notaire Decock, Neuve-
Eglise.
LE SUD, dimanche 1 mai 1938;
Nous apprenons la mort d'un servi
teur dévoué et intègre de la Belgique,
le Baron Janssens de Bisthoven.
Grande et noble figure, le Baron
Janssens voyait avec une profonde
tristesse l'effondrement de notre pays,
ruiné par les manoeuvres des politi-
ciens. Combien de fois n'avons-nous
pas entendu, au cours de conversations
avec le Baron Janssens, stigmatiser
comme il convient un régime qui est la
proie de la finance, de l'arrivisme et
des médiocres.
Mais il est trop tôt pour évoquer des
souvenirs personnels. Laissons la plu
me au rédacteur de l'excellente nécro
logie parue dans La Libre Belgique s.
Le baron Janssens de Bisthoven est
décédé le 27 avril. Il était né St-Ni-
colas (Waes), el 3 février 1859. Après
des études brillantes au Collège Ste-
Barbe, Gand, où il connut Verhaeren
et Maeterlynck, il conquit son diplôme
de docteur en droit en 1882 et fit soa j
stage chez Me Cruyt, gendre du mi
nistre d'Etat Van den Heuvel. Il tint
cette époque la rubrique littéraire dans
le Magasin littéraire qu'il avait fon
dé avec Herman De Baets. Cette revue
avait comme collaborateurs toute une
équipe de jeunes qui devinrent en
des sphères diverses, des personnalités
en vue Firmin van den Bosch, Gérard
Cooreman, l'abbé Hoornaert. Henry
Carton de Wiart, Raymond de Kercho-
ve d'Exaerde, Jean Casier, Michel de
Haerne, Georges van den Bossche, le
comte van den Steen de Jehay.
Dès 1885, le jeune avocat fut nom
mé substitut du procureur du Roi
Gand. Une brillante carrière au Par
quet s'ouvrit ainsi devant lui. En 1897,
il est procureur du Roi Courtrai. en
1898, Bruges. C'est en cette ville qu'il
occupa personnellement le siège du mi
nistère public dans des causes restées
mémorables aux assises dans les pour
suites intentées Lemonnier et Geor
ges Eekhout. en correctionnelle dans les
(Voir suite page 8).
HITS WAHJlU"«'IWili
TRAINS SPECIAUX
A L'OCCASION DE LA
PROCESSION DU SAINT-SANG
(retour)
Voici l'horaire des trains spéciaux
pour notre région organisés l'occa
sion de la Procession du St-Sang le
lundi 9 mai 1938 au départ de Bruges,
vers Courtrai. 14.45 Lophem. Ze<
delghem, Veldeghem, Thourout. Lich-j
tervelde, Gits, Beveren R.. Roulers,
Rumbeke, Iseghem, Ingelmunster,!
Heule.
18.28. Lophem. Zedelghem. Thou-j
rout, Lichtervelde, Roulers. Iseghem.
Ingelmunster.
21.12. Arrêt partout sauf Lendelede,
St-Cathérine, Heule et Heule-Oude j
Leiaarde.
Haezebrouck. - 16.2. Zedelghem.
Thourout, Cortemarck, Staden. Lan-
gemarck, Ypres, Vlamertinghe, P°'
peringhe, Abeele, Godewaersvelde,
Caestre.
Mouscron. 16.15. Lophem, Ze-
delghem, Thourout, Lichtervelde-
Roulers, Iseghem, Ingelmunster.
Adinkerke. 16.46. Zedelghem-
Thourout, Cortemarck, Handzaeme,
Zarren, Eessen, Dixmude, Oostkef
ke, Avecappelle, Veurne.
Ypres. 17.40. Lophem, Thourout-
Cortemarck, St. Joseph. Staden-
Westroosebeke, Poelcapelle, Lange'
marck, Boesinghe.
Ostendè Q. 19.44. Banlieue.
Roulers. 20,57 Lophem Zedel
ghem; Thourout, Lichtervelde