Supplément
illustré
du
7 Août 1938
Bruges et le Jeu du Saint-Sang
Première Partie
No 5.
ORIGINE DE LA RELIQUE
La propagande intense menée pour
ittirer la foule aux représentations du
Jeu du Saint I Sang, les préparatifs nom.
breux qui, dès maintenant, retiennent
l'attenion de tous ceux qui traversent
la Grand'Place de Bruges nous per
mettent de croire la réussite complète
de cette réalisation audacieuse. 11 faut
de l'audace pour engager dans des ma
nifestations en plein air les dépenses
considérables qu'entraînent ces repré
sentations. Mais le nom de Bruges, la
gloire du Saint-Sang, la réputation ac
quise depuis longtemps par ces belles
fêtes brugeoises organisées par les Ker-
vyn, les van Zuylen, les Coppieters, les
Beyaert, tout nous permet d'accorder
au Jeu du Saint-Sang le préjugé fa
vorable
Bruges, dont les premiers mission
naires furent Saint-Amand, Saint-Eloi,
Saint-Boniface, Saint Tillo, Saint-Trond
se trouva rapidement être un centre de
la vie religieuse dans nos provinces.
Des reliques insignes, lors des inva
sions, trouvèrent un refuge dans les
nombreuses abbayes brugeoises, dont
les chapelles devinrent bientôt d'impo
santes églises.
C'est Baudouin Bras-de-Fer premier
Comte de Flandre, qui reçut les reli
ques de Saûnt-Donat, évêque de la mé
tropole de la Gaule et du diocèse de
Bruges. Le Comte déposa les reliques
Thourout, et fit transformer les forti
fications de la citadelle de la Reye
où il transporta le précieux dépôt ver*
«"40.
Cette citadelle, qui fut l'origine de
la ville, ce vieux bourg était construit
entre le Diver au sud, et le quai du Ro
saire jusqu'à la Grand Place 1 est.
Mais l'agglomération qui s était fixée
aux bords de la Reie, la tête du pont
du Zwyn devait être déjà assez impor
tante deux cents ans plus tôt. En effet,
Saint-Eloi y fonda deux chapelles, et il
faut fixer vers les 640 la fondation de
Saint-Sauveur et de Notre-Dame, de
venue après Saint-Donatien.
Quoiqu'il en soit Bruges doit son im
portance au Burg qu'y construisit
Baudou:n Bras-de-Fer, et dont la vie
c°rnmerciale était telle que déjà des
Monnaies carolingiennes y étaient frap
pes et portaient en pile le nom de
ufuges. Avec l'extension de la ville,
sa vie religieuse ne fit que s'accroître,
nous ne nous attarderons pas re
tracer 1 histoire de Bruges, qui a d ail-
eurs fait l'objet de nombreuses et sa
vantes études, parues dans les bulle-
tlns des sociétés d'archéologie et aux-
^uel'es une lignée d'historiens s es^ at-
tjjchée. Nous ne citerons que Gailliard,
■J'iiodts, Verschelde, Duclos et van
Zuylen.
On ne peut parler du Saint-Sang, de
sa translation Bruges, de la confrérie
et de la Procession, sans avoir recours
J. Gailliard qui publia, il y a près
d'un siècle, ses recherches historiques
sur la Chapelle du Saint-Sang. Dans la
préface nous trouvons un petit para
graphe qui doit bien nous consoler des
pessimistes qui accusent notre temps de
son matérialisme et qui, d'autre
part, justifie le souçi de ceux qui créent
Bruges cette manifestation d'art le
Jeu du Saint-Sang.
Gailliard écrivait il y a cent ans
Si dans le mouvement social, qui nous
emporte et nous étourdit, la voix des
intérêts matériels domine souvent celle
des généreux instincts et tend étouf
fer, celle des lettres et des arts, il est
beau de protester 'contre cette honteuse
et coupable prétention, en élevant, dans
le monde intellectuel, des monuments,
où l'ami du passé puisse venir chercher
des inspirations ou des souven.rs. Il est
beau de prouver l'univers que l'hom
me ne vit pas seulement de pain, mais,
qu'au-delà de ces jouissances physiques
que provoquent chaque jour les déve
loppements de l'industrie, il est des
jouissances d'un ordre plus relevé aux
quelles bien des hommes de notre gé
nération ne veulent pas encore se sous
traire et qu'ils considèrent même com
me la base d'un bonheur peu bruyant
meus réel.
Tel est bien le mobile qui a poussé
les créateurs du Jeu du Saint-Sang
offrir des jouissances d un ordre plus
relevé. Les trois parties du Jeu, qui
auront comme cadre la place de Bru
ges, ses Halles et son Beffroi, par leurs
titres créent l'atmosphère le Sang de
Notre Seigneur versé au Calvaire la
retitres crtent l'atmosphère le Sang
de Notre-Seigneur versé au Calvaire
la relique du Saint-Sang apportée
Bruges l'hommage du peuple de Bru
ges au Saint-Sang.
Les esprits sceptiques sont portés
douter de l'authenticité de la relique
du Saint-Sang. Il se posent deux ques
tions. les faits historiques nous permet
tant de suivre la relique de 1150 jus
qu'à nos jours. Comment cette relique
a-t-elle été prélevée, et comment a-t-
elle pu être conservée pendant dix siè-
ces. Les auteurs sont unanimes nous
donner les éléments qui nous permet
tent de répondre aux deux questions.
Reportons-nous au texte de J. Gail
liard Pour dissiper toute espèce de
doute cet égard, il est nécessaire que
nous remontions l'échelle des âges et
que nous allions en esprit jusqu'au som
met du Golgotha assister au dénoue
ment du drame le plus sublime qui ait
jamais étonné l'univers. Jésus avait ten
du au monde les bras de son amour,
et dans cette divine étreinte il avait
voulu serrer contre son cœur tout le
genre humain. Et, qui l'aurait cru, une
partie du genre humain, fut insensible
ce doux appel les Juifs surtout, cette
portion choisie du peuple élu, résistè
rent la miséricorde divine, et depuis
lors, ils furent condamnés porter par
tout sur leur front, les stigmates hon
teux de leur rébellion. Mais détournons
les yeux d'un si triste spectacle et re
portons-les sur un objet tout la fois
digne de notre respect et de notre ad
miration. Quel est ce groupe de fem
mes agenouillées au pied de la croix, et
qui dans leur saint recueillement sem
blent méditer sur les derniers adieux
de l'Oint du Seigneur C'est Marie, la
Mère du Sauveur, c'est Jean son ben-
aimé disciple, c'est Marie-iMadeleine,
c'est Marie, femme de Cléophas. Le
fer dont Jésus a été percé pénétré
leurs cœurs, et leur âme est en proie
toutes les angoisses de la plus pro
fonde douleur.
Au milieu de ces femmes éplorée*
un homme s'avance c'est un disciple
de Jésus c'est un décurion, un homme
d'une naissance distinguée, et, plus que
tout cela, un homme juste c'est Jo
seph d'Arimathie. Il vient de remporter
le plus beau des triomphes il a vain
cu l'opiniâtre résistance de Pilate, il a
obtenu de lui l'autorisation d'ensevelir
le corps du Sauveur des hommes. Bien
tôt les serviteurs, dont Joseph s'est fait
suivre, ont commencé leur pieux mi
nistère ils détachent et descendent de
Basilique du St Sang.