Les Guerres
de Religion.
Le théâtre Royal de Gand,
Bruges et Courtrai.
En écoutant
Jean
de Vincennes
LE SUD, dimanche 13 novembre 938
Nous reprenons cet article notre ex
cellent confrère La Bailleuloise
A partir de 1 562 des bandes d'éner-
gumènes commencèrent parcourir les
campagnes, détruisant couvents et cha
pelles.
Quatre ans pus tard, le 15 août
1566, Jacques Debuyser, moine apos
tat, du couvent des Augustins d'Ypres,
accompagné d'une 'bande de prosély
tes, vint dans la contrée prêcher les
doctrines de Calvin. Il détruisit la cha
pelle de St-Laurent près de Steenvoor-
de, renversa toutes les croix du cime
tière d'Hazebrouck, et saccagea les égli
ses de Bailleul et d'Hazebrouck.
En compagnie de Jullien, il se rendit
alors Estaires, La Gorgue, Merville,
dont ils détruisirent les églises et les
couvents le 17 août, les calvinistes
d'Armentières dévastèrent l'église de
Fleurbay.
Le 19 du même mois, les sectaires
commirent Beaupré des actes de van
dalisme épouvantables, exerçant leur
vengeance sur le cadavre de D. Eloy
Serpette qu'ils déterrèrent pour le fus
tiger et le livrèrent aux flammes avec
tous les objets du culte. Le 10 septem
bre, des gueux venant d'Hazebrouck,
commirent Estaires de nouvelles at-
trocités.
La duchesse de Parme, gouvernante
des Pays-Bas ayant donné l'autorisation
de prêcher en public, les calvinistes
s emparèrent des églises le curé de La
Venthie fut plusieurs fois menacé de
mort le 2 avril 1568, le prévôt Den-
telin Gandebleu, chargé d'arrêter des
sectaires, est tué avec seize soldats le
lundi de la Pentecôte 1568, les calvi-
nistres de Lestrem attaquent leur curé,
le bailli Jean Richebé et quatre per
sonnes les deux premiers sont tués,
les autres grièvement blessés en 1 570,
le curé de Richebourg, Jean Martin, est
pendu et brûlé par les gueux.
Le premier septembre 1 568, les reli
gieux de l'abbaye de St-Jean du Mont,
pTès de Thérouanne ayant eu, eux aus
si, leur couvent plusieurs fois détruit
obtinrent de Philippe II l'autorisation
d'occuper le couvent de St-Antoine
Bailleul.
Ces épouvantables excès commis
par les réformés devaient attirer sur
eux des représailles ceux qui étaient
convaincus d'avoir pris part au bris
d'objets consacrés au culte ou aux as
sassinats étaient dénoncés, traduits de
vant les tribunaux et déportés ou exé
cutés.
En 1 582, des .bandes de gueux, con-
duies par le Margrave de Roubaix, vin
rent incendier Bailleul. Le feu consuma
plus de 500 maisons, la halle, le beffroi
et l'église paroissiale notre cité se
trouva derechef sans ressources. Aux
horreurs de l'incendie vint s'ajouter une
effroyable famine qui fit périr beaucoup
de monde la disette était si grande
que l'on fit du pain avec de la farine
de pois et de haricots, et encore n'y en
avait-il pas pour tout le monde.
Des bandes de gueux venaient de
temps en temps réquisitionner la com
mune, volant le peu de blé qui restait
et jetant au vent ce qu'ils ne pouvaient
pas emporter. Beaucoup d'habitants se
réfugièrent alors Armentières, le Ma
gistrat lui-même s'y transporta et un
octroi du 24 janvier 1583 autorise les
avoués, échevins et conseil de Bailleul,
réfugiés Armentières, cause du sac-
cagement de leur ville, tenir leur siè
ge et exercer la justice au dit Armen
tières sur les bourgeois de la dite ville
de Bailleul.
Les objets précieux appartenant
réglise paroissiale furent transportés
Ypres d'autres habitants émigrèrent
en Angleterre, emportant avec eux le
aecret de la fabrication du drap qui fut
Le Théâtre Royal français de Gand
a été fondé en 1 840. Malgré les circon
stances et l'évolution des idées ce vail
lant centenaire jouit d'une excellente
santé, et ne redoute pas de nombreux
déplacements en Westflandre.
Grâce l'esprit d'organisation et
l'invincible ténacité de son directeur M.
René Coens, qui se trouve depuis qua
torze ans sur la brèche, nous croyons
que non seulement le public gantois,
mais les amateurs de beaux spectacles
de Bruges et de Courtrai permettront
de réaliser ce vœu 11 faut que le cen
tenaire du Royal Français puisse être
dignement fêté en 1 940.
Nous avons eu le plaisir de rencon
trer M. Coens Gand et nous lui avons
demandé quels étaient ses projets pour
cette saison.
Si vous le voulez bien, nous dit-il,
je vous parlerai d'abord de Bruges. La
saison s'annonce fort bien et nous pré
parons pour le mardi 29 novembre un
spectacle parfaitement mis au point, et
qui s'imposait au moment où les milieux
musicaux fêtent le centenaire de Bizet
c Carmen Et dans la distribution
vous me permettrez de relever deux
noms le ténor Simon Bricoult de la
Monnaie, et Madame Lucrèce Mistral
de l'Opéra-Comique. Nous retourne
rons Bruges les 20 décembre, 24 jan
vier, 14 février et 7 mars.
Quelles sont les pièces que vous
jouerez ces dates
Il m'est impossible de vous fixer
dès maintenant. Le répertoire compor
te Si j'étais Roi, Carmen, le Chant du
Désert, Faust, Rose-Marie, No-No-Na-
nette, Les Pêcheurs de Perles. Mais vos
lecteurs seront régulièrement informés
par les communiqués que je vous ferai
parvenir.
Et pour Courtrai
Comme vous 1 avez annoncé
nous donnons le 15 novembre Si
j'étais Roi avec Paul Durel, ténor
de l'Opéra, Laignez et Mademoiselle
Rose Nivel, soprano de 1 Opéra-Comi
que. Rappelez en passant que les repré-
Mr René Coens,
Directeur du Théâtre de Gand.
sentations ont lieu le mardi, et non plus
le samedi.
Nous jouerons le 6 décembre l'opé
rette grand spectacle de S. Romberg,
Le Chant du Désert qui rencontre
toujours le plus grand succès. Le 27
décembre ce sera le tour de Carmen.
Les représentations suivantes sont fixées
aux 1 7 janvier, 7 février, 28 février et
14 mars, et vous serez également in
formé de l'ordre des spectacles.
Vous constaterez que nous n'hésitons
pas nous déplacer souvent dans votre
région.
Et je crois que vous êtes satis
faite de l'accueil qui vous est réservé,
surtout quand vous venez jusqu'à Ypres
la demande de la Ligue des Poi
lus
A Ypres I Mais j'espère bien que
nous y reviendrons sous peu, en dé
cembre et que nous pourrons donner
le Chant du Désert
Sur cette heureuse nouvelle nous
quittons le directeur du Théâtre de
Gand, et lui souhaitons tout le succès
qu'il mérite pour son bel effort artisti
que. C. v. R.
Deux ténors de la Troupe.
Au-dessus M. Stokldng.
A droite M. Paul Durel,
de l'Opéra-Comique.
par la suite exploité au-delà de la Man
che c'est ainsi que cette industrie, qui
avait fait la richesse et la splendeur de
notre ville pendant plus de trois siè
cles, fut, hélas, perdue jeûnais pour
elle I
La famine cessa enfin mais Bail
leul privé des deux tiers de sa popula
tion, était absolument ruiné Le peu
d'habitants qui restaient étaient réduits
au désespoir par l'infortune et les vides
que les privations avaient fait parmi
eux on ne voyait qu'orphelins deman
der en pleurant leur père et leur mère,
des parents réclamant leurs enfants, des
veuves éplorées, et des époux en lar
mes auxquels la famine avait enlevé la
compagne.
Heureusement la fin des guerres de
religion rendit la tranquillité notre
ville qui vit revenir peu peu sa popu-
(Voir suite page 4)
Un jeune ami du SUD qui a enten
du la conférence de Jean de Vincen
nes De la rue des Vers au Paradis
nous envoie ce charmant compte-rendu.
m*
Je me suis rendu cette conférence,
en jeune homme content de soi-même,
légèrement biaisé (dame il faut être
la mode), croyant connaître toutes les
petites misères dont chaque classe se
plaint.tort naturellement.
Je m'en suis retourné plus grand,
plus noble, ébloui par tant de charité,
tant de bonté et tant d'abnégation.
Une invitation cordiale et nous voilà
parti avec un guide éclairé, vers un
quartier populaire de Bruxelles, situé
près de la gare du Midi et quelques
pas de la Porte de Hal.
Nous avons d'abord accompagné le
sympathique conférencier vers la rue
des Tanneurs. Au No 169... une mai
son comme toutes les autres, mais dont
les habitants se sont imposés une vie
d'abnégation totale. Leur chef un au
mônier. Sa tâche par ses prières, mé
riter la protection divine. Quelques
docteurs, aidés par une poignée d'in
firmières. Leur consigne sacrifice et
leur mot d'ordre charité. Une douzai
ne de jeunes hommes travailleurs
acharnés.
Poussons la porte et entrons.
Nous voici dans la salle des consul
tations, avec tout son pittoresque les
mamans et leur progéniture tout son
humour les tulipes toute sa tragé
die la maman sans ressources, qui ap
prend du docteur, que sa fille doit être
suralimentée... qui se tait et baisse la
tête Quel exemple de fierté I
En route maintenant vers l'impasse
de la Perle d'Amour. Nous traverson»
des ruelles, nous longeons des mur»
crasseux. Voici la salle du Patronage
où grouille tout un petit monde. On se
chamaille, on hurle, tout le monde s a-
muse. Après les jeux, le repos. Alors
naturellement les Marnzielles doi
vent en raconter une. La fuite en Egyp
te, la moraliste Rosalie quelle suavité
a robe de provision et les pots de
fleurs (lire pot quel charme
Continuons notre chemin. Nos sou
liers sont boueux. Dans nos narines,
des relents de linge sale. L'odeur infec
te, des taudis jamais aérés, se cram
ponne dans nos vêtements. Nous ren
versons des poubelles.
Qu'importe I Notre main dans celle
de Monsieur Jean de Vincennes et tou
jours en avant.
Avec quelle vigueur, nous avons
monté quatre quatre les escaliers,
pour offrir notre cœur, notre charité
et notre amour la petite Louise.
Car ce n'étaient pas seulement les
deux infirmières, qui se trouvaient au
chevet de la petite malade, mais toute
la salle. Nous ne pouvons discerner
plus bel éloge Monsieur Jean de Vin
cennes.
Hélas, la fin.
Quelle fresque émouvante que la
description de la dernière ruelle, Qul
monte, monte, avec sa boue, sa crasse,
sa détresse, sa marmaille grouillante,
ses grasses matrones, ses chômeurs, ses
vieillards qui sourient la mort... et
au-devant de tout ce petit peuple, au
réolé de gloire et de lumière sainte, 1 au
mônier, les docteurs, les infirmières et
les jeunes hommes montent aussi tout
droit vers le Paradis I
Remercions Jean de Vincennes, car
nul n'aurait mieux exprimé en terme9
plus familiers, d'une ingénuité plus tou
chante, l'atmo9phère de ce quartier P°"
pulaire et l'action de grâce de cette
œuvre grandiose de charité.
John Knight.