Supplément
illustré du
25 décembre
1938
PEINTRE BRUGEOIS1400-1494
par Ch. van Renynghe.
No 14.
JAN MEMLIN
VIERGE A LA POMME.
Cette vierge appartient au dipty
que de Martin van Nieuwenhove.
Le portrait de van Nieuwenhove
est un des meilleurs de Memling,
et la Vierge est caractéristique de
la grâce et de la spiritualité des
vierges nombreuses qui sortirent
de l'atelier du peintre brugeois.
On remarque dans ce tableau la
finesse du paysage.
La Ville de Bruges a obtenu que
le Gouvernement édite en 1939
un timbre de propagande Mem
ling. Le sujet sera probablement
la V'erge la Pomme. L'œuvre
est datée de 1487.
Memling Ce nom évoque toute la
splendeur de l'époque bourguignonne et
la grandeur de Bruges. C'est avec une
légitime fierté que le pays entier s'as
sociera l'initiative prise par la ville de
Bruges de rendre hommage, cet été,
la mémoire du grand peintre qui succé
da Van Eyck et Van der Weyden.
L'exposition Memling s'ouvrira le 24
juin et offrira l'admiration des visi
teurs une collection splendide des œu
vres du maître, grâce l'aimable colla
boration des musées belges, de différents
musées étrangers, et des particuliers qui
ont le rare et somptueux privilège de
conserver un Memling. L'exposition res
tera ouverte jusqu'au 30 septembre, et
nombreux seront les touristes anglais,
français, hollandais et allemands qui
s'arrêteront Bruges et s attarderont
contempler l'œuvre de Jan van Mim-
nelinghe.
Tel serait bien le nom de Memling.
En parcourant les nombreux livres, et
les études encore plus nombreuses qui
ont été consacrées Memling. on con
state que le point le plus controversé est
le lieu et la date de naissance du pein
tre. Ce qui est curieux, c'est que les au
teurs les plus anciens rapportent les thè
ses les moins vraisemblables, et que,
partant de ces données fantaisistes, les
critiques de la fin du dix-huitième siècle
créèrent la légende d'un Memling bru
geois de naissance. Alfred Michiels ré
digeait vers les 1840 une copieuse his
toire des peintres flamands, et poussait
la fantaisie jusqu'à prétendre que le nom
du peintre était Hemling qu'il de
vait être né vers 1430 dans la ville de
Bruges, et que son plus ancien tableau
portait la date le 1450. Et dans un style
d'un romantisme ampoulé, Michiels dé
crit l'arrivée de Hemling l'Hôpi
tal de Bruges, après la bataille de Nan
cy en 1477.
Cette littérature fantaisiste fut rapi
dement démontrée fausse par un cher
cheur consciencieux qui revient le mé
rite d'avoir mis les primitifs la mode
l'historien brugeois James Weale. Il pu
blia une série de notes et d'études, de
1860 1880, qui attirèrent l'attention
des milieux artistiques sur l'école des
primitifs flamands. Cela peut actuelle
ment paraître étrange, mais l'art des
primitifs n'était guère apprécié, il y a
un siècle Que valaient les Memling
cette époque Des petits tableaux attri
bués Memling, se vendaient en 1847,
une Descente de Croix, 65 francs en
1853, un triptyque, 320 francs. Le fa
meux autel portatif de Charles-Quint
était adjugé en 1850, lors de la vente
des tableaux du Roi de Hollande, Guil
laume II, 12.480 francs, et deux volets
i .aient acquis par le Louvre pour 11.728
francs. Le Musée de Bruxelles acheta
le portrait du bourgmestre Moreel et de
sa femme Barbara van Vlaenderbergh
pour 4.950 frs, et celui d'un inconnu
1.045 frs. En 1872 le Musée de Bru
xelles paye 23.000 frs pour le tripty
que du Christ en Croix, et ce n'est qu'à
la fin du siècle que les prix augmentent
sensiblement le Musée d'Anvers achè
te l'œuvre splendide du Christ et ses
anges» pour 240.000 frs en 1895.
Ces prix font rêver, quand on songe
l'estimation actuelle de l'œuvre totale
de Memling évaluée un demi-mil
liard, un prix récent pouvant fixer les
idées le 24 juin 1938 un Memling a
été adjugé New-York pour peu près
neuf millions de francs.
La vogue des primitifs s'est formée
autour de l'œuvre de Memling, mais ce
lui-ci a été éclipsé par van Eyck d'a
bord et par van der Weyden ensuite.
Nous laisserons aux critiques d'art le
soin d'ergoter sur les mérites respec
tifs de ces trois grands maîtres de l'art
L'ADORATION DES
MAGES. Retable
exécuté en 1479 la
demande de Jean Flo-
reins. Ci-dessus le cen
tre de ce retable où
nous voyons le donateur et son frère, et d'après une légende la tête d'homme
qui apparaît la fenêtre côté de l'élégant roi nègre reproduirait les traits
de Memling. S'il fallait retrouver les traits de Memling dans ce tableau, ceux
de Saint-Joseph se rapprochent beaucoup plus d'un document gravé par
Jacques van Oost le Vieux. Le critique d'art Fierens-Gevaert estime que le
retable de Jean Floreins est un acte de foi, le plus pur, le plus net, le plus
suave que Memling ait formulé.
flamand, ou plutôt de l'ait dans ce qu'il
a de plus humain et de réellement uni
versel. Ne tomoons pomt dans le tra
vers de faire du nationalisme artis
tique. Un artiste n'est vraiment grand
que quand il atteint par ses conceptions
l'universel. Il n'existe, et ne peut exis
ter d'artiste qui produise une œuvre gé
niale sans que dans celle-ci les criti
ques découvrent, tout naturellement,
l'influence de ses prédécesseurs ou mê
me de ses contemporains. Bien au con
traire, la recherche de l'originalité
tout prix a conduit plus d'un peintre
moderne produire des œuvres grotes
ques. La marque du génie, la preuve
de la faculté créatrice d'un artiste ré
side dans une parfaite assimilation des
leçons des maîtres du passé, et ensuite
dans une extériorisation toute person
nelle de ces données techniques. Le
technicien est toujours l'élève d'un au
tre technicien, mais la personnalité créa
trice opère en quelque sorte une refonte
des données techniques, une traduction
nouvelle de ces données dans la ma-
BARBARA MOREEL. La femme de Guillaume
Moreel, Barbara van Vlaenderbergh, figure deux fois
dans l'œuvre de Memling. Nous donnons ici la repro
duction du portrait qui se trouve au Musée de Bru
xelles. Elle figure également, avec ses onze filles, sur
le volet du triptyque de la famille Moreel au Musée de
Bruges. Remarquez la finesse de ce portrait, la délica
tesse des détails, la perspective du paysage.