Poperinghe et
Monts.
les Constant Van de Velde
St MARTIN apôtre des Gaules
LE SUD, dimanche 8 janvier 1939.
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(iSuite de la 2me page)
On ne peut parler de Poperinghe sans
dire un mot des Monts de Flandre. La
promenade est classique, et vrai dire,
on n'en revient jamais déçu. D'abord,
c'est au Kemmel qui s'est disputée,
une heure tragique, l'existence même de
notre pays. N'est-ce pas une dette de
reconnaissance que d'aller évoquer sur
place, le souvenir de ceux, dont l'ultime
sacrifice a permis la Belgique de fi
gurer encore sur la carte de l'Europe
Vous serez d'ailleurs payés de votre
peine. Le panorama est merveilleux
toute la plaine de la Westflandre
s'étend'vos pieds les villes, la plantu
reuse campagne, et par temps clair, la
ligne des dunes qui bordent le littoral.
Enjambez la frontière, nous voici en
France. Devant vous, se trouve le mont
des Cats, au sommet duquel est édifiée
une importante abbaye cistersienne, fort
intéressante visiter. Mais, hélas les
prescriptions sévères de la Règle inter
disent aux femmes l'entrée de la clôture.
A titre de dédommagement, pendant
que, seuls, leurs compagnons iront s'ini
tier la vie des moines, elles se rendent
la petite chapelle située un peu l'é
cart vers les bois. Le point de vue y est
magnifique et le sanctuaire, où, de toute
la région et parfois de fort loin, on vient
demander le soulagement de ses maux,
et certainement le plus ancien de tout le
pays. Peut-être remonte-t-il l'époque
où quelques pieux ermites habitaient
seuls ses parages. Les régnicoles l'af
firment et le nom du bois voisin qui
s'apelle encore aujourdhui bois de
l'Ermitage semble leur donner raison.
N'êtes-vous pas trop pressé pour le
retour Poussez une pointe jusqu'à Cas-
sel. C'est le dernier sommet de la chaî
ne, sommet modeste, il est vrai, puis
qu'il ne dépasse pas l'altitude de 170
m. mais vraiment ces collines de sable,
surgissant au milieu de la plaine, sont
autant de bélvédères, qui offrent aux
regards charmés de bien beaux panora
mas. A vrai dire la ville de Cassel, ju
chée au sommet de son mamelon, vaut,
elle seule, la visite du touriste et je me
garderai bien de vous en détailler, ici,
toutes les curiosités. Accoudés la ba
lustrade du parc du château, tandis que
le soleil baisse l'horizon, jetons seule
ment un coup d'oeil la ronde Une
vieille chronique disait, que du haut de
Cassel, le regard embrassait trois royau
mes, vingt-trois villes fortes et deux
cents clochers. La vanité locale a, sans
doute un peu exagéré, car, si les tables
d'orientation portent les directions
d'Amsterdam ou de Londres, on est bien
empêché de voir si loin. Le troisième
royaume dont il est fait mention est
certainement le royaume des cieux
Mais peut-être, y a-t-il bien deux
cents clochers. II en surgit de partout.
Pour peu que l'on cherche, on en trou
ve toujours de nouveaux le spectacle
est féerique. Et tandis que les yeux se
laissent charmer une fois de plus par la
magnifience du décor, l'esprit évoque le
souvenir du Maréchal Foch qui, durant
toute la bataille de Flandre, en 1918,
dirigea, d'ici, toutes les opérations, et
qui, tous les soirs, venait, anxieux,
cette même place, ne pouvant, lui non
plus, détacher son regard de cette plai
ne flamande dont il voulait maintenir
coûte que coûte, l'intégrité, tandis que
les obus allumaient partout des lueurs
d'incendie.
M. H. van Merris.
Parmi le quarteron de peintres et d'as
pirants-peintres qui composent l'Ecole
Brugeoise, il y a, peut-on dire, beau
coup d'appelés mais peu d'élus. Dieu
merci. Constant Van de Velde s'est,
presque d'emblée, classé parmi ces der
niers. Déjà, dès ses premières oeuvres,
il y a de cela plus de quinze ans
il nous apparut marqué du signe des
vainqueurs. C'est que sa peinture avait
le je ne sais quoi de personnel, de per
suasif et d'inattendu la fois, qui ne
trompe personne. Aussi le grand public
ne lui ménagea guère sa sympathie.
Bien entendu, pour ses débuts, Van
de Velde s'attaqua d'abord au paysa
ge brugeois Dangereux écueil qui
guette la plupart de nos peintres lo
caux, parce qu'il leur vaut des succès
trop aisés et des émotions trop faciles.
Ah combien de jeunes artistes, pleins
de talent et de sensibilité, se sont noyés
(au figuré s'entend) dans les eaux sans
tain du quai Vert, du quai des Mar
briers et du Lac d'Amour... Sans doute
Van de Velde qui signait en ce temps-
là du nom de Jan Constant dut-il
obligatoirement, lui-aussi, planter son
chevalet devant nos ponts de Soupirs
et nos classiques pignons redents.
Pourtant, nul ne lui en fit grief tant son
accent semblait simple, son pinceau dé
nué d'artifices et son émotion fraîche et
sans apprêt.
Un jour vint, où ce Brugeois d'adop
tion sut renoncer ces thèmes désuets
et ces sujets mille fois rabachés pour
s'évader vers la mer toute proche et la
campagne flamande. Bien lui en prit
Car de s'être mesuré avec la Mer du
Nord et ses ciels de tempête, Van de
Velde se sentit devenir un autre peintre.
Ffhis ces gris sales où se complaisait na
guère une âme mélancolique, éprise de
tendresse et amoureuse de rêveries nor
diques Passés ces tons indécis, où se
reflétait la tristesse des villes mortes et
des hivers silencieux et recueillis Dé
sormais le vent du large, l'odeur du va
rech et des algues, le poudroiement de
l'embrun, l'air acre saturé d'iode, les
ciels immenses déchiquetés de nuages
géants, ont, pour jamais aéré, vivifié,
transformé son art, un peu trop sen
timental et émotif. Le voilà devenu
présent Peintre de la Mer dans toute
l'acception de ce beau vocable.
Lépoold II on s'en souvient
conseillait ses compatriotes de tour
ner leurs regards vers la mer. S'il avait
goûté la peinture dont il se gaussait
l'égal de la musique il aurait pu
donner le même conseil nos peintres
flamands, qui, trop volontiers, moisis
sent chez eux et se complaisent entre
quatre murs, alors que la mer avec ses
horizons immenses ouverts sur l'infini,
est leur porte
Pour avoir compris cela, Van de Vel
de a pris bien vite figure de maître par
mi la tourbe de rapins qui assiègent nos
modernes cimaises. Sa technique est sû
re et vigoureuse, son coup de brosse
alerté et vif, sa couleur éclatante et
chaude. Et, lorsque, revenant ses pre
mières amours, l'artiste se reprend, en
tre deux marines, peindre nos ruelles
brugeoises, le voilà qui parvient sans
effort, ranimer les vieilles briques et
leur infuser un peu de sa jeunesse d'â
me
En bon musicien car on me dit
qu'il manie l'archet aussi bien que le
pinceau il fait chanter les pierres,
tressaillir les jeunes verdures et vibrer
l'âme de sa ville.
Heureux artiste, va Depuis que vous
la peignez. Bruges n'est plus tout fait
morte
C. B.
POPERINGHE.
Vue du bassin.
Le 11 novembre, nous avons célébré
comme chaque année et peut-être en
core avec plus de ferveur, l'anniversaire
de l'armistice et la fête patronale de
saint Martin. La Providence, en effet,
a voulu cette coïncidence, peut-être sur
l'intercession du glorieux évêque de
Tours, et il y a là une double leçon de
tendresse et d'humanité, leçon que le
maréchal Foch entendit mettre en va
leur quand il approuva, par lettre du
21 octobre 1921, l'apposition dans la
basilique Saint-Martin Tours, d'un
ex-voto portant ces simples mots
A saint Martin
11 novembre 1918
Foch
maréchal de f-ance
Ce n'est donc pas nous soustraire
nos devoirs envers les disparus et re
jeter les préoccupations de l'heure que
de parler du grand saint Martin.
Moins d'un siècle après sa mort. le
tombeau du généreux guerrier était déjà
un lieu de pèlerinage. Une basilique,
percée de trente-deux fenêtres et sou
tenue par cent vingt colonnes, précisent
les chroniques, lui était consacrée dès
l'an 466.
Sainte Geneviève saint Germain de
Paris vinrent prier Tours. D'Italie,
d'Orient, les fidèles accouraiei t sur le
tomheau du thaum.'rurge, où les mira
cles se multipliaier;.
Après la bataille de Tolbiac, Clovis,
accompagné de Clotiîde. vin: implorer
la protection du saint et l'on raconte
que, pendant une expédition contre les
Visigoths, il dépêcha des ambassadeurs
qui couvrirent le tombeau de présents.
Ainsi, le culte de saint Martin se
trouva associé aux premières heures de
l'histoire de la nation française.
A la suite de Clovis, les Mérovin
giens montrèrent une grande dévotion
pour le sanctuaire et Charles Martel
même, devait y faire consacrer son
épée.
Plus tard, Charlemagne ordonna que
le voile orné du portrait de l'évêque, fût
porté devant les troupes.
Le sanctuaire ayant été dévasté au
cours des invasions normandes, on dut
transporter le corps de saint Martin
Auxerre, pour le protéger des profana
tions.
Après la pacification définitive, une
nouvelle basilique fut édifiée Tours,
où quatre papes se rendirent successi
vement et une fête, dite de la réversion
de saint Martin, commémore l'anniver
saire du retour des précieux restes.
En 1323. Jean XXII autorisa Char
les le Bel faire séparer le chef de saint
Martin du reste du corps, pour l'expo
ser publiquement.
Sous Charles VII, le corps fut placé
dans une châsse d'or, oeuvre de Jehan
Lambert, de Tours. La châsse était sup
portée par une estrade d'argent et en
tourée de lampes qui brûlaient jour et
nuit.
Louis XI. le roi pèlerin, fit exécuter
dans la basilique de magnifiques pein
tures et fit dresser devant les reliques
une grille d'argent massif. Malheureu
sement, François 1er devait envoyer
cette dernière la Monnaie...
En 1562, la basilique fut mise sac
par les Huguenots, qui brûlèrent les
saintes reliques. Quelques ossements
purent être recueillis ils furent dépo
sés dans un coffre de bois doré et les
fidèles restaurèrent le tombeau.
Lors de la Révolution les derniers os
sements furent dispersés et seuls quel
ques fragments purent être sauvés par
le maître sonneur.
Au cours du XIXe siècle, des efforts
furent entrepris pour ranimer le culte
de saint Martin, qui demeure toujours
très populaire, dans plus de 4.000 égli
ses.