LE SUD, dimanche S février 11339
KATTEFEEST.
Le grand succès de la Kattefeest,
dont Ta reprise eut lieu l'an dernier
le 13 mars, par un temps radieux, fut
tout la foiç une récompense méritée
et un précieux encouragement pour les
organisateurs de cette belle fête folklo
rique. Aussi estimons-nous que la pro
pagande doit se faire dès maintenant
pour la deuxième Kattefeest folklorique,
et nous faisons appel nos aimables
confrères du Nord, pour que, dès main
tenant, ils engagent leurs lecteurs se
rendre Ypres le dimanche 5 mars
1939.
Comment mieux renseigner nos lec
teurs, qu'en nous adressant l'anima
teur des fêtes yproises, M. Aimé Gru
wez, qui revient le mérite d'avoir or
ganisé avec M. Valère Seys la Katte
feest 1938.
M. Aimé Gruwez n'est pas l'homme
s'endormir sur des lauriers. Le succès
de 1938 ne l'a pas empêché dé remar
quer certaines petites erreurs, certains
détails qui méritent une retouché. Ainsi
il est certain que le Fou et ses petits
pages doivent être aperçus du public, et
dans ce but une petite plateforme sera
dressée côté du Beffroi, Où les pages
esquisseront quelques figures chorégra
phiques.
H est de fait également que le Fou,
dans ses beaux atours, lie peut décem
ment se charger du sac de chats, et
qu'aussi élégant seigneur a le droit de
se faire accompagner de valetaille. Cette
année un domestique accompagnera le
Fou, et portera le sac dans lequel les
pages précipiteront lès chats en étoffé.
Notre jeune chroniquëur qui fit l'an
dernier, pour LE SUD, un charmant
reportage de la fête signalait que le va
carme de la Foire couvrait la chanson
du carillon, et même le concert des
trompettes thébaîhéS. Aussitôt M. Gïû-
wez d'apporter un remède énergique
la situation en faisant donner.I Yptia-
ua. Ce sera aux accents de la Sympathi
que musique yproîse que le jeu folklo
rique réjouira la foule.
Enfin M. Gruwez a eu l'excellente
idée d'associer la population yproise
la fete en demandant aux Yprois d'of
frir les dix grahds chats. Déjà plusieurs
Yprois ont répondu l'appel et nOus
«'avons pas hésité de faire de même
LE SUD apportera la fêté un gentil
minou bien étoffé, et dont les griffes,
aous l'assurons, seront limées. Nous es
pérons que cet appel, suffira pour que
M. Gruwez soit rapidement en posses
sion de son petit troupeau de félins.
Quant au programme i sera celui de
Tan dernier une course cycliste Gand-
ftcuges-Ypres avant de commencer le
lancement des chats. Et puis la joyeu
se bataille pour arracher Tes rubans pro
metteurs de primes, fournée de saine
pîté populaire, laquelle participent
petite et grands.
Rappelons ce que fut la Kattefeest
dans le passé. C'est en H 76 que la
Comtesse Marie institua la Kattefeest
commençant le deuxième lundi de Ca
rême et durant six jours. A cette épo
que pendant les 16 jours qui précédaient
et suivaient cette fête, quiconque s'y
rendait ou en revenait ne pouvait être
arrêté.
On chetche l'origine de la Kattefeest
dans les anciennes superstitions païen
nes. Il est certain que le fait de jeter
des chats vivants la foule n'est pas
fort compatible avec lès campagnes de
la Ligue protectrice des animaux, et les
mœurs ayant heureusement évolué (du
moins en apparence) les pauvres petits
mfnOus furent livrés en pâture la fou
le, une dernière fois en 1716, d'après
une vieille chronique.
Les Yprois frondeurs et spirituels, vi
rent dans cette fête une occasion de
se moquer de la garnison hollandaise,
qui en vertu du traité de la Barrière oc
cupait la place d Ypres. Le peuplé fla
mand n'aimait pas beaucoup cette oc
cupation d'une garnison étrangère dans
notre ville. Nous croyons volontiers que
les Yprois trouvaient dans le geste de
lanter du haut du Beffroi de leurs li
bertés les chats en pâture la foule,
un symbole du moment heureux où ils
mettraient la porte la garnison étran
gère.
Chose curieuse le grand historien
yprois, J. J. Lambin raconte avoir as
sisté une nouvelle édition de la Katte-
coup de poing le pot de terre et dé
rouvrir le chat. Dans les courses sui
vantes ils tâchaient d'enlever le plus de
faveurs possibles du dos du chat resté
là la corde et défendant ses rubans
coups de griffes. Lorsque tous les
chats étaient dépouillés de leurs faveurs
on coupait les cordes et les malheureu
ses bêtes retrouvaient la liberté en tom
bant sur la place elles étaient aban
données alors au bras séculier des ga
mins qui les poursuivaient outrance et
en faisaient une sorte de curée. Quant
aux jouteurs, ceux qui avaient remporté
le plus grand nombre de faveurs rece-
feest le 10 mars 1813, qui serait bien la vaient les premiers prix et les plus gros
ses primes.
Et voici comment se déroula la fête
l'an dernier, lors de la reprise.
Le Beffroi profile sa haute taille sur
la coupole bleue d'un ciel serein.
Là-haut le dragon s'étire et brille au
so'eil déjà chaud. Au pied de la tour,
la multitude grouille et donne pas mal
de fil retordre aux braves agents, cas
qués et gantés de blanc.
Sur les trottoirs une foule impatiente
s'écrase et trépigne tandis que sur la
Grand'place règne un continuel remous
de va et vient.
Les voitures se fraient un passage
grands coups de trompes, ce qui d'ail
leurs n'aide guère, les curieux étant très
peu pressés de laisser la place libre.
Les casquettes sport et les premiè
res toilettes de printemps, mettent une
dernière manifestation du genre.
Il y a plusieurs versions sur la ma
nière dont se passait cette fête, et nous
avons eu le plaisir de trouver un texte
fort intéressant ce sujet la Biblio
thèque Royale. Nous le soumettons aux
organisateurs. Us verront peut-être le
moyen d'adapter cette version notre
époque, les hommes montés sur des pe
tits Chars pouvant être remplacés par...
des cyclistes
La fête avait heu aux sons des clo
ches et du carillon. Les fenêtres de la
GrahdFlace étaient noires de monde,
et le Magistrat de la Ville se trouvait
au cbmplet. Et voici la description de
ce jeu populaire
Des cordes étaient tendues et tra
versaient la place une certaine hau
teur, et passaient dans des pots de terre
tion, sur la plate-forme et agite le sac
où sont enfermés les chats. Peu après il
se montre nouveau et, aux acclama
tions de la foule, lance deux chats dans
le vide.
Avant qu'ils aient décrits la moitié
de leur trajectoire, des dizaines de mains
se tendent déjà pour les happer au vol.
Leur atterrissage provoque un grand
remous, au grand dam des chapeaux et
casquettes.
Un troisième chat partage bientôt le
sort des deux premiers.
Sous le campanile du carillon les
trompettes thébaines lancent mille flè
ches d'or, entre lès Crénaux de pierre,
le Chef d'orchestre agite cômiquement
ses bras et nous voyons les cloches du
carillon se mettre en branle.
Par moments nous entendons une va
gue sonnerie de cuivres ainsi qu'un ti
mide tintinnabulis de clochettes, d'ail
leurs vite nbyé dans la bruyante caco
phonie des flon-flons de la foire.
Deux chats tombent encore en tour
billonnant, mais toujours du côté des
rues au Beurre et de Lille. L'enthou
siasme diminue parmi le peuple massé
vers l'intérieur de la Place.
Vers 4 h. le fou réapparaît avec
ua chat muni d'tm parachute aux cou
leurs de la ville.
Lâché, le chat se dirige rapidement
vers le bas, mais peut-être intimidé par
les clameurs il se ravise, hésite, tente
l'escalade du toit de l'aile reconstruite
et va enfin se poser du côté de la place
sez des manchons et qui dans certains
lieux servent nicher des pigeons. Ces
pots enfilés par des cordes contenaient
chacun un chat, lequel était couvert de
faveurs de toutes couleurs, dont les
bouts pendaient de chaque côté de quel
ques pouces.
Chats et rubans étaient soigneuse
ment enfermés dans le pot suspendu qui
au premier aperçu, ne laissait rien soup
çonner au spectateur étranger. Le mi
lieu de la place restait libre. Les jou
teurs montés sur de petits chars de
vaient au moment où ils passaient ra
pidement sous les cordes, briser d'un
deux ouvertures, qui ressemblaient as- note claire sur la nappe mouvante de Van de Peereboom, au grand désap
pointement de la foule.
Un deuxième chat est lâché, mais
après s'être fait admirer fl va se cou
cher délicatement dans la gouttière, en
vrai chat...
Un troisième chat fait le saut et après
quelques hésitations s'élance et plane
victorieusement au-dessus des halles
tandis que la foule se précipite sous le
Beffroi pour gagner la place Van de
Peereboom.
Entretemps le fou est allé repêchât
le chat des gouttières et le relance ortie
fois c'est une gargouille que le para
chute s'accroche, et le chat semble se
moquer de la foule et narguer lè fou qai
se penche pour le rattraper et le décro
cher.
Un quatrième chat saute et va hâti
vement se livrer aux mains avides de
s'emparer de ses rubans
Trois grandes poupées en papier,
figures grimaçantes sont lâchées succes-
'sivement de la place et partent en éclai-
reurs, avant le chat qui sera lâché e*
ballon.
Et le grand ballon rouge, qui res
semble au fameux F.N R.S., emporte le
rallye-chat l'aventure, vers les nues
et peut-être la stratosphère.
La foule massée sur la place et las
rues adjacentes s'écoule rapidement vers
les cafés et les jeux de la foire.
11 v a longtemps qu'one foule ausXi
«ompacte avait été réunie, Ypres.
la foule endimanchée.
Les carrousels déversent flots leurs
crins-crins dans l'air bourdonnant.
Soudain un roulement de tambours
gronde au loin, bientôt ponctué d'éclats
de trompettes, et voilà que débou-hent
de la rue au Beurre les képis pom
pons de l'Ypriana.
Nous suivohs sur le haut cadran du
Beffroi la marche lente des aiguilles,
trop lente au gré du public.
Au coup de quatre heures le fou es
corté de neuf pages portant neuf chats,
quitte l'Hôtel de Ville la suite de la
Fanfare, et gagne la rue des Chiens.
Bientôt il apparaît au coin de la rue de
Lille, et se dirigera vers le pied de la
Torre où se pressent les enfants.
Accompagné de ses neuf suivants, le
fou danse et agite ses grelots au son de
la musique. Il lance aux menottes avides
des petits, dont la plupart sont déjà
grands, quelques poignées de petits
chats.
Haut perchés, sur la tour, les photo
graphes et cinéastes braquent sur l'as
sistance leurs appareils de prises de
vues, avec des airs de pigmées.
La foule commence trouver le temps
long et s'agite. Une nuée de papillons
rouges et blancs jetés du beffroi voltige
ua moment dans l'air puis se perd bien
vite sur les toits et dans la foule.
M est 4 h. 20.
Le fou fait e«fi« une courte appari-