Supplément
illustré du
19 février
I939
Us Missions Belges
en Mongolie.
le Vicariat Apostolique de Jehol.
appelé jadis "de Mongolie Orientale".
No 18.
Après 27 ans d'absence le R. P. G.
Seys est revenu en Europe. Nous
avons saisi l'occasion pour demander
ce dévoué missionnaire quelques impres
sions sur la Mongolie.
Il ne nous est malheureusement pas
permis d'envisager le point de vue po
litique du problème. Mais nos lecteurs
liront avec le plus grand intérêt l'étu
de très documentée, que le R. P. Seys
a bien voulu nous adresser. Nous l'en
remercions cordialement, et ceux de nos
lecteurs qui estiment devoir témoigner
leur gratitude au dévoué missionnaire
yprois, n'ignorent pas que si l'argent
est le nerf de la guerre,-il est également
l'instrument indispensable de la propa
gande évangélique.
11 existe du terrotoire de Jehol une
excellente histoire chinoise, rédigée avec
un souci évident d'objectivité et avec
beaucoup d'esprit critique. Lorsque, il
y a une douzaine d'années, un comité
fut chargé d'en préparer une nouvelle
édition, on fit appel au concours du R.
P. Jos Mullie, de résidence dans la ville
de Jehol Le P. Mullie avait, en effet,
repéré et identifié les ruines des mon-
breuses anciennes villes qu'on trouve
un peu partout dans le pays. Dans les
réunions du comité, les membres chinois
lie furent pas peu surpris de constater
<jue le Père avait de plus saisi parfois
mieux qu'eux-mêmes la portée de cer
tains passages du texte historique.
La Mongolie Orientale a eu une his
toire vraiment remarquable. Du milieu
du Xe Siècle la première motié du
XlIIe, deux dynasties locales, celle des
"Léao d'abord, celle de Kin ensuite,
jouèrent un rôle important, leur Em
pire englobant, pendant un temps
notable, tout le Nord de la Chi
ne A Taiming, dans le pays de Jehol,
une des plus belles tours de Chine mar
que encore l'emplacement d'une des ca
pitales de cet Empire. La peuplade Ki-
tan, qui fournit la dynastie Kinn, était,
•en partie, nestorienne. Refoulés par la
poussée Mongole, ils allèrent s'établir
aux frontières du Turkestan russe ac
tuel On s'explique ainsi comment, en
russe, le nom de Khitai désigne la Chi
ne.
Lorsque la dynastie mandchoue,
Tenversée en 1910 après 275 ans de rè
gne, fit la conquête de la Chine, les
Mongols de la Mongolie orientale firent
opposition. S'ils furent finalement sou
mis, ils ne laissèrent pas, pendant quel
que temps de mettre en danger l'empire
nouveau.
L'empereur mandchou Kanghi, monté
au trône l'âge de 8 ans et censé avoir
régné de 1662 1722, comprit la su
périorité intellectuelle du Jésuite Belge
Verbiest, avec lequel il se plut s ini
tier aux mathématiques. Durant ses
voyages et expéditions, l'Empereur em
menait le Père avec lui. Fallait-il pas
ser une rivière, Verbiest était appelé
se prononcer sur la solidité des ponts
existants ou construire. Nous connais
sons en détail une campagne de chasse,
laquelle Verbiest assista dans le pays
de Jehol. Il s'agissait surtout de tuer
des tigres, alors fort abondants dans
la contrée. On en tua 60 dans la dite
campagne. Depuis, avec la disparition
des forêts, le tigre a émigré en Mand-
■chourie.
Les Empeteurs mandchous eurent
dans la ville de Jehol une résidence
d'été, composée de nombreux pavillons,
disséminés dans un parc, arrangé d'a
près un plan français. Entouré d'un mur
de 7 8 kilomètres de tour, le parc
comprend, l'Ouest, une partie fort ac
cidentée et boisée, et, l'Est, un ter
rain plat, coupé d'étangs entourant de
merveilleux îlots. Cette résidence, avec
ses dépendances, existe toujours. Mais,
depuis qu'un Empereur fut, en 1820,
foudroyé dans les environs, la Cour dé
laissa Jehol. Au Nord du parc, en de
hors de l'enceinte, un empereur fit con
struire un monastère bouddhique, imi
tant de près celui de Lhassa au Thibet
et portant le même nom de Potala. C'est
qu'un chef thibétain du lamaïsme s'était
réfugié Jehol Ne pouvant, pour des
raisons politiques, l'imposer de force au
Thibet, l'empereur prit le parti de ren
dre le Lama heureux en Mongolie. Les
amateurs de grand tourisme, qui visi
tent Jehol, et il y en a, marquent d'un
caillou blanc les journées qu'ils y pas
sent. Le célèbre explorateur Sven Hedin
disait au P. Mullie qu'il n'avait rien vu
d'aussi beau en Chine.
Longtemps, le Jehol ne posséda guère
de population chinoise. Encore mainte
nant la population mongole y est restée
beaucoup plus nombreuse que dans les
autres parages de Mongolie. La tribu
des Hartsin, par exemple, divisée en
trois bannières, doit compter de 250.000
300.000 âmes. Le Duc de la bannière
occidentale fut président du sénat de
Peking, du temps où la Chine avait un
Sénat, c'est-à-dire les premières années
après la révolution de 1910, qui instal
la un gouvernement républicain et par
lementaire.
Mais, le Mongol est exclusivement
pasteur. La seule industrie qu'il con
naisse est la fabrication des gros feu
tres, dont il fait ses tentes. Et encore
dans le Jehol, sauf tout-à-fait au Nord
du pays, le Mongol habite, depuis long
temps, en maisons. Il se nourrit surtout
de viande de mouton, de lait, de beurre
et fromage. Déjà assez anciennement
des cultivateurs chinois, en nombre
strictement limité, étaient admis dans le
pays pour fournir aux Mongols certains
céréales Des voyageurs de commerce
chinois y venaient troquer des produits
manufacturés contre des chevaux. Quel
ques distilleries, chinoises encore, four
nissaient au Mongol l'alcool, dont il ai
me faire usage.
Depuis peut-être cent cinquante ans,
l'infiltration chinoise s'est fort accen
tuée. Le Mongol, facilement court
d'argent, vendit ses terres au fur et
Palais Impérial de Jehol.
mesure de ses besoins, et, en ce moment,
les Mongols constituent peine le
dixième de la population totale.
Déjà du temps où Verbiest, suivait
l'Empereur la chasse, une chrétienté
chinoise était établie la porte de la
grande muraille, où passe la route de
Peking Jehol Koupeikeou.
Ces chrétiens constituaient précisé
ment la garde de la dite porte, bâtie
en forme de bastion, vraiment formi
dable pour l'époque. Cette petite chré
tienté n'est pas entièrement éteinte, mais
elle réside au Sud de la porte, donc en
Chine proprement dite. Cependant,
la ville de Jehol posséda vers la même
époque une petite chapelle.
Ce fut vers la fin du XVIIIe S. que
les premiers groupes importants de chré
tiens chinois vinrent se réfugier en
Mongolie: vers 1773. C'est que après
la mort de Kanghi, la religion catholi
que fut d'abord moins favorisée par la
Cour, puis passa par des périodes de
persécution plus ou moins ouverte. Jus
qu'au Traité de Tientsin en 1858, l'Egli
se ne jouit jamais d'une paix complète.
Les chrétiens émigrés en Mongolie
étaient pour sûr des âmes d'élite. Il
y avait parmi eux des familles apparen
tées l'ancienne dynastie des Ming, dy
nastie chinoise renversée par la con
quête mandchoue. Ces familles ne sont
pas éteintes et tous les chrétiens immi
grants de cette époque ont laissé de
nombreux descendants dans le Jehol,
surtout vers le Nord, dans la Préfec
ture Apostolique de Chihfeng, confiée
au clergé chinois. Le Préfet ap., Mgr
Tchao Luc est lui-même un rejeton de
cette première fournée. Fuyant la per
sécution ces chrétiens se réfugièrent
dans des endroits isolés, au fond de pe
tites vallées Chose merveilleuse, non
seulement leur foi demeura intacte, mais
leur vie spirituelle demeura des plus in
tenses, alors que cependant ils n'avaient
pas de prêtre résidant parmi eux. De
Peking un prêtre chinois ou étranger les
visitait de temps en temps.
Au début du XIX S., la Chine ne pos
sédait guère plus de cent missionnaires.
La suppression de la Compagnie de Jé
sus, puis la Révolution française et les
guerres qui la suivirent ne favorisèrent
pas le recrutement. Les secours finan
ciers surtout se trouvèrent réduits un
minimum les Œuvres pontificales ac
tuelles n'existaient pas encore. Et, mal
gré tout, on réussit former des prê
tres chinois et obtenir des conversions.
Les chrétientés situées l'Est du Vi
cariat Apostolique de Jehol ont été con
stituées par des chinois convertis au dé
but du XIXe S.
Après la suppression des Jésuites, les
Lazaristes français furent chargés du
Nord de la Chine. Et lorsque le P. Th.
Verbiest fonda la Congrégation de
Scheut, ce furent les Lazaristes qui loi
cédèrent la Mongolie. Chose noter t
le Vicaire Ap. des Lazaristes était, en
ce moment là, lui-même en résidence en
Mongolie, pour plus de sécurité
Les quatre premiers missionnaires
de Scheut arrivèrent en Chine en 1865.
Le pays de Jehol possédait alors trois
groupes de chrétiens celui de la Val
lée des Tigres, où le fondateur est mort
le 23 Février 1868 celui dit des Pjot