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LE SUD, dimanche 19 février 1939.
noires, et celui de l'Est, dit des Pins,
situé en bordure de la Mandchourie. Le
Hollandais Ferdinand Hamer fut le pre
mier missionnaire de Scheut établi dans
le pays de Jehol. Dès 1866, il résidait
aux Eaux Noires. C'est lui qui sera un
jour le premier Vicaire Ap. de la pro
vince du Kansou, et qui mourra martyr
en 1900, brûlé vif après d'horribles mu
tilations, dans le Vicariat Ap. appelé
de nos jours de la Ville Bleue.
Les Missions Etrangères de Paris,
qui desservaient la Mandchourie long
temps avant le Traité de Tientsin, ob
tinrent des Lazaristes de s'installer avec
leur séminaire dans un village de Mon
golie, la situation en Mandchourie
étant par trop précaire. Il se fit donc
que, lorsque les Scheutistes arrivèrent
en Mongolie, le village susdit continua
appartenir la Mission de Mandchou
rie.
Dès la première réunion des Vicaires
Ap. du Nord de la Chine, réunion tenue
Péking en 1882, Mgr Bax, alors Vi
caire Ap. de toute la Mongolie, entra
en pourparlers avec le Vicaire Apos
tolique de Mandchourie. Le village
en question, que les français avaient
appelé Notre Dame des Pins, (d'après
son nom chinois de Les Pins.,) fut cé
dé la mission Belge en échange d'une
partie de la Mongolie située plus au
Nord. En 1884, Notre Dame des Pins
devint la résidence du premier Vicaire
Ap. de la Mongolie orientale Mgr Th.
Rutjes.
Dès la première année, celui-ci com
mença par créer un petit séminaire dans
les locaux laissés par les Missions
Etrangères de Paris. En 1899 quatre
premiers prêtres chinois purent être or
donnés l'un deux, Mgr Tchao Luc,
est devenu depuis Préfet Apostolique
de Chihfeng.
Au début, le petit séminaire acceptait
des étudiants destinés la prêtrise, et
d'autres n'ayant pas pareille vocation.
Bientôt, on sépara ces derniers des vrais
séminaristes, les deux groupes cepen
dant restant sous la direction d'un seul
missionnaire. A partir de 1900, le sémi
naire et le collège eurent chacun leur
directeur respectif.
Mgr Rutjes entreprit aussi la forma
tion de vierges catéchistes. A l'arrivée
des Scheutistes en Chine, il y avait un
peu partout parmi les chrétiens des jeu
nes filles gardant le célibat, tout en res
tant dans le monde. Mgr Rutjes les réu
nit en communauté... La communauté ne
fut pas strictement religieuse. Les vier
ges firent cependant vœu privé de chas
teté et s'engagèrent rendre service
la Mission. On veilla surtout leur don
ner une. instruction solide mettant les
sujets même de diriger des écoles de
catéchisme et même des écoles littéraires
du degré primaire.
Formation de prêtres, formation d'ai
des laïques, catéchistes, maîtres d'é
coles, régisseurs du temporel, chefs de
villages chrétiens- n'ayant pas de prêtre
demeure, - et formation de vierges
furent, dans le Vicariat Ap. de Jehol
toujours poussées avec vigueur. C'est
que le Vicariat présentait des conditions
assez particulières. Les Vicariats Ap.
de Mongolie Centrale et de Mongolie
Occidentale se distinguèrent par la créa
tion de grosses chrétientés. On trouvait
sur place d'immenses étendues de ter
res, le pays étant constitué par des pla
teaux, et souvent ces terres étaient en
friche. Le territoire de Jehol, par contre,
est tout en petites vallées,- ravagées sou
vent par des torrents. Les terres un peu
étendues y sont très rares. De plus, le
pays ne possède pas de terres en fri
che, sauf dans un district tout-à-fait au
Nord, et Surtout la terre est divisée
l'infini, le pays possédant une popula
tion agricole trop dense pour la terre
arable disponible. En fait, la Mongohe
Orientale, ne put créer que très peu de
gros villages entièrement chrétiens une
demie douzaine peine. Les chrétiens
se trouvent, en frit, éparpillés, chacun
ayant cherché (avant detr<> chrétien!,
son lopin de terre isolément. Il y a, dans
Ville de Jehol.
KTi.itVI a
le Jehol, des chrétiens dans plus de 1600
localités différentes. Le missionnaire est
obligé de visiter le grand nombre chez
eux. Au heu de grands catéchuménats
ou de grosses écoles, on est obligé de
multiplier les petits établissements. Ce
pendant les chrétiens, d'eux-mêmes tâ
chent toujours de se grouper le plus pos
sible, et il existe pas mal de petits pos
tes possédant quelques dizaines de bap
tisés Ces petits postes ont besoin d'un
homme sachant baptiser les enfants,
chargé de réunir les chrétiens le diman
che pour réciter ensemble les prières
dominicales, chargé encore de prévenir
le missionnaire quand un chrétien se
trouve en danger de mort. D'autre part,
les chrétiens éparpillés ainsi dans la
masse païenne, doivent être armés pour
résister aux idées et pratiques dange
reuses et bien entendu, ces cellules
chrétiennes tâchent de rayonner autour
d'elles. Bref, il faut partout des hommes
et des femmes capables de soutenir la
communauté chrétienne et de parler aux
païens.
Ce sont surtout les hommes formés
au collège et les vierges qui ont converti
et instruit les ouailles que le Vicariat
a gagnées depuis le début. Après la ré
volution des boxers, il n'avait pas tout-
à-fait 9.000 chrétiens. Depuis une dou
zaine d'années le Vicariat de Jehol a
cédé des parties fort importantes de son
territoire aux Missionnaires du Canada,
et surtout au clergé chinois. Sur le ter
ritoire tel qu'il était en 1900 il y a en
ce moment 62.000 chrétiens, dont
26,630 dépendent de la Préfecture Ap.
de Chihfeng.
Habitué vivre parmi les païens, le
chrétien de Mongolie Orientale a sou
vent l'occasion de leur parler religion,
les païens eux-mêmes mettant parfois
la conversation sur ce terrain. Aussi,
tant au collège qu'au séminaire, on en
seigna toujours avec grand soin l'apo
logétique telle qu'elle convient le mieux
pour la population, qui fait grand état
de certains textes confucianrstes, croit
aux légendes bouddhiques tout en pra
tiquant des superstitions taoïstes. Car la
Chine païenne possède une macédoine
de doctrines, qui font assez bon ménage
ensemble.
La population, au demeurant, est as
sez lettrée. Même du temps de l'Em
pire, beaucoup de chinois savaient lire
et écrire, ayant passé quelques années
dans une école dé village et lu une par
tie de Confucius.
Pour le séminaire, il fut, presque dès
le début, réglé que les candidats n'y
seraient pas admis avant d'avoir fait de
solides études de chinois, nous dirions
presque des humanités chinoises, dans
les Collèges. (Depuis 45 ans le Vicariat
possède deux collèges, avec prêtre com
me directeur).
Afin de ne pas compliquer les cho
ses, les candidats furent admis au sémi
naire seulement tous les trois ans, (ac
tuellement tous les deux ans) de façon
ne pas avoir six classes d'humanités
latines, mais seulement deux. Ces élè
ves ne sont donc pas de force égale
pour le chinois. Mais, il est facile de
leur faire suivre des cours différents de
chinois au Collège, voisin du séminaire.
Au séminaire même, l'étude du chinois
est continuée, non seulement pendant,
tout le temps que durent les humanités
latines, mais même en philosophie et en
théologie. Il faut remarquer qu'il n'exis
te pas encore, en chinois, une grammaire
vraiement utile de cette langue. La mé
thode d'enseignement a des allures as
sez spéciales, grandes mangeuses de
temps. Et on ne fait pas l'analyse gram
maticale ou logique des textes
Le latin, par contre, est enseigné com
me ici, dès que les élèves sont suffisam
ment initiés. Et justement c'est la mer
boire que de les initier, de leur appren
dre prononcer et lire le latin. Les
caractères chinois sont idéographiques,
et l'étudiant tombe des nues quand on
lui apprend lire et écrire des sons...
côté du latin et du chinois, dès 1903
au séminaire des Pins, on enseigna les
mathématiques élémentaires, l'histoire
générale, la géographie, les sciences na
turelles. Nous prenions ainsi une grande
avance sur l'enseignement officiel. En
effet, si déjà du temps de l'Empire, il
y eut un programme de modernisation
des études, la Chine dut attendre assez
longtemps avant d'avoir les sujets ca
pables d'enseigner. On peut dire, en gé
néral, que les séminaires catholiques de
Chine ont été et sont encore parmi les
instituts d'enseignement les plus sérieux
du pays. Aux Pins on ne lésina pas.
Le séminaire eut, en très peu de temps,
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