La reconstruction des Halles d'Ypres.
LE SUD, dimanche 11 juin 1939
On vient de commencer les travaux
de reconstruction de la seconde aile des
Halles, et nous croyons que nos lecteurs
retrouveront avec plaisir les commen
taires fort documentés que le grand ci
toyen d'Ypres, Alphonse Vandenpeere-
boom, a consacré ce bâtiment histo-
que. En effet cette aile est d'autant
plus intéressante, qu'elle est la plus an
cienne. l'aile occidentale étant posté
rieure. Les travaux entrepris concernent
donc le plus vieux bâtiment.
Alphonse Vandenpeereboom s'est po
sé la question de savoir quand fut com
mencée, puis achevée la construction de
la vieille Halle. Après de nombreuses
recherches il a constaté que les docu
ments des douzième et treizième siècles-
analysés cependant avec tant de soin
par M. I. Diegerick dans ses inventai
res, ne donnent cet égard aucun ren
seignement et l'on n'en peut trouver
dans les comptes, dont les plus anciens,
indiquant les dépenses faites pour bâ
tir la nouvelle Halle ne datent que
de 1285. La vieille Halle existait alors
depuis longtemps déjà.
A défaut d'indications, écrit Vanden
peereboom, données par des documents
authentiques et de tels documents
cette époque reculée sont rares et peu
détaillés pour retrouver, au moins,
approximativement la date de ces con
structions primitives, on est obligé de
poser des hypothèses et de tirer des in
ductions vraisemblables de faits histori
ques incontestés ou de documents étran
gers, il est vrai, la question spéciale
que nous cherchons résoudre mais
d'une authenticité l'abri de toute sus
picion légitime.
D'après M. Lambin, quand le bef
froi fut construit, on. jeta les fonde
ments de la vieille Halle Mais quand
ce beffroi dont la première pierre
aurait été posée en l'an 1200 fut-
il achevé Notre ancien archiviste Lam
bin ne précise pas cette date il ne nous
apprend donc pas quand on posa les
fondements de la vieille Halle Son
opinion, quant l'époque du commen
cement éventuel de ces travaux, peut, du
reste, soulever des doutes fondés, si,
comme nous le croyons et tâcherons de
le démontrer, cette aile orientale de la
Halle était entièrement construite en
1230.
Est-il probable que la commune ait
d'abord fait bâtir seulement son nou
veau beffroi Aurait-on eu de 1200
1230, le temps nécessaire pour élever et
achever d'abord cette construction
isolée, puis pour entreprendre et ter
miner l'aile orientale de la Halle N'est-
il pas plus vraisemblable que l'on posa
en même temps, simultanément, les fon
dations des deux monuments Et que,
si le donjon de la commune fut achevé
d'abord, comme le dit Sanderus, c'est
parce qu'on travailla très activement
la construction de ce beffroi, tout en
poursuivant, mais plus lentement, les
travaux faire aux édifices qui devaient
se trouver l'est de cette tour?
Quoi qu'il en soit, la question de
savoir en quelle année on commença
construire la vieille Halle ne peut
être résolue d'une manière précise, mais
il est certain que cette construction
date de la première moitié du treizième
siècle.
S'il existait déjà des Halles, dit
Schayes. dans quelques-unes de nos vil
les au douzième siècle, ce ne pouvaient
être que des constructions peu impor
tantes et généralement en bois. Ce n'est
qu'au douzième siècle que nous trou
vons en Belgique la première trace d'édi
fices de cette catégorie, construits d'une
manière solide, mais les seuls remar
quables sous le rapport de l'architec
ture que l'on puisse assigner avec cer
titude ce siècle, sont la Halle de Bru
ges et celle d'Ypres qui surpasse cer
tainement en importance monumentale
toutes les constructions semblables éle
vées au Moyen-Age, tant en Belgique
que dans toutes les autres contrées de
l'Europe.
D'anciens documents de nos archi
ves confirment ces conjectures et per
mettent d'affirmer d'abord que la com
mune d'Ypres avait une Halle avant
le treizième siècle, ensuite que la Halle
aux draps, qui fait l'objet de notre étu
de, fut construite en partie au commen
cement, puis achevée vers la fin de ce
siècle.
A la suite d'un accord fait entre Oli
vier de la Roche, commandeur des mai-
monument n'existait pas encore cette
époque c'est donc sur une Halle plus
ancienne, que nos magistrats avaient
avant 1225, coutume de payer les som
mes dues aux frères du Temple.
Ainsi la commune d'Ypres avait une
Halle avant le trezième siècle ce fait
mérite d'être noté. D'après les chro
niqueurs la primitive Halle d'Ypres était
une construction en bois, comme le pré
sume M. Schayes et fut, au treizième
siècle démolie puis remplacée par l'im
mense édifice dont cet auteur a con
staté l'importance monumentale.
Sur ce cliché nous voyons l'avant-plan les trois ailes du bâtiment des Nou
velles Halles Le bâtiment de la vieille Halle actuellement en recon
struction se trouve derrière la tour du Beffroi.
sons du Temple, en France, et les éche-
vins d'Ypres, les Templiers, en recon
naissance des privilèges qui leur étaient
assurés par cet accord, exemptèrent, en
1225, nos échevins et leur ville de cer
taines redevances que ceux-ci leur
payaient sur leur Halle
Cet acte de renonciation ou d'exemp
tion porte que les frères du Temple
avaient alors coutume de recevoir ces
redevances. Cette mention indique que
la dette contractée par nos magistrats
était déjà ancienne, en 1225 elle avait
été constituée sans doute au siècle précé
dent, car une maison du Temple était
établie, depuis 1127, sur le territoire de
l'échevinage d'Ypres.
Ces anciennes redevances que nos
échevins avaient coutume de payer de
puis longtemps, ne pouvaient être pré
levées, au douzième siècle, sur les re
venus de notre Halle actuelle, car ce
Nous avons dit que nos plus anciens
documents ne nous donnent aucun ren
seignement sur la construction de l'aile
orientale de ce splendide monument, et
nous avons fait connaître pourquoi l'on
ne peut retrouver, dans nos comptes, la
date de cette construction. Toutefois
plusieurs de nos chartes permettent de
croire que M. Lambin a signalé une date
exacte, en écrivant dans son Mémoire
couronné l'aile gauche de la Halle
tirant vers l'Orient, jadis connue sous
la dénomination de vieille Halle, a été
achevée vers 1230.
C'est encore exclusivement dans les
écrits de nos annalistes, et non dans
des chartes, que l'ancien archiviste a
puisé ce renseignement pour en dé
montrer l'exactitude, il peut donc être
utile de citer quelques documents au
thentiques.
Une transaction faite en 1231, entre
le prévôt de St-Martin et les échevins
d'Ypres, nous apprend que nos magis
trats rendaient alors déjà la justice en
leur Halle Ces mots en leur Halle
désignent évidemment la chambre des
Echevins sour le Halle dont le nom,
cité tous les ans dans nos comptes,
dater de 1306, est déjà mentionné par
fois dans divers documents du treizième
siècle.
Ce prétoire scabinal existait donc en
1231, et, comme il avait été bâti en mê
me temps que l'aile orientale de la Hal
le aux draps, dont il n'est séparé, au
sud que par un mur de refend, on peut
affirmer, sans crainte de se tromper .que
l'aile de notre Halle, l'est du beffroi,
était aussi construite en 1231.
Cette partie de notre monument était
alors achevée ce qui le prouve c'est
qu'à dater de cette année, nos éche
vins hypothéquèrent diverses créances
sur cette Halle. Ainsi les arbitres nom
més en exécution de l'acte dont il vient
d'être parlé, décidèrent en 1231 que la
ville aurait payer désormais, au cha
pitre de St-Martin, une rente annuelle
de douze livres cette rente fut assignée
sur les revenus de la Halle.
Quatre ans plus tard, en 1235, Agnès,
ubbesse de Messines, remit la ville
d'Ypres plusieurs petites rentes que les
bourgeois de cette ville devaient l'ab
baye. Cette remise fut consentie en
échange d'une autre rente de treize li
vres et six sols, constituée au profit de
la même abbaye et, d'après notre docu
ment, la nouvelle rente fut encore hypo
théquée sur la Halle d'Ypres.
Il est facile de rappeler d'autres en
gagements pris vers cette époque dans
des conditions identiques, mais les deux
actes que nous venons d'analyser suffi
sent pour démontrer qu'une partie no
table de notre monument était alors
achevée.
L'aile achevée avant 1231 était bien
l'aile qui va être reconstruite actuelle
ment. En effet Vandenpeereboom écrit:
c'est bien l'aile orientale qui était
achevée avant 1231, car, nous le ré-
pétons, cette aile est déjà nommée la
vieille Halle par nos trésoriers de
1304, et ce nom était donné ces pre
mières constructions, pour les distin-
guer d'autres parties du monument
achevées aussi, il est vrai, mais depuis
peu de temps, en 1304, et que pour
ce motif, on désignait alors sous la
dénonciation de les nouvelles Hal-
les
Et Vandenpeereboom ajoute Pour
faire connaître nos lecteurs, quand
furent exécutés et achevés les nouveaux
et vastes bâtiment de cette nouvelle
Halle, il n'est plus nécessaire ni de ha
sarder des hypothèses et des conjonc
tures, ni de recourir des inductions
divers comptes particuliers indiquent po
sitivement cette date ils permettent
aussi de constater que les édifices aux
quels on donnait le nom de nouvelles
Halles étaient élevés l'occident du
beffroi.
Les titres de plusieurs de ces comptes
en rouleaux font connaître qu'en 1285
en 1286 on acheta des quantités consi
dérables de matériaux pour faire les
nouvelles halles et l'on y voit qu'en
1268, Jacquemart de Bray fournit, ou
tre dix formes et des listes... trente
piés de chambrande de le grand porte
vers occident
C'est donc bien en 1285 et les an
nées suivantes que l'on construit les
nouvelles Halles et celles-ci se trou
vaient vers l'occident du beffroi. Ces
Halles nouvelles se composaient des
trois ailes du monument qui sont l'oc
cident de la tour.