LE ROI ARBITRE ET
CHEF NATIONAL
BILLET
PARLEMENTAIRE
BRUGES -COURTRAI
MOUSCRON - YPRES
9Jme ANNEE No 4
HEBDOMADAIRE
SAMEDI 27 JANVIER 1940
ADMINISTRATION - REDACTION
163, CHAUSSEE DE GHISTELLES, 163,
SAINT - ANDRE - lez - BRUGES
PUBLICITE 10, RUE St GEORGES, BRUGES
ABONNEMENT 30,FRANCS L'AN
LE NUMERO: 0,60 CENTIMES
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TELEPHONE 315.24
(SUITE)
Il faut lire l'ouvrage remarquable,
L'Espagne Contemporaine (Fernand
Sorlot, éditeur, Paris, 1939), où M. Eduar-
io Aunos, ambassadeur d'Espagne en Bel
gique, ancien ministre, membre du Grand
Conseil Espagnol, vient de condenser avec
une lucide maîtrise de la synthèse, en 230
pages, les faits et les leçons de l'histoire de
ion pays, de 1810 1939. Par quelle suc-
œssion d'erreurs et d'agressions les idéo
logies régnantes ont pu tuer l'institution
dynastique qui avait fait la grandeur de
l'Espagne en Europe, aux Amériques et
aux Philippines, tel est le fil conducteur de
oe témoignage dont les idées générales va
lent pour tous les peuples qui ont le privi
lège constitutionnel d'être dotés d'une dy-
aastie.
Quand l'échec de la dictature libérale de
Primo de Riveira eut ouvert la voie la
liiute de la royauté espagnole, M. Eduar-
do Aunos note ces conditions qui sont re
quises pour la force et la bienfaisance de
i instituion dynastique
la royauté héréditaire dans l'œuvre d'indé
pendance et de neu'ralité du pays, c'est
qu'elle possède, l'égard des Belges, une
indépendance la fois naturelle et consti
tutionnelle dont ne peut approcher un pré
sident de république.
Indépendante, elle l'est par ses origines.
Le lit de la dynastie en Belgique est ger
mano-français. Nos Rois sont des Euro
péens dont l'âme n'a rien des préjugés et
des préventions de nos groupes linguisti
ques l'un l'égard de l'autre et l'égard
des voisins.
Par Léopold 1er, ils sont des Saxe-Co-
bourg-et-Gotha, très vieille et vigoureuse
Maison allemande dont le premier auteur
paraît authentiquement dès 919 et que le
XIX siècle allait voir s'unir aux Maisons
d'Angleterre, de France, d'Autriche et de
Bavière, et accéder plus d'un trône, en
Belgique, en Portugal, en Bulgarie.
Par Louise-Marie, Bourbon d'Orléans,
ils descendent de Philippe 1er, duc d'Or
léans, fils de Louis XIII et frère de LouE
XIV. et portent en eux la tradition con-
structive, l'atavisme millénaire de la Mai-
A aucun de ces successeurs de la Dic-
tature il ne vint l'idée que, si la Mo-
uarchie s'aliène aujourd'hui ceux-ci, de-
nain ceux-là, elle fait acte de partisan et
renonce cette unité même qui est sa ca-
r<tctéristique fondamentale. Une fois
faussé ainsi son rôle, la Royauté qui a
neconnu sa position darbitre suprême
entre les partis en arrive faire désirer
République. Aboutissement fatal des
Principes du libéralisme qui ont miné
les monarchies trop tolérantes, hélas
a leur égard. (page 158).
Le qu il faut donc avant tout au Roi,
?,°us apprend l'expérience espagnole, c'est
j y Pendance dans la nation. Quand Emi-
Vandervelde disait que la royauté en
j K'que est une république couronnée, il
aisait, en partisan, la caricature et le ra
rement de l'institution.
La force et le bienfait de la dynastie, de
son de France.
Par son alliance momentanée avec la
Maison d'Angleterre et le séjour qu'il fit
cette occasion dans les hautes sphères de
l'Etat britannique, notre premier Roi avait
acquis le don de l'universalité européenne
et mondiale.
Indépendante, la dynastie l'est encore
par la permanence, par l'hérédité qui la
soustrait l'élection, donc la subordina
tion aux électeurs qui non seulement nom
ment, mais démettent, en démocratie, le
président de la république, comme en fit
l'expérience en France le président Mille-
rand.
Indépendante, la dynastie 1 est, en troi
sième lieu, par les pouvoirs qui lui sont
conférés par la Constitution.
La nation se décharge de certains de
voirs et pouvoirs sur l'Exécutif au sommet
duquel est placé le Roi. Les entraves vien-
MARDI
Aujourd'hui mardi dans les couloirs de la
Chambre le manque d autorité et la carence
gouvernementale sont sévèrement jugés.
Le problème charbonnier n'est toujours
pis résolu. Quelle est la puissance occulte qui
empêchles parties de conclure Sont-ce les
l'affirment les ouvriers réformer définitive-
barons de la mine qui voudraient comme
ment le régime des heures de travail Est-ce
la surenchère syndicaliste qui retarde une dé
cision qui ne peut être remise
A cet égard les avis peuvent différer, mais
ce qui est impardonnable c'est que le gou
vernement éclairé par ses services et par les
intéressés, n'ait pas imposé jusqu'ici sa solu
tion, puisque nos charbonnages jouissent d
ce privilège insigne de pouvoir vendre ce
qu'ils veulent au prix qu'ils fixent, la de
mande dépassant dans des proportions énor
mes l'offre. Tant pour notre économie géné
rale que pour nos finances, le rôle du char
bon est essentiel.
A la Chambre, Mataane, sénateur, Minis
tre des Travaux Publics fait ses débuts. Ap-
nent des empiétements du Législa'if. Mais
'a Royauté, considérant sa charge davan-
age comme un devoir impératif que com
me un honneur et un pouvoir, et bénéfi
ciant naturellement d'une continuité de
vues, d'action et de traditions que lui con
fère une expérience de plus d'un siècle
déjà, sert le pays avec un heureux mélange
de ménagements et de fermeté qui achève
de l'honorer, de la grandir et de la confir
mer dans sa mission nationale.
\près la Maison française des Bourgo
gnes, grands-ducs d'Occident, les Saxe-Co-
bourg-et-Gotha ont entrepris de libérer les
Belges de leur subordination atavique, de
leur impuissance enfanter une création
politique durable.
Jusqu'ici, la dynastie a fait un coup de
maî're elle a rendu le nouvel Etat viable
et l'a doublé d'un empire d'outre-mer. A la
viabilité pourvut Léopold 1er. A la créa
tion du Congo Belge pourvut génialement
Léopold II. Au salut de la Belgique et de
sa colonie en temps de guerre a pourvu,
après Léopold II, Albert 1er, Roi de
l'Yser. A la protection de l'édifice interna
tional de la Belgique a déjà pourvu et
pourvoira encore Léopold III, chez qui la
valeur ni les leçons de la souffrance n'ont
pas at'endu le nombre des années. Il y
pourvoira dans la paix si nos voisins
tous nos voisins sont sincères et loyaux.
Il y pourvoira dans la guerre et livrera la
plus grande et la plus féconde bataille de
l'histoire de Belgique s'ils sont félons.
Mais pour cette tâche écrasante, il faut
au Roi, sans restrictions ni limites, le con
cours intelligent et dévoué du peuple, et ce
concours requiert la discipline et l'unité de
la nation, l'effacement des clans, l'autorité
du chef, la confiance collective. Salus po-
puli suprema lex.
Louis HABRAN.
P. S. Il faut lire la 4e et 5e lignes du
dernier alinéa de l'article du 20 janvier
comme suit Seul le Roi, arbitre et chef
naturel et providentiel, PEUT veiller
celte discipline et, le cas échéant,
parition banale, physionomie terne. Il a le
type du travailleur qui a passé sa vie penché
sur ses cahiers. Il n'a pas, comme Spaak, fré
quenté les salles de la Capitale. Il a gardé
quelque chos de fruste qui dévoile ses origi
nes. Le teint pâle et fatigué trahit l'effort et
les veilles consacrées aux études. Un mince
filet de voix, une exposition rationnelle le
palmarès décerné aux fonctionnaires du dé-
partem nt des Travaux Publics tout cela
nous dit que le nouveau ministre visera au
rôle d'administrateur probe et consciencieux
qu'il suivra docilement les conseils du dépar
tement et qu'il abandonnera aux spécialistes
du Cabinet les grandes luttes de la tribune.
Comme il fait ses débuts, et qu'il ne faut
pas que quelque mauvaise tête lui joue de
vilains tours, la vieille et la jeune garde so
cialiste ont rejoint leur poste et le groupe
compact veille sur les destinées du citoyen
Matagne.
MERCREDI
La Chambre a commencé la discussion du
budget de V AgricultureC'est le grand bud
get de la Droite. Les productions végétales
et animales y compt nt beaucoup d'amis
et la paysannerie des défenseurs ardents.
Tant chez les libéraux que chez les socialistes
l'intérêt pour la campagne ne devient percep
tible qu'aux environs des consultations élec
torales.
Haustraete, ancien brasseur, occupe la tri
bune. Comme tout bon wallon il doit aimer
non seulement les bières fortes, mais les fins
bourgognes. Figure rubiconde, barbiche poi
vre-sel et moustache fournie qui lui donnent
l allure d'un capitaine de cavalerie tempéra
ment nerveux qui supporte difficilement la
contradiction. S'il fallait monter aux barri
cades parlementaires pour renverser Pierlot,
il répondrait certainem nt Présent l
Chalmette, porte-parole socialiste, n'a pas
du tout le type campagnard. Il donne plutôt
l'impression d'un ouvrier de ville. Figure et
crâne chauve se confondent, et font songer
une boule de fromage. Voix éraillée, qui1
grince et reste sourde. Il est très difficile de
saisir au vol les idées qu'il énonce. La caren
ce d'un programme agricole tel est le slo
gan de toutes les philippiques campagnardes
de l'extrême-gauche.
Vanden Eynde est un brabançon bien bâti.
Vétérinaire de profession il connaît l'anato-
mie de la vache et du cochon. Il s'avance
pas pesants. La voix est saccadée et accentue
dans chaque phrase le mot principal. J'ai
l'impression que s'il avait revêtu la robe de
Rédemptoriste, il aurait réussi secouer les
auditoires villageois entassés dans l'église
la nuit tombante. Pendant que j'écris, je suis
tout-à-coup frappé par des accents ven
geurs je tends l'oreille Vanden Eynde
chasse du temple les marchands d'engrais f
Puisque nous discutons le budget de
l'Agriculture, racontons une anecdote cueil
lie dans les couloirs. Un de nos collègues a
passé son enfance dans une auberge du pays
mosan, bien achalandée et offrant sa clien
tèle un genièvre de qualité. Or tous les fonds
de verre étaient versés dans un seau caché
sous le comptoir. De temps en temps on y
ajoutait un peu de son et puis le mélange
était mis la disposition des cochons. Ré
sultat les cochons de l'établissement étaient
ivres du jour où ils pénétraient dans la poc-