LE SIMPLE HEROÏSME BRUGES- COU RTRAI MOUSCRON - YPRES BILLET PARLEMENTAIRE IN MEMORIAM MGR LADEUZE 93me ANNEE No 7 SAMEDI 17 FEVRIER 1940 HEBDOMADAIRE ADMINISTRATION - REDACTION 163, CHAUSSEE DE GHISTELLES, 163, SAINT-ANDRE - lez - BRUGES PUBLICITE 10, RUE St GEORGES, BRUGES ABONNEMENT 30,FRANCS L'AN LE NUMERO 0,60 CENTIMES COMPTE CHEQUE POSTAUX 367.225 - TELEPHONE 315.24 Un parlementaire grippé peut, comme Xavier De Maistre, faire un voyage autour ile sa chambre. Ses collègues, s'ils ne font pas l'école buis- fonnière. reprnnent le chemin de Bruxelles pou- continuer l'oeuvre législative, qui fheure actuelle se résume avant tout dans la Hxussion et le vote des budgets et de quel ques lois urgentes, telle celle qui doit régler h question épineuse des budgets. Il m'est ar- âvécomme tout le monde, de critiquer les défauts du régime parlementaire, et nom breux sont eux que j'ai rencontrés qui n'ont pour une constitution de liberté que déd-in rt n'ont la bouche que l'éloge d'une die- Mure. Et cependant faut-il leur rappeler que itais les peuples civilisation avancée peu vent se payer le luxe d'un régime politique permettant la libre discussion des affaires tEtat que lorsque la tribune se tait, com mence le règne de l'arbitraire et de la tyan- nie, et qu'il faut se réveiller esclave, pour ipprécier sa juste valeur l'état des hommes lires. Certes il y a eu des dictatures éblouissan tes. Le Bonaparte du Consulat, admirable ment décrit par Albert Vandnl. a fait battre beaucoup de j unes cœurs s'ouvrant la vie. Uussolini arrachant l'Italie l'anarchie et résolvant d'un trait de plume la question romaine a suscité beaucoup d'enthousiasmes. Mais le crépuscule des dictatures a presque toujours été la guerre l'oppression des tonsciences, la ruine. L~s passions du dicta teur, fouettées par l'orgueil et le succès, lut rendent fort difficile l'exercice de la modé- ntion, lui enlèvent le sens de la juste mesure t de l'équilibre. Le régime parlementaire ne devient né- hste et ne menace ruine que lorsque -a tâche essentielle qui est de su-veiller l'exer cice de la tâche gouvernementale se déforme n critique systématique et anarchique, qui tmpêche l'action indispensable du gouverne ment. I Le Roi Albert a dit un jour que nos in titulions sont assez souples pour pouvoir 1 adapter aux nécessités changeantes des dif férentes périodes de not-e histoire. Soyons partisans d? l'évolution et non de révolution, et aux difficultés de chaque Jour apportons pour les résoudre le coura it et l'énergie d'un peuple libre et fier, qui "oit dans l'aide de la Providence et dans Efficacité d'un rude labeur. le termine cette parenthèse philosophi que. Je dis adieu ma chambre et je re vends d main la plume du chroniqueur Parlementaire. JEUDI é-a Chambre discute le budget des Com- lunicationsdes Postes, Téléphones et Té- fy'aphes. Horrent, député libéral de Liège, est la tibune. Taille moyenne, figure ronde, une Petite calotte de cheveux d'argent. Un jour naliste dont l'apparence n'a rien de martial: cherche dans le mortellement des phra- "s et dans les gestes saccadés le ton du com modément. Il .parle de marine et en dévi- tyeant sa bonne figure aussi appétissante une boule de fromage, je songe l'ami m bon enfant. u van Glabehe lui succède la tribune. Il 111 rapporteur du budget, et oh raconte a l'habitude d'envoyer son rapport suite page 2) Le sixième anniversaire de la mort du Roi Albert prend une signification bien émouvante dans les circonstances actuelles. Une signification, et surtout une leçon pour ceux qui pratiquent trop volontiers un hé roïsme tapageur, tant que le danger est éloigné. L'héroïsme est, avant tout, une vertu pacifique, qui l'emporte en valeur sur le courage, l'audace, la bravoure ou la bra vade. La parole la plus profonde qui ait été prononcée par le Roi Albert, profonde dans ce qu'elle a d'essentiellement humain, est cette déclaration du Roi-Chevalier: Nous avons été acculés l'héroïsme. Comme il faut être grand, avoir de la sincérité totale dans le cœur, pour dire ces quelques mots, quand le monde entier eut préféré voir le Héros de l'Yser parader, revêtu d'un uni forme chamarré, ovationné par les foules, idolâtré Non, le Roi Albert était un sage. Il savait que les popularités tapageu ses sont éphémères, et qu'un Royaume dure plus longtemps qu'un Roi Il ne voulait pas attirer vers lui une popularité déma gogique il prétendait enseigner son peuple, que seule la vie du devoir, accom pli en toute humilité, grandissait l'homme. C'est ainsi que par un trait, nous pou vons souligner la grandeur d'âme du Roi. C'était le 22 novembre 1918. Bruxelles en délire attendait, depuis deux heures du ma tin, l'entrée triomphale du Souverain. Ceux qui n'ont pas vécu ces heures-là, peuvent mal s'imaginer ce que furent ces dernières journées de Novembre. Au milieu de cet enthousiasme, très ému mais très calme, le Roi Albert ne sentit pas monter vers lui l'encens enivrant et dangereux de la popu larité. Le peuple belge lui témoignait une réconnaissance ardente. Il était le Roi vain queur, le Sauveur de l'Indépendance du pays, l'Idole des masses. On l'acclamait follement Mais, lui, le Roi sage, et le simple héros, peine rentré dans son Palais, au lieu de sr livrer l'ivresse des ovations, au lieu de ré pondre aux masses qui attendaient de le voir apparaître au balcon, quittait le Pa lais par la Place Royale pour se rendre, sans escorte, incognito en ce 22 novembre 1918, Sainte-Gudule, et y remercier, dans une Cathédrale vide. Celui qui avait protégé la Belgique. Que cet exemple du Roi Albert nous dé tourne, actuellement, de tous les tapageurs marchands d'héroïsme. Si la Belgique se trouvait demain réellement acculée l'hé roïsme, tous les Belges feraient leur devoir, sans avoir en rien besoin des conseils des apôtres de la démocratie ou de la ci vilisation L'héroïsme est toujours allié la sagesse et la tempérance. D'autres ver tus guerrières ne sont souvent que des for mes momentanées de la violence, de la bra vade, ou de la haine. C. v. R. Un nouveau deuil vient d'affecter péni blement la Belgique catholique. Celui qu'on a nommé juste titre Le ">lus grand des recteurs magnifiques de l'Université catholique vient d'être rap pelé sans préavis par le souverain Maître. L Aima Mater en a été frappée de stupeur et la nation entière s'est associée sa dou leur. Nommé recteur en 1909. Mgr Ladeuze fut vraiment l'homme providentiel chargé par Dieu de conduire notre Université catholique travers la période la plus tra gique de son histoire, pour la mener une prospérité jusqu'alors inconnue. Dès les premiers jours de la guerre mon diale, le sac de Louvain, l'incendie de la bib.iothèque, la ruine de plusieurs instituts, la dispersion du corps professoral et l'arrêt de tout travail scientifique semblaient pré sager une ruine ou le prestige de l'Univer sité devait sombrer. Mais la tourmente n'était pas encore passée que déjà le jeune recteur s'était mis sa tâche de restaurateur avec une clairvoyance et une énergie vrai ment digne d'admiration. Esprit large et supérieurement doué il voit grand, et ses initiatives, fortifiées par une confiance inébranlable en la puissance Divine, étonnent les plus audacieux. Ses éminentes qualités de cœur et d'esprit, la noblesse de ses ambitions et la loyauté de son caractère plus encore que ses malheurs, lui avaient gagné partout de vives sympa thies, des amitiés fortes et durables qui lui assureront des auxiliaires entièrement dé voués Son œuvre. Il rêvait d'une université plus belle et plus féconde Dieu la lui donnera. L'Uni versité se relève bientôt de ses ruines. Bien mieux, elle reprend une vie plus intense que jamais. Le nombre des élèves et des profes seurs a'plus que doublé. En tous les points de la ville, et même en dehors, surgissent presqu'annuellement des instituts nou veaux, spacieux, aérés, clairs, accueillants et surtout merveilleusement outillés d'après les normes les plus récentes. L'enseignement se développe, et tandis qu'il cherche s'a dapter toutes les nécessités et faire face aux exigences les plus modernes, tant au point de vue social que scientifique, il crée au sein même de l'Aima Mater une nou velle université d'expression Flamande qui répond des aspirations légitimes et déjà anciennes. Elle doublera l'influence bien faisante d'un enseignement supérieur ca tholique pour le plein épanouissement de la culture Flamande. L'âme, l'organisateur de ce travail tita- nesque tant matériel que scientifique est ce lui qui mérite d'être appelé le second fon dateur de notre université Catholique notre grand Recteur Magnifique. Jamais nous n'avons vu le recteur aussi magnifique que lors des inoubliables fêtes jubilaires lorsque magnifiant et personi- fiant sa chère université cinq fois sécu laire il put recevoir avec légitime fièrté, les hommages sincères et autorisés apportés par les représentants des plus illustres institu tions scientifiques du monde. Ce fut une apothéose et en même temps pour l'insa tiable recteur un coup d'éperon pour cou rir vers de nouvelles conquêtes. Il est resté jusqu'au dernier jour un tra vailleur infatiguable qui accomplit sa tâche ardue, jusqu'aux derniers instants d'une vie archi pleine.

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Le Sud (1934-1939) | 1940 | | pagina 1