Yoici du reste ce que j'écris dans mon aJe-
Mecum, des connaissances pratiques et historiques,
a la page 297, sur les devoirs de l'État, en matière
de restauration
Peu de pays comptent comme la Belgique, eu
n égard a sa petite étendue. autant de monuments
anciens maïs hatons-nous de dire aussi que mal-
n heureusement on n'a commis nulle part ailleurs
n plus de vandalisme officiei que chez nous et cela
n a gros argent, sous forme de restaurations, la plu
is part mal exécutées, avec de mauvais matériaux
n et sous la direction de gens suffisamment profes-
sionnels, mais pas assez esthètes.
C'est a ces défauts qu'on doit le pitoyable état
de certaines parties de l'église Saint Martin et des
j) Halles a Ypres, renouvelées il y a un demi-siècle
n a peine. Le malheur en Belgique, c'est que les
monuments, que nous qualifierons d'historiques,
i5 n'ont jamais été jusqu'ici classés par province,
>5 suivant leur importance au point de vue de l'art,
55 comme il serait désirabie qu'on le fasse et qu'au-
55 jourd'huila plupart du temps le brevet n'est pas
55 donné a un édilice en raison de sa beauté et de ses
proportions, mais surtout en raison de sa situa-
55 tion, suivant qu'il se trouve dans une ville plus
55 ou moins importante.
55 De la, par exemple, le lamentable état, qui per-
55 dure depuis des années, dans lequel se trouvent
5s les édifices Yprois, nommés plus haut, deux con-
55 structions de tout premier ordre cependant, mais
55 qui ont le tort de n'être pas situées dans un grand
55 centre, oü, depuis longtemps, dans ce cas, on leur
55 aurait certainement ménagé l'honneur d'une res-
55 tauration compléte et encore sans compter.
is Depuis ces derniers temps une anomalie, a notre
55 sens, se fait jour en Belgique, c'est 1'engoument
55 de s'occuper a restaurer les ruines, tandis qu'on
55 laisse tomber en décadence les monuments encore
55 debout.
55 Disons en amateur d'art que l'un n'empêche
55 pas l'autre et que nous sommes loin de critiquer
55 par exemple la sollicitude que montre le gouver-
nement pour les importantes ruines de l'abbaye
55 de Villers, mais d'autre part nous ne pouvons que
55 déplorer l'insouciance, dont sont l'objet les pro-
55 jets de restauration de certains de nos monu-
55 ments, qui s'abiment tous les ans davantage et
55 dont la mise en état coutera par conséquent de
55 plus en plus et progressivement.
55 Qu'on fasse done une bonne fois de l'art pour
55 l'art et non paree que tel édifice orne la capitale
55 ou un chef-lieu de province. Qu'on décrète la
55 restauration successive de tous les monuments
55 publics, en commenqant par ceux qui ont le plus
55 de mérite, n'importe ou lis se trouvent. Si Zoete-
5) naye a une construction de premier ordre, qu'on
55 y fasse les mêmes sacrifices pour la restaurer que
55 si elle se trouvait a Bruxelles.
55 La méthode, suivie jusqu'ici en cette matière,
55 nous parait être défectueuse. Si on n'y porte pas
55 remède, que reste-t-il a faire par exemple aux
55 administrations des villes déchues, mais possé-
55 dant encore les témoins irrécusables de leur an-
55 cieane splendeur, sous forme de grands et beaux
55 monuments, que l'exiguïté de leurs ressources ne
5s leur permet plus actuellement d'entretenir
55 les laisser tomberen ruines II est vrai qu'alors
55 peut-être ces ruines présenteraient a l'ótat le
55 même intérêt que les murs lézardés de l'antique
55 monastère de Villers-la-Ville et qu'on s'empres-
55 serait de les restaurer.
55 Nous est d'avis que, dans un pays comme le
55 nötre, tous les monuments publics d'une certaine
55 envergure, n'importe leur situation, doivent être
55 considérés comme des édifices appartenant a la
55 nation entière, dont ils font la gloire et la réputa-
55 tion et dont ils constituent en quelque sorte les
55 titres de noblesse.
55 Dans ces conditions lésiner pour leur restaura-
55 tion, sous mille prétextes du domaine admmis-
55 tratif, qu'un mimstre est a même, s'il veut, de
55 faire cesser d'un trait de plume, est un fait, déce-
55 lant de la part de ses auteurs un manque de goüt
55 et une absence de sens esthétique,qui rejaillissent
55 sur ie pays entier et qui doivent forcément nous
55 rendre la risée des grandes puissances, de l'Alle-
55 magne, par exemple, ou l'on sait, autrement que
55 chez nous, s'imposer des sacrifices, quand il s'agit
55 de la conservation de bijoux architecturaux.
55 N'oubiions pas que c'est a la manifestation plus
55 ou moins vivace de la culture des sentiments es-
55 thétiques d'une nation, qu'on peut juger du
55 degré de civilisation de son people et que cette
55 manifestation forme le véritable réflecteur, qui
5s projette autour de lui les rayons lumineux et
55 bienfaisants des facuités intellectuelles, qui s'en
55 dégagent. 55
II est bien possible que la description des baies
des fenêtres, des créneaux, consoles, aurait été
mieux libellée dans mon rapport, si j'avais eu a ma
disposition, comme vous, un homme du métier.
C'est ainsi que le gres bleu 55 fera sourire ceux qui
ont étudié les^ détails du batiment, dites-vous.
Aurait-il peut-être eu le don de provoquer, chez
vous, pour quelques instants un aimable sourire
Ce serait déja quelque chose. Je vous dirai que ce
détail, de nouveau, n'entame en rien l'afiaire. Les
fenêtres des Halles étaient autrefois en grès bleu
anglais, ou en grès blanc ou rose artésien cela
n'empêche pas que celles qui ont pris leur place
sont déja en mauvais état, ayant été faites en mau-
vaise pierre. qu'il s'agit de les remplacer, et de
choisir, cette fois-ci, une pierre résistante a notre
climat. Voila tout.
Je remarque que, si d'un cóté, je puis faire erreur
en disant, que les pierres employées a la construc
tion des Halles, étaient en grès bleu anglais, que,
d'un autre cóté, vous ne pouvez vous-même rien
préciser a ce sujet, puisque vous dites que les ma
tériaux venaient de Liile ou de Béthune ou des
environs. Je pense qu'il ne me faudrait pas sortir
de mon cabinet de travail, pour trouver les données
qui vous manquent sur ce point.
II importe peu de connaitre les noms des chate-
lains, des environs d'Ypres, qui possèdent chez eux
des fenêtres entières ou partieiles provenant des
Halles. Buisque cette liste vous intéresse, je pour-
rais y ajouter ie nom de mon vénéré aïeul, M.
Carton, chez lequel, a sa campagne a Saint-
Jacques-lez-Ypres, s'eii trouvait plus d'un exem-
plaire.
Le souvenir des entretiens que j 'ai eus si fréquem-
ment avec eet homme de bien pendant mon
adolescence, me fournit i'occasion de vous répondre
au point suivant
Vous contestez l'empioi de pierres d'Ecaussines
pour les réfections faites aux fenêtres sous le régi
me holiandais et vous vous appuyez, ce qui prouve
que, pour vous, hors de i'administration il n'y a
point de salut 55, sur ce que les actes et comptes de
ia ville de 1815 a 1830, ne mentionnent rien a eet
égard. C'est précisément mon aïeul, lequel, un
jour, me parlant de ia mauvaise restauration des
Halles, regrettait de voir qu'on n'avait pas suivi le
système qu'il avait adopté pendant qu'il était
bourgmestre de la vilie, de remplacer les parties
de fenêtres devenues mauvaises, au fur et a mesure
par de nouveaux exemplaires, en pierres d'Ecaus
sines. Cette pierre, me disait-il, prenait au bout de
peu d'années la même teinte que l'ancienne. C'est
ainsi que je m'expiique, que, n'ayant jamais vu
au microscope, la pierre dont étaient taiilées les
anciennes fenêtres des Halles, j'ai parlé de grès
bleu anglais, assertion qui a eu le don de vous pro
curer un moment de douce hilarité.
Quant a la cession faite a la ville en Juin dernier
par M. De Boo, propnétaire du chateau de Nevele
a Oostvleteren, de trois fenêtres provenant des
Halles, acquisition a laquelle je suis moins étranger
que vous ne le croyez, il y a lieu de vous en féiici-
ter. Si vous désirez donner a ces trois fenêtres une
destination intelligente, vous allez certainement,
après vous en être servi comme modèle, les céder a
l'Administration des Postes, pour être employées
au premier étage de la facade de notre futur hötel
des Postes. De cette manière vons procurerez peut-
être le moyen de laisser a cette fagade, pleine de
caractère, sa patine actueile.
Quatrième point. Mutilation des
ornements en saillie des Halles et du portail
latéral de l'église Saint Martin. üécarrelage
de la salie üelbeke.
Ici votre colère, mal contenue, éclate au grand
jour. Vous êtes mécontent paree que j'ai employé
la qualification de M. Quidedroit, pour désigner
l'auteur responsable de cette mutilation. Vous me
croirez si bon vous semble si je 11e vous ai pas
nommé, c'est paree que j'ignorais si l'on pou-
vait vous attribuer, en réalité, la responsabilité de
eet acte de vandalisme. Puisque vous l'assumez, je
me permets de vous féliciter de votre essayage
au marteau 55 des mauvaises pierres. Tout le monde
a pu voir que les ouvriers ont cassé a coups de
rnarteau, toutes les pierres, résistantes et autres, et
ils ont tapé assez fort pour arnver a ce résultat. II
y aurait lieu, pour vous, d'introduire une demande
de brevet, sans garantie du gouvernement, d' es
sayeur de pierres au marteau 55.
Certainement le bon esthète n'a pas dit qu'il
ne fallait pas prendre de mesures pour conjurer, le
cas échéant, les dangers qui auraient pu résulter de
la chute de pierres plus ou moins volumineuses,
dont je ne vaispas prendre la mesure pour gagner
du temps, maïs il fallait faire une distinction entre
les pierres bonnes et mauvaises, et le marteau
n'était pas l'outil «ad hoe 55. Vous dites que tous
les fragments qu'on a abattus se trouvent au musée
des ruines, étabii dans la toureile voisine, a l'angle
sud-ouest des Halles. Vous conviendrez qu'il fallait
bien réserver quelques échantillons pour être a
même, lors de l'arrivée des membres de la commis
sion des monuments, de leur montrer quelques vic-
times de la terreur.
Je me permettrai, ne vous en déplaise, quant a
la mutilation du portail latéral de Saint Martin,
dont tout le monde, en ville, a pu se faire une idéé,
les mêmes observations que celles énoncées -plus
haut. 1
Ensuite, vous mettez en doute, l'existence d'une
fenêtre triangulaire, dans l'arc-boutant gauche du
même portail, lequel ornement a été supprimé lors
de la restauration par M. l'architecte Dumont 1851,
si je ne me trompe. Vous vous appuyez, pour me
contredire, sur le fait que le plan d'Ypres de 1564
ne donne pas eet ornement. Vous ignorez probable-
rnent que ce plan ne donne que trés ïmparfaite-
mentles détails de nos monuments et qu'il ne res-
semble en rien, sous ce rapport, aux plans, en
relief, des villes conquises sous Louis XIV, lesquels
se trouvent aujourd'hui a Paris, dans les combles
de l'Hótel des Invalides. Parmi ceux-ci se trouve
un plan de la ville d'Ypres, dressé sur une grande
échelle. L'existence de ce plan, dont vous saurez
probablement tirer grandement parti, sous une
foule de rapports, vous était personneilement in-
connue et vous a été renseignée, grace a moi, par
personne interposée. Quaut a l'ornement triano'u-
laire, dont vous contestez l'existence d'autrefois
si vous vous étiez donné la peine d'ouvrir le tome
3'»% a la page 158, de l'excellent ouvrage de
Schayes, sur l'histoire de l'architecture en Belgi-
que, vous n'eussiez pas cherché a me contredire.
Vous niez avoir décarrelé la salie Delbeke, pour
y établir un jardin lors de l'arrivée de M. le Gou
verneur en Aoüt 1893. Vous avez beau vous excu-
ser, moi je vous affirme que le fait est exact, car
j'ai'trop présent a la mémoire le souvenir du mo
ment et je me rappelle même que l'eau, provenant
de l'arrosage des plantes et arbustes, avait suinté a
travers les voütes du marché couvert actuel. Quant
a l'épaisse couche de sable, dans laquelle on marche
dans 1a ditesaile Delbeke et au sujet de laquelle
vous vous esquivez au moyen d'un mauvais jeu de
mots, il est évident qu'il est temps de remédier a
eet état de chose, trés préjudicable aux peintures
murales et peu décent pour les nombreux étrangers
qui annuellement visitent nos monuments.
Oinqnième point. Projet de demo
lition du convent des Pauvres Claires.
Vous commencez par me faire un grief de ne pas
rn'être rappelé, que le batiment appartenait a la
fabrique d'église et non a la ville. Fait qui ne peut
en rien infiuer sur l'opportunité ou l'inopportunité
de la conservation de eet édifice qui deviendra sous
peu vacant. Bien que vous vous en défendiez, le
projet de démolir cette construction, pour dégager
l'église a déja été agité et, de plus, je vous soup-
qonne d'en être un chaud partisan.
Vous me railiez paree que, dans mon rapport, je
dis en substance, que l'église de Samt Martin et'le
couvent forment une construction simultanée. Je
ne suis pas a ignorer que le premier édifice est plus
ancien que le second, tout ce que j'ai voulu dire,
c'est que le couvent actuel occupe l'emplacement de
batiments plus anciens et qu'ainsi l'église n'a jamais
été construite pour être dégagée du cóté Nord.
Je m'étonne de voir que vous passiez sous silence
l'existence au couvent des Pauvres Glaires du char
mant cloitre collégial de Saint Martin, en style
ogival secondaire, comme dit M. Schayes a la page
189 du tome 3me do son histoire d'architecture en
Belgique. Cette construction, une des seules exis-
tantes dans le pays, bien que fortement réparée au
XVIIe siècle, présente encore beaucoup de parties
remontant a son erection.
Quant a l'appréciation, que vous émettez, sur la
construction de ce couvent en général et notamment
sur la faqade du cóté du Palais de Justice, que
vous ne trouvez pas belle 5s, n'ayant pas dans
l'oeil, comme vous, les rayons X, pour découvrir,
sous l'épaisse couche de badigeon qui recouvre les
murs, i'appareil de magonnerie, jo m'abstiendrai
done de me prononcer jusqu'a ce qu'on ait mis les
briques a nu mais dès maintenantje soupgonne,
sous ce platras, l'empioi d'un mélange de briques
rouges et blanches, lesquelles, nettoyées, feraieut
le meilleur effet.
Quant aux voies et moyens qu'il faut pour exé-
cuter la restauration et l'aménagement de ce cou
vent, un bon esthète ne se préoccupe pas de ce
point, dites-vous, et j'ajouterai qu'il n'a pas a s'en
occuper. La manne budgétaire est sans doute faite
pour Ypres, comme pour les autres villes du pays,
a moins que vous ne soyez impuissant a obtenir le
moindre grain de mil.
SiviPino point. Boucherie. Eta
blissement du chevalet du têlèphone.
Je vous dirai que l'an dernier, ayant entendu de
tous cötés critiquer vivement l'établissement de ce
chevalet entre les pignons de la Boucherie, et faire
ressortir, avec beaucoup de raison, le mauvais efl'et
de cette machine sur un édifice a caractère et l'in-
convénient, qui se présentera si on veut dorénavant
en prendre la photographie, j'ai partagé entière-
ment, ne vous en déplaise, cette manière de voir.
Aimant le paradoxe, vous dites que vous n'êtes
pas d'avis qu'il ne faille pas toujours placer ces
installations modernes sur des batiments anciens.
Disons pour finir que si vous aviez voulu empêcher
cette chinoiserie, un autre emplacement eut été vite
trouvé.
A propos des neuf boules (aujourd'hui enlevées),
surmontant autrefois les neuf pinacles de la Bou
cherie, vous ignorez si on conserve des fragments
de ces ornements, et vous m'engagez a le demander
a ceux qui ont restauré le batiment il y a quelques
années II n'est pas a ma connaissance, que, durant
ce siècle, on ait jamais exécuté la moindre restau
ration a eet édifice et, en outre, je constate que,
pour eet obj et vous rejetez la responsabilité sur
vos prédécesseurs, tandis que pour beaucoup d'au-
tres iaits, qni se sont passés bien avant votre arrivée
a pres, vous prenez,je ne sais pourquoi, la défense
des administrations que la chose concerne.
Septième point. Délabrement de la
tour de léglise 5' Jacques.
Mes assertions a ce sujet restent absolument de-
out. La tour porte a ses flancs de larges blessures,
par lesquelles les eaux pluviales s'infiltrent a leur
guise, vous ecrivez, qu'il est douteux qu'en 1634,
1 v j restaurée, mais il est certain que le
plan d Ypres datant de 1564 ne signale (sic) pas de
u°UirjL egilse' Je n'ai Pas difc que c'est la date
0 5 A qui y figure, mais bien le millésime 1634,
ont je serais heureux de connaitre la signification,
s i n mdique pas l'année de la construction de la
oui. Au surplus, j'avoue ne rien comprendre a
ce langage ambigu.