A b INTÉRIEUR. JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. DIMANCHE, 13 JUIN 1841. ire ANNÉE. N* 13. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 ai?v£^ r 1=L Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, au rédacteur en chef, Ypres. - Le Progrès paraît le Dimanohe et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. TPRES, le 13 Juin. Nous avions le cœur serré de douleur et d'indignation, après avoir assisté aux dégoû tantes saturnalesque l'on ose appeler les élec tions d'Ypres; dénomination insultante pour notre villeque nous repoussons de toutes nos forcesau nom de la presque totalité de ses habitants. Carqu'on le sache bienl'honneur des habitants d'Ypres est sauf: ils n'ont coopéré en rien au résultat de cette misérable parodie. Leurs bonnes intentionsleurs vues sagesont été étouffées sous le poids de la matière élec torale que dès le pointdu jour une innombrable quantité de chariots de tombereaux, de tout genre, commandés par des individus en soutane, amenaient dans notre ville de toutes les parties de l'arrondissement. Les bons citoyens ne manqueront pasnous l'espérons, d'en appeler la chambre assemblée, des moyens illégaux jusqu'à l'extravagance, employés pour forcer le vote des malheureux campagnards. Ces braves gens sonten effet bien plutôt malheureux que coupables du mal qu'on les force de faire leur pays. Longtemps avant les électionsils sont en butte une obsession in cessante. Des prêtres sacrilèges, oubliant que le ministère qui leur est imposé par la religion pour lequel l'état les salarie, est tout de paix et de conciliation se font des instruments de trou ble et de discorded'effrontés proxénètes poli tiques Ces rénégats de l'évangile, l'injure la bouche, l'écume aux lèvres, ne trouvent pas de menaces assez terribles pour troubler le cerveau de ces pauvres abusés. La damnation éternelle la colère redoutable de Monseigneursont les fantômes qu'ils leur mettent sans cesse devant les yeux et les traditions sanglantes de l'in quisition sont fraîches encore dans nos cam pagnes, y inspirent une*profonde terreur Nous citerons un fait; entre mille; et ab uno disce omnes. Au sein dé la réunion électorale deux pas du bureauen face de l'urne du scrutinle curé de Langemarck interpellait chaque électeur prêt voter et lui demandait son bulletin; s'il ne lui convenait pasil le déchirait et eu donnait un autre. Quand quelque brave homme dont le bon sens s'indi gnait refusait de céder ses exigencesil le menaçait de la voix et du geste gare la colère de Monseigneur. Nous le répétons, les électeurs d'Ypres, dans l'intérêt de nos institutions, protesteront, nous n'en doutons pas, contre de pareilles turpitudes et la chambre des représentants que l'article 36 de la constitution investit d'un pouvoir discré tionnaire pour apprécier la question de bonne foi dans l'élection de ses membressaura en faire bonne justice. Dévoués la religion catholique que nous regardons comme le lien nécessaire de nos institutions, ce n'est pas sans une peine profonde que nous nous voyons réduits signaler les dé plorables excès de ses ministres mais le divin auteur de l'évangile se servit du fouet pour chasser les Pharisiens du temple nous pour suivrons impitoyablement les faux-prêtresdu fouet de la publicité. Démasquer aux yeux de tous ceux qui souillent leur vêtement sacer dotal d'une fange dont ils pourraient laisser des traces aux choses saintes qu'ils profanent c'est défendre la religion contre le plus grand des dangers qui la menacentcelui de se voir souillée et avilie par ceux-là même qui ont mission de la faire chérir et respecter. Nouvelliste de Bruses. Nous remarquons que depuis quelques jours le Nouvelliste de Bruges donne au lieu d'articles de fond, de longs règlements pour la pêche du pli et du hareng c'est un véritable Progrèsdont nous félicitons sincèrement.... ses abonnés. A voir la manière dont la feuille de Bruges traitait Mr Devaux et d'autres hommes honorablesil nous semblait bien qu'il y avai.t affinité entr'elle et les marchandes de poisson la caque sent toujours le hareng. Le Nouvelliste reprochait dernièrement au Progrès d'avoir fait un pas en arrière; nous LE 8 JUIN 1841. Il fallait le voir pour le croireet si tout le monde ne l'avait vu, personnene l'aurait cru. Il s'agit des élections faites Ypres, le huit juin de l'an de grâce mil huit cent quarante et un. Si le steamer le Président nous apportait un jour pareille nouvelle datée d'un pays éloigné, tout le monde s'écrierait pauvre pays! Dès la veille du grand jour, toutes les écuries de la ville étaient louéesles râteliers garnis de foin et les auges remplies d'avoine, car on attendait nu nombre immense d'électeurs campagnards; - je m'explique tous ces préparatifs étaient faits pour les chevaux qu'attendait l'honneur de charrier quelque fraction du corps électoral. Puis la nuitvers quatre heures du matinon affichait des pla cards dans lesquels on attribuait aux candidats libéraux des projets de proscriptionde démolitiontoutes choses très-propres leur mé riter le respect et l'affection de leurs ^oa^itoyensaux termes da l'article 367 du Code péual. v Peu d'électeurs ont dormi, la nuit du 7 au 8 juin dans la crainte d'arriver trop tard le lendemainet ceux qui s'avisèrent de fetmer l'œil, étaient maintes fois réveillés par leur chaste moitié qui répéj- tait sans cesse Jean faut aller voter! Jean le curé l'a dit! Car les femmes sont pour les curés de puissants auxiliaires. Ii'heure du départ venueon faisait l'appel s'il manquaitma élec teur jugé apte au service'du jour, on l'envoyait quérir, ej^Befrac- taire recevait sou arrivée un billet et une mercuriale. ^B TJn électeur qui avait ce jour-là de graves affaires terminer, avait chargé son vacher de le remplacer iejemplaçanl fut jiigé impropre au service; il envoya son épouseelle eût beau dire que son mari ou elle, c'était la même chose,les assistants firent observer en vain que l'époux n'eût rien fait qui ne lui eût été prescrit par son épouse le curé qui était fort sur l'article, je pense que c'est l'article 19 de la 1 m loi électorale, répondit les électeurs ne peuvent se faire remplacer; e% force fut la ménagère de se retirer triste et confuse mais non persuadée. Le dénombrement fait, on procédait l'emballage des électeurs. Un f œil exercé et quelque peu saint-simonien, mesurait les capacités... physiquement parlant quand deux gros et volumineux électeurs étaient placés sur un banc qu'ils occupaient en entier, on prenait le citoyen le plus maigre, le plus décharné, le plus grêle de la cohorte et on l'enfonçait entredeux, comme un coin entre deux piôéesdebois. Ce système de haute et basse pression avait le double atàntâtfnTaug* menterle nombrç. des transportés,sans accroître le prix dii transport, et d'empêcher les, électeurs serrés càmme dans un étau de descendre en routemême poqr se désaltérer. Nos concitoyens ont dus,- pendant ce pénible voyagese faire une bizarre idée delà liberté etix qui ne jouissaient pas même de la li berté individuelle de se znoncher ils ont bien dû maudire la liberté de la presse dont on abusait si indignement leur égard. Enfin on arrivait en ville ^l'entrée était grave, calme et lente..., lente surtout y car les plus forts chevaux ployaient sous le poids rus tique qu'ils avaient traîrier. L'hôtebèb^ville fut bientôt envahi; et l'on put se convaincre qu'il fallait succomber sous le nombrecar le ban l'arrière ban les vétéransj^^^^fcdides, tout avait été mis en réquisition. Des habits qu^^^^^Hubre d'années n'étaient en rapport qu'avec les mittes, de leurs immenses boutons, de leurs pans vo- lumim c cui j qui depuis longtemps n'avait quitté son vresb pénible ment le grand escalier, appuyé sur sa ■chacun se rangeait pour faire place au vénérable aussi lançait des invectives contre les con-* ui avaient imposé ce pauvre homme une Nous ne parlerons pas <jjjy^cènes burlesques et comiques dont nous 'avons été témoins durant les opérations électorales; tout le monde a pu voir les curés séquestrant leurs électeurs, les suivant de l'o^I çar- tout et toujours, et leur lançant des menaçants regards dès qafilff .'i avaient l'imprudence de se laisser adresser la parole par un homme suspect de libéralisme. Un campagnard avait reçu la consigne de ne montrer et de ne don ner son billet personne; lorsque son nom fut appelé, le président lui demande son billet; l'électeur refuse, le président insiste, j l'électeur prétend déposer Î^J-même son bulletin dans l'urne. Le *|>résidçnt lui objecte en vain l'article 25 de la loice conflit se serait peut-être encore prôlong^ longtemps-, si un curé ne fût intervenu et 31 patt- n'eût dit'au campagnard qu'il poutait làqher prise sansincouvénientj Un autre électeur qui était venu^n ville sur le dos d'unj roussin, ne trouva plus apru# le ,vote sa monture l*e]£froit l'avait attachée. Parbleu! s'éoria-t-il tout troublé, aurait-" monter mon ane pour voter aussi! Le grand travail éhectofal termitfé, les jambons furent servis et 1 bière coula flots. C'est alors que furent lancées des épigramma fines et jolies contre le parti libéral-, des mots spirituels et i je me permettrai toutefois de ne pas les répéter icipar respect mes lecteurs; bientôt l'immensité de la victoire grandit aux yeux vainqueurset cela tel point que plusieurs rentrèrent chez i complètement ivres.... de leurs succès. Nous insérons le feuilleton ci-deg^ps pour faire' comprendre aux.électeurs carftpagnards quel rôle sot et ridicule leur font jouer des hommes qui les méprisent, et qui se serventd'eu^coinnie d'instru-J ments dont ils ne peuvent se passer pour arriver àl leurs fins. Nule du réd.

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