JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSESIEIVT.
INTÉRIEUR.
Feuilleton «lu Progrès»
DIMANCHE, 6 FÉVRIERH842
eundo.
Tout ce qui concerne la ré
faction doit être adressé,franco,
l'éditeur du journal, Ypres. -
Le Progrès paraît le Dimanche
et le JeÔdi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze'centimes par_,ligne.
4re ANNÉE. - N° 81.
On s'abonne Ypres, rne du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
APRES, le 5 Février.
Le projet de loi présenté aux chambres par
le gouvernement, et dont l'adoption appor
terait des changements notables la loi com
munale, a peu de chances de succès. Les libéraux
et les catholiques sont d'accord pour le re
pousser.
Des raisons diamétralement opposées amènent
au même résultat les hommes des deux partis
contraires. Les libéraux ne veulent pas que
sous de vains prétextes, on porte la main sur
les plus précieuses de nos libertés. Les catho
liques n'entendent pas qu'on les prive d'un de
leurs plus importans moyens d'influence, en
laissant au roi unelrop grande latitude dans le
choix des Bourgmestres des communes.
Une chose nous a étonné, c'est que le minis
tère, qui ne jouit point déjà d'une popularité
excessive, ait présenté cette loi qui devait néces
sairement réunir contre elle les hommes de
toutes les opinions. Au reste nous nous atten
dons voir ce malencontreux projet subir le
sort de la proposition Brabant-Dubus, et dis
paraître avant toute discussion.
L'acte d'accusation vient d'être signifié aux
prévenus de complot contre la sûreté de l'état.
A lire ce curieux document, on peut volonté
le prendre pour une mauvaise plaisanterie
comme pour quelque chose de sérieux. En effet
toutes les démarches des conspirateursqu'il
vous fait suivre pas-à-paspendant les deux
jours qui précèdent celui où devait éclater le
complot monstresont d'un ridicule n'y pas
croire.
11 faut les voir se promener dans Bruxelles
avec leurs canons enfermés dans des vigilantes
ou des voitures de déménagement quêtant
l'aventure une petite place où les mettreces
malencontreux canons, qui finissent par leur
rester sur les bras en vérité, en vérité, c'est
le comble de la démence
Voici le compte des sommes produites par
l'exposition et la tombola au bénéfice des
pauvres.
4935 lots distribuésfr. 4,935,00
Heçu pour entrées, (concert compris.) 607,49
Dons en argent24,10
Total fr. 5,506,59
On lit dans le Messager de Gand
M. Van Santé-Van de Wielel'honnête né
gociant d'Alost, qui a payé il y a quelques
mois, intégralement ses créanciers, a été attaqué
hier au soir, vers huit heures, au Rempart des
Chaudronniers, par deux inconnus qui l'ont
d'abord apostrophé en ces termes Ah voilà
donc çel hypocrite qui a fait tant de tort sa
famille en la privant, par une conduite insensée,
d'une partie de sa fortune: elle le lui repro
chera un jour! L'un d'eux lui a ensuite porté
différens coups et coupé son chapeau l'aide
d'un instrument tranchant dont il voulait, di-
sant-ille marquer au front. M. Van Sanle,
en se débattant, est allé choir sur le bord du
talus où il a reçu de l'un des agresseurs un
coup de pied qui l'a fait rouler dans l'Escaut.
11 a eu fort heureusement assez de force et de
présence d'esprit pour se retirer sain et sauf du
péril qui le menaçait et n'a plus revu les auteurs
de ce lâche attentat.
On écrit d'Eecloo 31 janvier
Depuis environ deux mois toute la ville
d'Ecloo était dans l'inquiétude car il ne se
passait, pas de semaine que des vols audacieux
ne fussent commis. C'était principalement dans
les cours et enclos que les voleurs s'en prenaient
aux chèvres, aux lapins, aux chaudrons; en un
mot, tout ce qui leur tombait sous la main.
La police locale se livrait sans résultat aux inves
tigations les plus sévères, les plus persévérantes,
elle déployait une activité de surveillance sans
exemple et cependant les voleurs savaient
éluder son activité. Le hasard a fait ce que la
police n'avait pu faire. Hîerle sieur Heyaert
marchand en cette villeétant entré dans son
magasin l'huileremarqua terre un cercle
d'huile qu'avait tracé une cruche qu'on avait
remplie en puisant un tonneau. 11 suivit les
traces, guidé par des gouttes d'huile qui avaient
découlé de la cruchetravers une quantité
de jardins, jusque dans la rue des Moulins. Il
s'arrêta devant la maison du nommé Herremans,
et remarqua devant la porte le même cercle
que la cruche avait tracé dans son magasin; ce
qui prouvait que le voleur avait déposé la cru
che, pour ouvrir sa porte. Le sieur;Heyaert alla
prévenir la police qui se rendit la maison
signalée et s'y livra une perquisition dont le
résultat fut que sous le lit on trouva des bou
teilles d huile la cruche volée la même nuit;
on trouva également des chaines qui avaient été
volées avec les chèvres; des couteaux, des four
chettes des cuillers, etc., etc.; et on creusa
dans le fumier et l'on y découvrit des pieds et
peaux de chèvres, etc., etc. Le mari et la femme
furent arrêtés et interrogés séparément; ils sont
en aveu ils nient d'avoir eu des compliceset
refusent également de nommer les réceleurs qui
ont acheté les objets volés, tels que chaudrons,
peauxetc.* Et pourtant il est impossible que
les objets volés l'aient été par un seul individu.
On a trouvé dans la maison du prévenu des
scies et autres instruments propres perpétrer
des vols. Plusieurs objets saisis ont été reconnus.
La justice informe.
On s'occupe activement dans|les différents
départements ministériels préparer le budget
de l'exercice 18-43, que le gouvernement a
l'intention de présenter prochainement la
LE DOMINO VERT.
Un ardent besoin de plaisirs tumultueux tourmente et use au
jourd'hui la jeunesse. Nos pères se battaient, et après la bataille se
reposaient sur quelque champ couvert de glace ou de bouc, bien
entendu lorsqu'il leur était permis de se reposer; nous dansons, et
après la danse une voiture bien suspendue nous ramène notre de
meure,où nous nous jetons sur un bon lit moelleux en nous plaignant
encore des horribles fatigues de la nuit.
En tête de cette jeunesse ardente au plaisir, nous devons placer
la jeunesse parisienne.
Il est impossible, en effet, de se figurer quelles bacchanales elle
se livre pendant les trois mois que dure le carnaval dans cette mo
derne Venise. Mais parmi ces intrigues bizarres enfantées dans l'orgie,
il en est qui se terminent parfois d'une manière tragique. Souvent,
en entendant le récit des scènes étranges qui se passent de nos jours,
l'on se croirait transporté au milieu de l'Italie des siècles passés
au temps où cette belle débauchée avait pour reines des courtisanes,
et pour pontifes des princes qui transformaient leurs palais en
sérails.
Eugène Destanges avait vingt-cinq ans, et serait devenu un
écrivain distingué si son goût pour les plaisirs ne l'avait sans cesse
arraché ses études. Le carnaval surtout lui offrait tant d'attraits
qu'il dépensait en trois mois les forces et l'argent qui auraient suffi
tout autrê pour une année entière.
C'était pendant le carnaval de 1859.
Un soir qu il rentrait chez lui, fatigué, rompu, et éprouvant enfin
le besoin de quelque repos, son portier lui remit une petite lettre
parfumée, satinée, mais dont l'écriture lui était entièrement incon
nue. Elle portait cette suscription
Monsieur Destanges,
Rue S1 George2.
Eugène monta chez lui, rompit le cachet et lut ce qui suit
Si aucune circonstance indépendante de votre volonté ne vous en
empêche, venez ce soir au bal de l'opéra. Trouvez vous une heure
et demie aux secondes loges de face, dans le corridor; vous y serez
rencontré par un domino noir.
Ce 2 février. Patience et discrétion.
Cette lettre était écrite d'une main élégante et légère Eugène
reconnut facilement qu elle était d une femme; mais aucun indice
ne le mettait sur la trace de son auteur. Le cachet était en cire
brune sablée d'or et portait l'empreinte d une couronne de comte.
Onze heures venaient de sonner.
Eugène oublia sa fatigue, s'habilla avec élégance, et, force de
soins et d'apprêts, parvint faire disparaître les traces que l'orgie
avait laissées sur sou visage. A minuit ilr entrait l'opéra. Trop
distrait pour remarquer les masques qui le heurtaient sans cesse et
qui parfois prononçaient son nom, Destanges évita fabord de ses
amis, et attendit patiemment l'heure indiquée dans la lettre mys
térieuse.
Cette heure tant désirée sonna] enfin. Eugène se promenait avec
agitation dans le corridor des secondes loges, regardant avec [une
anxiété croissante, tous les domiuos qui le traversaient et s'élançaient
légers et joyeux dans le bal car l'orchestre venait de donner le si
gnal du galop.
Il était près de deux heures et Eugène attendait encore.
Déjà se croyant le jouet de quelque mystificateur, il allait se reti
rer, lorsqu'il sentit une main se poser légèrement sur son bras il se
retourna vivement et se trouva cnjfaoe d'unjeharmant domino noir
dont les yeux se fixaient sur lui avec une indéfinissable expression
de douceur et de joie.
A la petitesse de sa main et de son pied, Destanges avait deviné
la femme; mais, pour le convaincre entièrement, le domino rejeta
en arrière le capuchon de satin noir qui enveloppait sa tête et laissa se