JOURNAL DTPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
I e ANNÉE. N° 83.
DIMANCHE, 13 FÉVRIER Î8l
A
FEUILLETON.
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YPRES, le 12 Février.
Les projets de loi présentés par le ministère,
et qui ont pour objet d'apporter la loi com
munale de notables modifications, ont excité
par tout le pays un mécontentement et une
inquiétude qu'il est impossible de méconnaître.
Tous les partis se sont émus; car tous ont
reconnu que si ces projets venaient être adop
tés, un des grands principes dont la révolution
de 1830 semblait avoir assuré le triomphe,
allait être remis en question.
De toutes les libertés dont nous jouissons
depuis douze années, la liberté de la commune
est celle peut-être dont nos populations sont le
plus jalouses; et, de tous temps, il en fut ainsi
que de sacrifices ne firent pas nos ancêtres pour
conquérir ces immunités, privilèges et franchises
qui contribuèrent si puissamment la gloire et
la prospérité de nos riches et célèbres com
munes flamandes. Les enfants ont hérité de
leurs pères cet attachement si digne d'éloges.
La liberté communale est donc celle dont
les avantages sont le mieux appréciés; jeunes
encore dans la vie constitutionnelle, bien des
citoyens belges ne se rendent compte qu'impar
faitement des grands principes qui sont la base de
notre organisation politique; le système com
munal au contraire est connu de tous, car, si
l'on peut parler ainsi, c'est là une machine
qu'ils voient journellement travailler sous
leurs yeux.
Aussi ne craignons nous pas être démentis
en affirmant que l'adoption des projets de loi
dont il s'agit, serait de nature dépopulariser
non-seulement le pouvoir, mais encore la révo
lution dont il est né.
En effet, de toutes les fautes commises par le
gouvernement hollandais, celle peut-être qui
contribua le plus le rendre impopulaire, fut
la violation des principes libéraux posés dans
les règlements de 1817.
En adoptant en 1825 un nouveau Règlement
des villes le pouvoir voulait acquérir ce qu'on
appelle de la force disait Mr Dumdrtier dans
son rapport sur la loi communale cette force
fit sa faiblesseet. au bout de quelques années
tous ces empièlemens qui avaient passé ina
perçusque les états-généraux avaient tolérés
sans mot dire, devinrent des causes d'excitation
contre un gouvernement qui n'avait pas su
marcher dans les limites constitutionnelles
mais quiméconnaissant Vesprit du peuple
belge, oubliant ses propres promessescherchait
asservir toutes les institutions nationales
établir Vabsolutisme et non régner par la
liberté. Alors les actes que ce gouvernement
avait posés pour établir sa force'devinrent
des griefs et furent les premières causes de
sa chute.
Les premiers règlements que le got/verne-
mentavait anéantis, comme faisant sa faiblesse
avaient fait sa force et les seconds règlements,
quil 'avait posés comme devant faire sa force
furent les causes de sa faiblesse.
Nous nous sommes démandé quels motifs
graves rendaient nécessaires les modifications
que l'on propose; l'exposé des motifs et les dé
fenseurs systématiques du ministère, nous
répondent que le gouvernement a trop peu
d'action sur la commune l'expérience de cinq
années a démontré que dans certains cas il en
résulte de graves inconvénients.
Nous sommes loin de nier que l'application
rigoureuse de la loi n'ait pu donner lieu
quelques abus; mais, pour quelques exceptions,
quelques cas rares, peut-on attaquer un prin
cipe général et détruire toute l'économie de la
loi? Ne serait-il pas possible de trouver des
remèdes qui, pour être moins violents, n'en
seraient sans doute qu'infiniment meilleurs
D autres causes nous paraissent avoir motivé
les modifications que l'on propose chaque
jour le parti libéral acquiert de nouvelles for
ces; c'est pour les élections communales sur
tout, que ce'parti, riaguères sans chefs et sans
discipline, se forme et s'organise fortement
en diminuant l'importance des fonctions com
munales, en accordant au pouvoir une part
plus large dans la nomination des magistrats
communaux, le gouvernement n'espérerait-il
pas entraver cette organisation si désirable, et
se faire en même temps descréatures dévouées.
Dans de prochains articles, nous examine
rons avec soin et en détail les projets de lois
présentés la législature.
Dans la nuit du 8 au 9 de ce mois, un hor
rible assassinat a été commis sur la personne
du sieur Goemaere, petit fermier Wytschaete.
11 a été trouvé mort dans son lit, criblé de
blessures presque toutes mortelles, qui semblent
avoir été faites au moyeu d'une serpe.
La justice informe. Ce malheureux n'était
âgé que de 35 ans.
Dans la journée du 10 du courant on a ré-
tiré des fossés de la ville, hors la porte de
Dunkerque, le cadavre d'un enfant nouveau-né
du sexe masculin.
Des renseignemens pris aux sources les plus
élevées, nous autorisent dire qu'une altercation
très-vive avait eu lieu entre M. Desmaisières qui
trouvait que l'honneur militaire exigeait des
explications sur les élats de service, et M. Buzen
qui lui a répondu qu'en fait d'honneur militaire
il n'avait point de leçon prendre de lui.
Patriote Belge.)
Hier le restant des pièces de la procédure
relative au complot a été signifié aux inculpés.
M. le comte Lehon est arrivé Bruxelles,
dimanche matin, pour demander au gouverne
ment un congé de deux mois, pendant lequel
il serait autorisé faire cesser le privilège de
son inviolabilité diplomatique. Il s'est rendu
chez M. de Briey.
CHARLES ET SUZANNE.
[Suite et Jin.)
La jeune fille était auprès de moi couchée dans un fossé, pleurant
et demi-nue. Je commençai par lui jeter un vieux manteau qui
n avait pas tenté la cupidité des voleurs. Comprenant ensuite, eu
la voyant si belle, quil lui restait quelque chose de plus précieux
que sa dot qu'on pourrait bien lui enlever, je lui dis
Citoyenne, nous sommes en de mauvaises mains croyez-moi,
retirons-nous d'ici.
Elle pensait comme moi et se décida me suivre. Nous nous
glissâmes plat ventre et le plus loin de chemin que nous pûmes,
et quand nous nous crûmes assez éloignés, nous nous relevâmes, et,
nous prenant par la main, nous courûmes sans savoir où. I.e jour
vint. Nous étions dans un petit village dont j'ai oublié le nom, mais
qui n'était pas éloigné de la route de Paris, et tous deux sans un
sou, elle sans corset, moi sans manteau, nous primes la route de la
capitale; cela lie beauooup, madame.
Je le crois, dit la marquise.
A Paris, il s'agissait pour Suzanne de trouver son maquignon,
je lui aurais nui dans cette recherche; elle l'entreprit toute seule. Je
la vis partir les larmes aux yeux.
Que leciel vous conduise, citoyenne Suzanne,lui dis-je, et vous
Tende aussi heureuse que vous le méritez
Si, cet époque, j'eusse déjà fait la campagne d'Italie, j'aurais
trouvé autre chose lui dire; elle parut, de son coté, fâchée de me
quitter j'étais alors un bon garçon des plus frais et des mieux
bâtis, tellement qu'il y a cinq ans encore, dans mon régiment, on ne
m'appelait que le beau capitaine. Je lui donnai, mon adresse, lui dis
de compter sur moi, si elle avait besoin de secours et de protection,
et nous nous quittâmes enfin. Deux heures après, elle était chez
moi. Croiriez-vous que son maquignon n'en voulut pas C'était un
jeune homme grossier, avide, plus tenté de la dot que de la jeune
fille; il aurait refusé Venus elle-même, si elle n'avait pas eu
soixante louis il le prouva bien, car Suzanne était aussi belle que
Vénus. Elle était donc chez moi qui l'aimais et qu'elle aimait, refu
sée par Jean Crochart (c'était le nom du maquignon) et n'osant pas
retourner chez ses parens parce qu'on lui avait volé sa dot. J etais un
peu plus riche quelle, parce que j'avais trouvé un parent qui
m'avait prêté une cinquantaine d'écus. Je mis ma petite fortune
dans ses mains et tout fut fini... Voilà le plus beau temps de ma vie,
madame c'est le seul moment où j'aie été heureux.
Vous prîtes la place de Jean Crocliard dit la marquise.
N'aurait-il pas été fâcheux, continua le capitaine, qu'une aussi
jolie fille s'appelât Crochart? Nous fesions les plus beaux rêves; notre
amour ne devait jamais finir, et en effet il ne finit pas; il fut seule
ment interrompu par la république qui m'appelait aux armées.
Ordinairement la possession éteint l'amour; elle augmenta le mien
et ce fut par amour, par dévouement, que je refusai Suzanne de
l'épouser. Ma vie ne tenait qu'à un fil; je n'étais rien quuu de
ces soldats qui, par milliers, allaient mourir pour la pairie. Elle
voulut partir avec moi... Je l'aimais trop pour n'être pas jaloux, et
pour ne pas comprendre qu'elle était trop belle pour suivre une
armée. Je partis; je la laissai, et auprès d'elle je laissai aussi mon
cœur. Pendant quinze ans j'écrivis; j éorivis d ltalie, d Égyple,
d'Espagne. 11 y a dix ans que je n'écris plus; niais j espérais tou
jours. Depuis Waterloo, je n'espère plus. Le vieux soldat a tout
perdu son empereur, sa place dans le monde, ses aigles et celle
qu'il aimait... Pardon, madame la marquise, vous ne comprenez
peut-être pas ces choses-là.
Charles! Charles! s'écria la marquise, vous ne me recon
naissez dono pas
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