JOURNAL DYPRES ET DE L ARRONDISSEMENT
JEUDI, 3 MARS 1842.
INTÉRIEUR.
FEUILLETON.
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PROJET DE LOI
CONCERNANT L'ORGANISATION COMMUNALE.
Il nous reste examiner le dernier projet de
loi présenté par le ministre de l'intérieur. Il ne
touche qu'aux franchises des villes, puisque les
communes qui tombent sous son application
doivent posséder uu octroi. L'innovation pro
posée donne au gouvernement le droit d'ap
prouver les comptes et budgets communaux.
D'après la loi actuelle, cette approbation était
exercée par la députation permanente. L'éla-
biissement, le changement ou là suppression
des impositions et les règlements y relatifs
n'étaient exécutoires qu'avec l'assentiment du
roi. (Art. 76, 5.)
Celte faculté donnée au gouvernement a
pour but d'empêcher les conseils des communes
se soumettre, dans un étroit esprit de localité
certains produits de l'industrie des droits
d'octroi trop élevés, qui équivaudraient une
prohibition. Si les autorités communales pos
sédaient ce pouvoir sans restrictions, des sti
pulations commerciales conclues avec les puis
sances étrangères pourraient devenir illusoires,
et le système financier de l'état serait compromis.
Cette disposition nous paraît donc aussi sage
que le changement qu'on veut introduire l'est
peu. A l'appui de ce projet de loile ministre
présente les observations suivantes
Les budgets des dépenses communales ne sont point soumis
l'autorisation du gouvernement.
Cette autorisation est exigée pour la création de toute taxe com
munale et notamment de tout octroi.
Ce système est irrationnel.
11 faut en général que le pouvoir qui autorise les moyens de faire
la dépense ait d'abord au préalable autorisé eu principe la dépense
elle-même.
Non, ce système n'est point irrationnel. Cette
centralisation invoquée par l'absolutisme, qui
tend l'asservissement de tous les éléments de
LE SAVANT.
L'on demandait au célèbre savant Euler Qu'est-ce qui vaut
mieux que la science La conscience, répondit-il l'une est un
arbre du bien et du mal qui produit, la fois, le vrai et le faux, le
crime et la vertu, la vie et la mort; l'autre est véritablement l'arbre
du bien absolu, et les fruits qu'elle porte sont toujours de bous sen
timents, des idées justes, des actions utiles, des principes et des
vérités!
Cette belle pensée d'Euler sembla diriger la vie tout entière d'un
pauvre savant d'Allemagne, dont je vais vous parler aujourd'hui, et
qui se nommait Frédéric Kœrner.
A vingt ans, Frédéric n'était rien encore cet âge, il aurait pu,
comme quelques-uns de ses amis, conquérir une position brillcinte,
mais il préférait, l'honneur d'être un diplomate ou un conseiller
aulique, le plaisir de prendre sa place au coin d'un bon feu, en hiver,
et sur une prairie, en plein soleil, pendant Tété.
Kœrner avait eu le projet de faire'des livres et de composer des
poèmes; mais il reculait toujours devant cette plume, dont il voulait
la société, ne doit point l'être par les gouverne
ments constitutionnels, dont l'essence est la
pondération des pouvoirs. Ni sous le règlement
de 1817, ni sous celui de 1824, jamais un tel
droit n'a été accordé l'administration générale.
Qu'on lui concède le pouvoir d'approuver la
création de nouvelles taxes, rien de plus juste;
une commune ne peut, en vue de ses intérêts
privés, se mettre en opposition avec les lois gé
nérales de l'état. Mais, pour maintenir les conseils
communaux dans de justes limites, il n'est
point nécessaire d'aller aussi loin la loi actuelle
est lout-à-fait suffisante. Il ressort d'ailleurs de
toute l'économie des projets, que le ministère
veut intervenir dans les affaires domestiques des
communes, et les régir d'une manière absolue
et sans recours. Toutes les dispositions tendent
visiblement ce but.
Le gouvernement est loin d'être désarmé vis-à-
vis des communes ainsi que l'annonce le ministre
de l'intérieur. C'est dans uir'but facile com
prendre qu'on a exagéré son impuissance. Loin
d'avoir recommandé l'économie, biei* souvent
il a engagé les communes dans des dépenses
qui, rarement la vérité, ont été immodérées,
bailleurs les citoyens, les contribuables, les
électeurs, ne sont-ils pas de meilleurs juges
que le pouvoir central pour apprécier les actes
des autorités communales. En appuyant sur
l'insuffisance de la loi pour proposer ces inno
vations illibéraleson a cru cacher le but am
bitieux qu'on voulait atteindre, sous un vernis
d'intérêt public et de répugnance laisser agra-
ver outre mesure les impositions communales.
Sousle règne du roi Guillaume,si l'administra
tion générale eut été investie de celte préroga
tive, nul doute que l'odieuse taxe de la mouture
n'eut été imposéeaux communes. Bien desefforts
ont été faits pour y parvenir; mais l'indépen
dance des magistrats municipaux a épargné
cette calamité «""beaucoup de nos cités. Le but
du ministère et de ses alliés est clairement
indiqué. Ce sont les villes, ces foyers du libéra-
se servir, et dont le seul aspect lui glaçait la inain, en paralysant
son cerveau; trop faible, trop modeste ou trop impuissant pour
écrire, Frédéric se mit chercher, en rêvant, des fantaisies
romanesques, des drames, des épopées magnifiques, et souvent il
aurait eu le droit de dire, avec Diderot^ Je me raconte moi-même
la plus charmante histoire du monde
Les rêves ne donnent guère un jeune homme une profession
très-lucrative; faute de mieux, Frédçric Kœrner résolut d'oublier
ses caprices de romancier et de poète, qui n'étaient ni des rouians
ni des poèmes, pour devenir ce que l'on appelle un homme sérieux,
un homme utile, un philosophe et un savant quelques années plus
tard, en 1851, le docteur Frédéric Kœrner avait tenu sa louable
promesse il était célèbre en Allemagne, et tous les pauvres de la
ville de Vienne auraient pu vous indiquer sa demeure, située dans
les ombrages du Prater sur les bords mélancoliques du Danube.
A cette époque, les travaux de Kœrner étaient déjà considérables
le jeune docteur avait publié un livre merveilleux sur la chimie
organique, dont il ayait fait une science nouvelle un traité de
médecine légale qui sera longtemps un chef-d'œuvre; une traduc
tion d Hippocrale, avec des notes qui sont elles-mêmes un véritable
lisme qu'on poursuit avec acharnement. Quel
ques-unes possèdent encore des établissements
d'instruction moyenne et luttent courageuse-
mentcontrel'espritenvahissantdu parti clérical
il s'agit de renverser ces institutions qui portent
ombrage au clergé et, pour y parvenir, l'ap
probation des budgets et comptes communaux
paraît aux catholiques-politiques le moyen le
plus efficace.
A l'aide du changement proposé la loi com
munale, il sera en effet libre au ministère de
rayer des budgets l'allocation nécessaire ces
établissements. Le gouvernement n'organisera
point l'instruction moyenne et primaire aux frais
de l'état. Sa servitude l'endroit du clergé est
telle, qu'il s'empressera de détruire de ses propres
mains les établissements d instruction des com
munes pour favoriser le monopole du clergé.
C'est là le secret de l'appui promisdit-on au
ministère par le parti rétrograde dans cette
croisade contre la liberté des communes.
Résumons les prétentions du ministère. A lui
le pouvoir de disposer des revenus des com
munes. S'il les trouve insuffisantsle droit
d'imposer de nouvelles charges. Si la commune
résiste ou refuse le payement, le pouvoir de
forcer le receveur par voie de contrainte. Et
pour couronner l'œuvre, le droit de nommer
pour chef de l'administration communale un
individu investi de sa confiance mais repoussé
par ses concitoyens.
Qu'une violation aussi audacieuse des prin
cipes libéraux posés en 1830 soit sanctionnée
par les chambres législativeset les conseils
communaux sont çéduits au rôle de simples
comités consultatifs.
Les franchises communales qui ont été, pen
dant si longtemps la base et le boulevard de
l indépendance de la patrieauxquelles nos
communes flamandes en particulier, ont fait de
tout temps les plus grands sacrifices sont
donc la veille d'être anéanties Sans moyens
légaux de défense contre l'oppression, les
cours de thérapeutique une précieuse et savante étude sur les
poisons, ouvrage terrible qui faisait dire un jour je ne sais quel
membre de l'académie de Vienne Ce diable de Kœrner trouverait
le moyen de nous empoisonner, avec un gateau de miel et do
roses.
La vie privée, la vie intime de Frédéric était bien simple, bien
exemplaire pour un homine de trente-cinq ans il travaillait le
matin; il travaillait l'après-midi il travaillait tout le soir, et il con
sentait grand peine dormir quelques heures, duraut la nuit.
Kœrner avait horreur des plaisirs, de la dissipation et des frivolités
du monde; il était gauche et embarrassé avec les hommes, timide
et tremblant avec les femmes; le frôlement d'une robe lui faisait
peur; le plus doux regard, la plus douce voix lui donnaient la fièvre,
et sans doute il serait mort de honte, s il avait dû s'agenouiller aux
pieds d'uue belle jeune 611e
A vrai dire, quel rôle pouvait-il jouer, en conscience, dans cette
comédie futile de la galanterie, de la sottise et de la mode des
salons Cet orgueilleux savant, qui se glorifiait peut-être de savoir
tant de choses rares et superbes, ne savait ni marcher avec préten
tion, ni saluer avec grâce, ni sourire avec hypocrisie il baissait