JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
r ANNÉE. N° 92.
JEUDI, 47 MARS 4842.
INTERIEUR.
On s'abonne Ypres, rue du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT
par trimeatrc.
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daction doit être adressé,franco,
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et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligna.
YPRES, le 16 Mai s.
L'avenir de la Belgique se présente sous des
couleurs assez sombres pour inspirer des inquié
tudes sérieuses tous les amis de son indépen
dance et de ses libertés. Aux yeux même de
ceux qui n'aiment point prévoir les malheurs
de la patrie, il doit être prouvé que deux fac
tions se sont coalisées pour faire rétrograder
nos institutions au bon temps de la toute puis
sance du clergé et de la noblesse.
Dans leur présomption, elles ne tentent rien
moins que la résurrection politique des ordres
privilégiés. On pourrait prendre en pitié ces
prétentions insensées; mais les efforts qu'on
semble disposé faire pour réussirpeuvent
empêcher que le bien se fasse, et consumer
dans une lutte insensée, les forces vitales de
notre récente nationalité.
Après la révolution de 1830, la constitution
a consacré avec le concours de tous, un système
sagement libéral qui a ouvert une ère nouvelle
pour la Belgique. Mais ce que le clergé était
alorsil n'est plus maintenant. Le temps a
dévoilé ses projets. Loin d'accepter franchement
le nouvel ordre de chosesil a toujours con
servé l'arrière pensée de s'en servir pour
tendre la domination et l'exploitation du
pays au profit de ses intérêts égoïstes. La haute
noblesse, qui plus d'une fois fit cause commune
avec le peuple, quand il s'agissait de repousser
l'arbitraire, s'est déclarée son auxiliaire, et, de
concert, ils tâchent maintenant de renverser
petit bruit des institutions précieuses, acquises
péniblement au prix de tant de troubles et de
malheurs.
Et qu'on ne taxe point nos craintes d'être
exagérées. L'instruction n'esl-elle point devenue
un monopole entre les mains du clergé? Com
bien existe-t-il encore d etablissemens qui n'aient
point subi son joug? Ceux qui ont maintenu
leur indépendance ne sont-ils pas en butte
d'odieuses calomniesrépandues foison par
des hommes qui ne reculent pas devant la pro
fanation des choses saintes, de la chaire, du
confessional.
Il n'a pas tenu au clergé que la liberté d'as
sociation ne soit devenue illusoire. Tandis que
d'un côté les couvents pullulaient en Belgique
sans opposition, une société qui existait depuis
des siècles, se reconstituait, il y a quelques
années. A peine ce fait était-il connu, que par
tout on lançait des mandements pour la calom
nier et soulever contre elle le fanatisme.
L'égalité devant la loi, consacrée par la con
stitution deviendra bientôt une chimère. Il ne
suffira plus d'avoir toutes les qualités requises
pour être aple servir le pays; il faudra encore
se montrer docile aux suggestions de ce pouvoir
occulte qu'on veut organiser en Belgique, et qui
a si puissamment contribué en France perdre
la restauration.
La séparation de l'église et de l'état est loin
d'être maintenue. La proposition de la main
morte et son retrait prouvent que nos seigneurs
les évêques ont la législature des,représentants
qui sacrifieraient le bien-être du pays aux désirs
des chefs du clergé. Cette proposition n'a pas
été retirée spontanément par ngs évêques; ce
n'est que sur l'ordre venu de Roifte et provoqué
par le prince de Metternichque les chefs du
clergé ont consenti au retrait. Qu'on dise en
core que les évêques ne forcent point la main'
au gouvernementpuisque potir l'obliger
abandonner ce brandon de discorde, le cabinet
a du recourir une influence étrangère.
De toutes les libertés conquises en 1830, il
nous reste encore les franchises communales et
la liberté de la presse. Mais déjà la première se
trouve menacée et si on emporte ces derniers
boulevards de nos libertés, rien n'arrêtera plus
les attaques liberticides.
En présence de cette domination tyrannique
que le clergé et ses alliés s'apprêtent faire
peser sur la Belgique, que reste-t-il faire aux
amis de l'indépendance, ceux qui ont le cœur
assez haut placé pour ne point se soumettre
sans lutte une telle oppression? Il faut qu'on
s'unissequ'on s'organisequ'on oublie les
questions personnellespour ne voir dans une
telle lutte que le bien-être de tous. Que les
honnêtes gens de tous les partis s'entendent;
car nous n'avons point l'outrecuidance de dire
que parmi nos adversaires il ne se trouve point
d'honnêtes gens. Mais, coup sûr, ces personnes
sont égarées puisqu'elles portent aide ceux
quimieux appréciés seraient signalés comme
les ennemis de l'état, des libertés, et de la
prospérité du pays.
M. le capitaine d'artillerie Sarrasin vient de
mourir Liège d'une rougeole compliquée.
On nous prie d'insérer la lettre suivante
A Monsieur l'Éditeur du Progrès
Monsieur
Le gouvernement vient de présenter auxehambres
un projet de loi qui a pour objet de porter un franc
par hectolitre de macération et pour 24 heures de
travail les droits sur les boissons distillées.
Augmenter les revenus de l'état, faire diminuer
la consommation du genièvre dont l'usage immodéré
est pour le peuple une cause grave d'immoralité, tel
estledouble butque le ministère se propose d'attein
dre; si le projet de loi pouvait avoir de pareils
résultats, les soussignés, distillateurs, ne pourraient
qu'approuver les vues du gouvernement; les intérêts
du trésor et de la morale publique trouveraient de
puissantes garanties et leurs intérêts privés ne
seraient nullement lésés car les prix de vente
s'augmenteraient en raison des droits imposés sur la
fabrication, et si la consommation des qualités infé
rieures venait diminuer, la vente des qualités su
périeures, qui seraient alors seules demandées, ne
tarderaient pas s'accroître; le bas prix auquel on
vend le genièvre n'est pas un fait des fabricants: il
ne doit être imputé qu'aux débitants qui, par des
moyens frauduleux et des falsifications de toute
espèce, lèsent non-seulement les intérêts du trésor,
mais encore ceux des distillateurs. Ce nesont donc pas
des vues mesquines d'intérêt personnel qui portent
les soussignés combattre le projet de loi leur seul
but est de démontrer que l'état n'obtiendrait pas le
résultat moral et financier qu'il se propose, que
les intérêts de l'agriculture seraient inutilement
froissés, et qu'une industrie qui employé de grands
capitaux, parlsuitedes lois en vigueur constituant en
quelque sorte pour elle un droit acquis, serait totale
ment ruinée. L'expérience du passé suffira pour
prouver ce qu'ils avancent.
Sous l'empire, lorsque les provinces Belgiques
étaient réunies la France, les droits sur les boissons
distillées étaient peu élevés des établissements
nombreux existaient; de jour en jour ils devenaient
de plus en plus prospères, quand les événements de
i8i4 et i8i5,amenère»tun nouveau gouvernement
et en même temps un nouveau système d'impositions.
Les droits sur les boissons distillées sont aug
mentés, dès ce jour un grand nombre de distilleries
de grains se forment dans les départements français
limitrophes de notre pays, et de la France qui jus
qu'à cette époque avait cru la concurrence impossi
ble, parvint en peu de temps anéantir chez nous,
une industrie qui avait été longtemps prospère. En
i83oun petit nombre d'établissements puissants,
grâce leursimmensescapitaux, luttaientfaiblement
contre la concurrence étrangère; malgré leurs efforts
inouis et une puissante protection intérieure, ils au
raient infailliblement succombé si la révolution de
septembre n'était venue empêcher leur ruine.
Il est vrai que la concurrence étrangère obtenait
la victoire par des mesures illégales, et que ce n'était
pas dans l'industrie même qu'elle trouvait les
moyens de triompher; un vaste système de fraude
était organisé sur la ligne de nos frontières. Sous la
protection et l'aide des douaniers français, l'on vit
se former une armée de fraudeurs vivaut exclusive
ment de ce trafic dangereux et immoral.
Le gouvernement tenta de mettre un terme cet
abus si grave; de fortes lignes de douanes lurent
établies snr les frontières, cette mesure n'amena
aucun résultat.
Le gouvernement des Pays-Bas avait une volonté
de fer il eut recours des moyens extrêmes la
moitié de l'armée fut durant deux années can
tonnée sur la lisière de France; mais les soldats-
douaniers, malgré leur nombre et leur organisation
militaire,malgréla surveillance énergique des chefs,
ne purent triompher de celle armée de fraudeurs
intelligents et actifs que l'amour du lucre et la
connaissance parfaite des lieux rendait aussi intré
pides qu'insaisissables.
Cet état de choses avait causé en 1829 la ruine
complète des distilleries indigènes, tandis que les
établissements de ce genre crées en France se trou
vaient dans l'état le plus prospère.
Les événements de i83o amenèrent de puissantes
améliorations douanières et, en ce qui concerne les
distilleries, la réaction fut d'autant plus forte que
l'action avait été violente.
La loi de i833 fixa 20 centimes par hectolitre
de macération, les droits sur les boissons distillées
aussitôt de nombreux établissements furent crées,