rôle d'un officier n'est pas de rapporter des com
mérages. Vandermeere a parlé d'une saisie-.de la
Banque comme garantie pour lès besoins de l'armée.
Vandersmissen a promis au témoin cent mille
francs et le brevet de colonel, ce qui l'a fait rire.
La question du drapeau a été agitée. 11 a été reconnu
que le peuple ne s'habituerait pas la couleur
orange, on s'est tenu au drapeau ualional. Vander-
nieerea témoigné la crainte que les républicains ne
débordassent.
Interpellé sur la coalition avec les républicains,
le témoin déclare très formellement ne connaître
aucun fait précis.
Plus tard il a cru que Vanderraeere et Parys, ce
dernier surtout, regrettaient de s'être trop avancés,
il leur a dit que le ministre de la guerre savait tout,
convaincu qu'ils renonçaient leurs projets, c'est
alors seulement qu'il en a dit davantage. Le ministre
de la guerre l'a toujours fort jnal reçu, lui repro
chant de ne pas tout dire.
Kessels. Je suis aux ordres de la cour. Le
septembre je suis venu Bruxelles pour voir l'ex
position et assister aux fêles de septembre, comme
on me l'avait permis tous les ans en qualité de l'un
des anciens chefs de la révolution. M. le ministre
de la guerre consentit me donner une permission
de 24 heures. Je renconti®ile général Vandersmissen
avec lequel j'avais toujours vécu en bonne intelli
gence; nous nous adossâmes contre l'arbre de la
liberté, où il me dît Y a-t-il longtemps que vous
n'avez été foire visite l'intendant Parys?«Je lui dis
qnenon; allons-y, medit-il; nous y allâmes; là nous
trouvâmes le général Vandermeere assis sur un
canapé; après quelques paroles on commença
parler politique, le général Vandermeere parla d'un
mécontentement général dans le pays et de la pos
sibilité d'un mouvement en faveur de Guillaume.il,
roi de Hollande. Le général Daine, dit-il, appuyerait
le mouvement, je répondis c'est une extravagance,
au bout de trois jours vous auriez ici les Français, je
me servis des mots pantalons garances. Quant au
général Daine je demandai ce qu'il pouvait espérer,
lui qui était lieutenant-général et qui avait une
réputation militaire.
On me dit encore que pour opérer le mouvement
on s'emparerait du ministre de la guerre, du major
Lahure, que l'on paraissait craindre et du comman
dant de la place. Le nom du général Lolivier fut
aussi prononcé; le général Vandermeere dit ce
sujet, il faut d'abord qu'il paie sa dette de 40,000
florins qu'il a reçus des Hollandais en i83i;je ne
savais pas ce que cela voulait dire, mais en fouillant
dans mes souvenirs je trouvai qu'en i83;i, dans une
séance de la chambre des représentans un membre
avait accusé les généraux de l'armée d'avoir reçu de
l'argent des hollandais; les généraux avaient relevé
le gant et avaient suffisamment répondu. Le lende
main nous nous retrouvâmes ensemble, et il fut
encore question du mouvement projeté, le général
Vandermeere était celui qui soutenait la possibilité
du mouvement; moi je le combattais, le général
Vandersmissen écoutait sans rien dire.
Le i3 ou le i4 octobre, je revins Bruxelles;
j'avais demandé une permission au ministre de la
guerre, qui m'avait répondu qu'il me l'accorderait
si je la lui demandais par la voie hiérarchique; je la
demandai ainsi et elle me fut accordée. Le général
Vandermeere m'avait plusieurs fois fait dire
Liège de venir Bruxelles, j'allai chez lui; il était
alors dîner avec Mad. Drumond VHôtel de F Uni-
ver*. Quand nous lûmes seuls, il me dit: Major,
j'ai sérieusement me plaindre de vous; vous avez
été deux fois chez le miuislre de la guerre et vous
lui avez révélé tout ce que nous avions dit. Je lui
répondis: je suis allé deux fois chez le ministre de
la guerre parce qu'il m'avait appelé et je ne lui ai
rien dit. Je cherchai savoir qui avait rapporté ces
propos au général Vandermeere il me répondit que
c'était par quelqu'un des hauts grades maçonniques;
le général Vandermeere me promit de me mettre
le lendemain en rapport avec la personne qui avait
tenu ces propos; je revis le général le lendemain et
il me dit qu'il avait des raisons de croire que ces
propos n'étaient pas vrais, et qu'il était inutile de
me mettre en rapport avec celui qui les avait tenus.
Je rencontrai en sortant un officier des volontaires,
un seul individu qui avait pourtant un ruban rouge
sa boutonnière, il me dit: Eh bien, major, il va y
avoir du tapage, vous êtes des nôtres, n'est-ce pas?
Nous allons mellre le feu au Pelit-Château et sacca
ger quelques édifices publieset maisons particulières,
et pendant ce temps-là nous nous mettrons en pos
session des casernes et des hommes, et nous vien
drons facilement bout de tout. Je lui répondis: vous
êtes un drôle, vous mériteriez d'être dénoncé
l'autorité j'ajoutai que je partais l'instantil me
dit: Vous ne pouvez pas partir, il faut que vous
soyez ici pour le mouvement; en me rendant au
chemin defer, je passaiau ministère de la guerre,oùjè
n'ai pas pu voir le ministre, et, arrivé la station du
chemin de fer, j'écrivis au bourgmestre un billet
pour l'avertir de prendre des mesures parce que sa
maison m'avait été désignée au nombre de celles que
l'on se proposait de saccager et de piller.
Mais cet incident que je viens de rapporter n'est
pas sa date, il fout le placer lors de mon premier
voyage Bruxelles, au a5 septembre.
Dans les conférences que j'eus lors de mon second
voyage, j'avais fait une constante opposition aux
idées que manifestait le général Vandermeere, je lui
soutenais que le mouvement était impossible; le
général Vandermeere lui, au contraire, soutenait
que le succès était assuré, qu'en s'assurant des chefs
on n'aurait, rien craindre de la garnison. C'est
alors qu'il m'offrit moi 100,000 fr. et le grade de
colonel; je me mis rire, car il me paraissait que
le général Vandermeere ne pouvait, pas çlus que
moidisposer de 100,000 fr.
Je suis revenu une autre fois Bruxelles, le 26 ou
le 27 octobre; j'allai citez l'intendant Parys qui me
serra affectueusement la main et me dit qu'il me
remerciait de l'opposition que j'avais faite au projet
du général Vandermeere, que c'étaient des folies;
ils m'ont-cassé la tête avec leur politique, disait-il,
je vais les prier de rendre leurs visites moins fré
quentes chez moi. Je dois déclarer bien franchement
en conscience, que le major Parys était, en ce mo-
lueullà, toUt-à-fait.opposé au mouvement.
J'a vais écrit au général Vandermeere et au général
Vandersmissen pour les prier de venir me trouver
VHôtel de* Étrangers ils y sont venus et c'est la
que j'ai demandé .au général Vandermeere s'il me
mettrait en rapport avec ces hauts personnages
maçonniquesqui lui avaient parlé de moi. On se mit
parler du mouvement, et j'ai pu croire d'après la
conversation,que le projet avait été abandonné, tant
j'avais prouvé que la chose était impossible.
Le ministre de la guerre me fit venir et médit
qu'il se préparait un mouvement, que j'en étais
informé et quejesavais manqué tous mesdevoirsen
ne révélant pas ce que je sa vais l'autorité; je ré pondit
au ministre que j'avais effectivement entendu parler
de toutes sortes de choses mais que c'était si vague,
si confus si impossible, que je n'avais pas cru né
cessaire de parler. Le ministre insista et me dit que
je connaissais des personnes mêlées cette affaire.
D'après la conversation que je venais d'avoir d'abord
avec Parys et ensuite avec le général Vandermeere
et Parys, je pus dire au ministre que s'il avait pu y
avoir quelques idées, elles étaient tombées sans
retour; le ministre me dits'ilen est ainsi, eteomme
je ne veux pas faire d'arrestations pour le plaisir
d'en faire, si ces gens renoncent leur projet, je
les laisserai tranquilles.
Je dis au ministre que j'étais si sûr d'eux que si je
pouvais ôter ma tête de dessus mes épaules, je la lui
laisserais volontiers en garantie. Je revis encore une
fois les généraux Vandermeere et Vandersmissen
et Parys, et cette fois ils disaient encore que tout
était abandonné, que le ministre de la guerre était
informé de tout et que puisqu'on n'était pas com
promis il fallait s'arrêter je partis donc avec l'assu
rance que rien n'aurait lieu.
Je n'entendis plus parler de rien, jusqu'au 7 ou 8
novemb.quejefus mandéà Bruxelles chez le ministre
de la guerre; mon arrivée le ministre m'a dit: Eh
bien, major, si je vous avais cru je me serais laissé
surprendre; je répondis que je 11e savais rien de
plias que ce que je lui avais dit il reprit alors puis
que vous ne voulez pas parler, vous allez être arrêté,
où allez-vous maintenant? Je vais au Café des
Mille Colonne*.Et de là? De là, où je suis logé.
Où êtes-vous logé? A. YHôtel de* Étrangers. A
quelle heure y serez-vous? A3 heures. Eh bien,
3 heures moins un quart, vous aurez des nou
velles. En effet, 3 heures moins un quart, un
agent de police est venu m'arrêter et-j'ai été conduit
eh prison où j'ai eu subir /6 jours de secret. M. le
juge d'instruction Delcourt qui s'était conduit en
vers moi avec une extrême polit esse, m'a mis sous les
yeux l'article de la loi qui punit la non-révélation,
et il m'a dit que si je refusais de parler, je serais
condamné pour lion-révélation je demandai alors
M. Delcourt de me conduire chez le ministre de la
guerre; il voulut bien m'y conduire, et c'est là et
par le ministre que j'appris que les auteurs du
complot avaient acheté des canons, des armes et de
la poudre; alors je dis au ministre que j'étais obligé
de reconnaître la vérité de ce qu'il me disait mais
que je n'en avais rien su jusqu'àqjrésent.
M. le président adresse de nombreuses questions
au témoin pour lui faire préciser les faits. Il en ré
sulte peu d'éclaircisscmens nouveaux.
Le témoin reconnaît qu'il s'est ouvert au générai
Vandersmissen d'un besoin d'argent pour sauver un
de ses enfans, et que c'est par l'intermédiaire du gé
néral Vandersmissen qu'il a obtenu de Parys de lui
escompter un billet de 5oo francs.
M. le président. Accusé Vandersmissen qu'avez-
vous dire
L'accusé Vandersmissen. Je n'ai jamais eu'avec le
major Kessel» d'autres relations que pour lui faire
esçompter un billet.
M. le président. Accusé Vandermeere qu'avez-vous
dire
Le général Vandermeere. 11 me serait impossible
d'exprimer l'indignation que j'ai éprouvée quand
j'ai eu pour lajpremière fois connaissance de la dé
position de M. Kessels M. le juge d'instruction.
M. Kessels a eu tout le temps de faire un fort joli
l'oman, comme je l'ai dit M. le juge d'instruction.
Messieurs, pour que j'aie eu confiance en M. Kes
sels, au point de l'admettre des conversations,
des confidences de haute politique, il aurait fallu que
je fus plus intimement lié avec lui, il aurait fallu
que je l'estimasse, car 011 ne s'avance pas jusque-là
avec un homme que l'on a appris depuis longtemps
mésestimer.
Ceci n'est pas une imputation vague, je connais le
major Kessels, depuis 18.37, comme uudénonciatcur,
comme un homme ayant l'habitude de dénoncer ses
chefs. Parmi les témoins que vous entendez, il en
est qui vous révéleront des faits propres justifier
cette opinion.
Que venait-il donc faire chez moi Je ne le cher
chais pas cet homme, mais je vais vous dire ce qui
l'a amené, et je vous le montrerai comme un homme
qui a toujours su exploiter sa position, comme il
cherche aujourd'hui le faire.
Je 11e nie pas plus aujourd'hui que je ne l'ai nié
dans le temps que je m'étais trouvé avec M. Kessels
chez le major Parys; il y avait même chez M. Parys
un monsieur nommé Traure, un marchand de vins,
et c'est pour parler ce marchand avec lequel nous
buvions alors un verre de vin, que M. Kessels est
arrivé. C'est donc le hasard qui m'a mis en rapport
avec lui il n'est pas étonnant que l'on ait parlé de
politique, c'est une conversation assez habituelle
avec le témoin surtout qui se plaint incessamment
de sa position et ne se cache pas pour exprimer sou
mécontentement et déblatérer publiquement.
Le major Kessels a profité de cette première ren
contre pour venir chez moi le lendemain il y est
venu, c'est vrai, dans un cabinet,au bas de l'escalier,
qu'il a parfaitement décrit. J'avais une personne
recevoir et je tenais me débarrasser promptement
de M. Kessels je l'invitai donc poliment, car je suis
toujours polime laisser. C'est alors qu'il me dit
Je suis resté Bruxelles un jour de plus que je ne
devais et je suis sans le sou pour m'en retourner, ne
pourriez-vous me prêter quelque chose. Je tenais
toujours ine débarrasser de lui; je tirai ma bourse
et je lui dis Je n'ai pas beaucoup d'argent sur moi,
mais nous partagerons et je lui donnai je ne sais pas
combien, mais je crois une dixaine de Guillaumes.
Je puis ajouter qu'à chaque voyage qu'il faisait
Bruxelles c'était la même chose un autre voyage
M. VanSwae m'a dit lui avoir prêté quarante francs.
M. l'avocat-géuéral. Je demanderai au témoin ce
qui s'est passé dans une visite qu'il a faite au journal
le Patriote belge.
Le témoin. J'étais allé au Patriote belge pour con
naître l'adresse du capitaine Bartels j'y trouvai
Feigneauxquimedit.' Bonjour Kessels, vous êtes des
nôtres; on parlait entre autres chosesd'une nouvelle
qui venait d'arriver; il s'agissait d'Espartero qui
venait, disait-on, de proclamer la république en
Espagne.
M0 Bartels. Le témoin a parlé d'une dénonciation
dont il aurait été l'objet et de la dénonciation que le
ministre de la guerre, général Evain, lui avait faite,
que la personne qui l'avait dénoncé avait reçu ordre
de cesser toute correspondance avec le ministre.
Le témoin. Cela est consigné dans une lettre que
je puis déposer.