JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
I e ANNÉE. N° 98.
JEUDI, 7 AVRIL 1842.
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UTEBIEIR.
YPRES) le 6 Avril.
Ce qui s'est passé il y a quelques jours au
sein du Conseil communal de Courtrai, lors du
vote sur la proposition de M. le conseiller
Bischoff, (adresse présenter la chambre
des représentans, contre les modifications pro
jetées de la loi communale voir le dernier N°
du Progrès,) a mis dans tout son jour un vice
réel de la loi, en ce qui concerne les délibéra
tions des magistrats. En effet, la proposition de
MBischoff est adoptée par sept des quatorze
conseillers présents, deux émettent un vote
négatif, cinq s'abstiennent; et la proposition
est rejetée parce que, d'après là loi, il fallait
pour son adoption le vote affirmalif de la
majorité des membres présens.
Il suit de cette disposition que les votes des
conseillers qui s'abtiennent, sont considérés
comme négatifs. Or, comme ces MM. ne sont
point tenus de motiver leur abstention, il
arrivera souvent que plusieurs d'entr'eux, pour
avoir négligé d'étudier les motifs de certaines
propositions imporlantes, ne prendront point
de part au vole et que des mesures utiles ou
nécessaires seront rejelées par le conseil, bien
qu'adoptées par la grande majorité de ceux
qui se sont donné la peine d'approfondir la
question.
Il semble d'ailleurs que le simple bon sens
veut qu'on ne puisse considérer une proposi
tion comme adoptée ou comme rejelée, avant
que la majorité du conseil ait émis son
opinion.
Les conseillers qui s'abtiennent sans motifs
légauxdevraient être considérés comme
absens chaque fois que leur nombre l'exige
rait, on renverrait le vole une prochaine
séance, pour qu'ils eussent le temps d'étudier
la question, et d'émettre ensuite une opinion
consciencieuse. On les mettrait ainsi en demeure
de s'acquitter du devoir qu'ils se sont imposé,'
en acceptant le mandat de leurs concitoyens.
Au dire de quelques personnes bien informées,
ce ne serait point le ministre de la justice qui
aurait offert la place de secrétaire-général 1 un
de nos représentans, mais bien l'archévêque de
Malines. On s'en est vanté! Ceci montre nos
concitoyens combien leur député est dévoué au
parti clérical car il n'est point ordinaire ce
parti de disposer de places de célte importance
en faveur de ceux qui ne lui offrent pas les
garanties de soumission absolue qu'il exige de
ses élus.
Nous lisons dans une Lettre médicale sur la
Hollande adressée MM. les membres de la
société de médecine de Gand par M. Joseph
Guislain, et publiée dans les annales de la société
de médecine de Gand (n° du mois de janvier
p. 74-75) le passage suivant que nous recom
mandons l'attention de nos magistrats com
munaux
J'ai vu beaucoup d'établissements en diffé
rents lieuxje me suis élevé même avec force
contre les abus existants dans mon pays mais
nulle part, excepté peut-être l'ospedaletlo de
Gênesje n'ai rencontré ce que j'ai trouvé
Amsterdam. Après ces affreux séjours, je
rangerai immédiatement l'hospice des aliénés
Ypres, l'hospice des hommes aliénés et celui
des femmes aliénées Liège, deux établissements
S'-Nicolasqui tous n'existent qu la honte
de l'humanité, et la honte deceux àqui incombe
la tâche de les réformer.
MM. les avocats Roussel et Vervoort qui ont
été condamnés deux mois de suspension par
la chambre de la cour d'appel de Bruxelles,
concernant l'affaire des frères Mathieu, viennent
de se pourvoir en cassation l'appui de ce
pourvoi ils ont joint un mémoire justificatif.
On sait que le conseil de discipline de l'ordre
avait émis le vœuque les deux avocats con
damnés se pourvussent en cassation.
Hier matin le 6e escadron du régiment des
guides a quitté la capitale pour aller relever
Alostle 3e escadron de la même arme qui revient
en garnison Bruxelles. La musique du corps
a accompagné l'escadron jusqu'à mi-chemin.
Nous croyons pouvoir annoncer de la manière
la plus formelle que décidément M. Van Yolxem,
ministre de grâce et justice, est promu la di
gnité de comte. Il prendra rang d'ancienneté
immédiatement après MM. Meeus et Coghen.
[Patriote belge.)
On écrit de Bruges 2 avril
Des mendians qui exploitent les campagnes
des communes voisinesont été mis en état
d'arrestation. Leur exigence inquiète ces paisi
bles cultivateursil paraît même que des vols
hardis de comestibles ont été signalés. Après
tout ces pauvres gens garotlés et escortés de la
maréchaussée excitent la commisération publi
que. Leurs moyens d'existence se bornent ex
clusivement au gain de leurs dentellièreset
cependant la vie est excessivement chère en
ville. La viande se vend raison de 6 sous la
livre, les pommes de terre au marché 82 sous
le sac de Bruges et le pain 28 cent, le kilo.
On écrit de Mons 2 avril
Le nommé Descamps, condamné la peine
de mort, par la cour d'assises du Hainaut, pour
Feuilleton «lu Progrès.
CORNELIE DAVESTAN. [Suite et Jin.)
II.
Pour la parfaite intelligence de ce récit, il est nécessaire de
remonter plus haut et de faire connaître les circonstances peu com
munes qui accompagnèrent la chute de Cornélic.
Comme je l'ai dit, elle vivait dans une entière solitude, éloignée
des plaisirs du monde; mais cet isolement même dont elle s'entou
rait ne servit qu'à nourrir et développer les germes de la profonde
exaltation qui tourmentait son àrne. Une femme du caractère de
Cornélie ne pouvait demeurer étrangère ces passions ardentes, qui,
presque toujours, tombent cil partage aux cœurs les plus fortement
trempés.
Dans les dispositions d'esprit où elle se trouvait, la moindre
impression, la circonstance la plus indifférente en apparence,
devaient tracer une nouvelle marche, découvrir un nouveau but
cette existence jusqu'alors calme et inactive.
Dans ses longues heures de rêveries, livrée aux visions fantas
tiques de son imagination, elle-même, sans le savoir, préparait ses
sens l'accomplissement des désirs fiévreux dont ils étaient agités.
Pendant l'hiver de 1828, par une de ces belles journées, si rares
cette époque de l'année, Cornélie longeait paisiblement le boulevard
des Capucines, heureuse de rencontrer au milieu de la foule
bruyante, le mouvement et la distraction bannis de sa retraite.
Elle respirait avec joie cet air imprégné des parfums qu'exha
laient les élégantes parisieuues, heureuse de se trouver un instant
confondue parmi ce monde brillant, lorsquelle s aperçut qu un
jeune homme la suivait obstinément, s'anétant quand elle s'arrêtait,
marchant quand elle marchait. Ennuyée de cette obsession, et
espérant se débarrasser enfin de limportun, elle se décida traverser
la chaussée pour gagner le côté opposé des boulevards tout-à-coup
un équipage lancé au grand trot de deux chevaux vigoureux, dé
bouchant de la rue Cauinartin, allait infailliblement écraser
Cornélie lorsqu'une main nerveuse la saisit violemment par la cein
ture et l'arracha avec un rare bonheur ce danger imminent.
Ceci dura une seconde le temps nécessaire l'éclair pour briller
et s'évanouir.
Le sauveur de Cornélie était l'importun qu'elle avait voulu fuir,
et qui, décidé la vaincre en obstination, avait traversé la chaussée
en même temps qu'elle, et s'en trouvait ainsi assez rapproché pour
la sauver du péril qui la menaçait.
Cet homme n'était autre que* monsieur de Belleyille. Il fit
avancer une voiture de place y déposa Cornélie que le saisissement
avait privée de toute énergie, et dit tout bas au cocher Barrière du
Roule. Il se plaça ensuite auprès de la jeune fille, et le fiacre partit.
Monsieur de Belleyille était un de ces jeunes gens de famille,
élevés dans le désœuvrement, mariés ensuite par convenance, et
promenant leur oisiveté partout où il y a quelque triomphe facile
obtenir, quelque scandale recueillir.il était beau et présomptueux,
c'est plus qu'il n'eu faut pour réussir auprès de bien des femmes.
Comme quelques hommes mariés du grand monde, il possédait
une petite demeure élégante située hors Paris. C'est là qu'il con
duisit Cornélie. Tout homme délicat éprouve une répugnance in
stinctive entrer dans les détails de ces vils moyens que les séduc
teurs de profession mettent si habilement en usage. Les promesses,
les sermentsles paroles et les caresses, dont l'effet est d'avance
froidement calculétels sont les prestiges dont s'entourent ces
vulgaires amants, et disons-le de suite, c est ainsi que la pauvre
Cornélie, ignorante du monde, cédant au fatal entraînement de
passions d'autant plus violentes qu'elle les avait longtemps nourries
sans objet, se trouva dans celte situation horrible d une femme qui
comprenant la noblesse, l'élévation de ses penchants, comprend
aussi l'abaissement dans lequel l'a plongée un homme indigne de la
posséder.
Pour apprécier sa juste valeur le cœur de son amant, Cornélie
lui avait caché sa position et son origine véritable.
Nous avons vu comment elle en fut récompensée et quelles furent
les suites de ses aveux. Maintenant l'on concevra aisément, com
ment, trompée dans toutes ses espérances, dans ses plus chères