JOURNAL D'YPRES UT DE L'ARRONDISSEMENT. 4r8 ANNÉE. - N° 104. JEUDI, 28 AVRIL 1842. INTERIEUR. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour le3 autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progrès paraît le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. YPRES, le 27 Avril. Un parti politique qui, en France, depuis la révolution de juillet, était tombé dans la plus complète impuissance, tend renaître de ses cen dres. Les membres du clergé français refoulés de l'arène politique*par la catastrophe de 1830, laquelle ils avaient si puissamment contri bué parleurs prétentions exorbitantes s'étaient jusqu'ici conduits en clignes ministres de la religion catholique. Entiers leur mission di vine, l'esprit religieux de jour en jour prenait plus d'empire sur le peuple. Le succès de celle conduite sage et prudente semblait les récom penser amplement de la perte du pouvoir politique. Après onze années d'une complète abnéga tion les dispositions du clergé français se sont sensiblement modifiées. Lui aussi, maintenant, prétend arriver la domination de la France et au renversement de ses libertés publiques. Les lauriers cueillis par nos prélats ont excité l'émulation des évêques français. La lutte est organisée, un système de calomnie et de dénigrement est mis en œuvre pour ruiner dans l'opinion des catholiques, l'université de France et ses professeurs qui par leurs talents font la gloire de leur patrie. Le renversement de celte forte organisation et de cette unité de l'instruction publique, est surtout le but des attaques des organes de ce parti. Sous prétexte de reclamer la liberté de l'enseignement inscrite dans la charte, il tend au monopole; c'est l'aide de cette liberté et du pouvoir religieux dout il dispose, qu'il croit pouvoir étouffer toute concurrence et façonner son gré les générations naissantes. Qu'on nous permette de rappeler, qu'avant 1830, la liberté de l'enseignement était la plus hautement invoquée par le parti catholi que. Alors on détestait le monopole et pour cause. Le clergé belge était trop adroit pour démasquer si vite ses projets. On ne demandait alors que la liberté et la libfe concurrence pour tous. Qu'en est il arrivé cependant? Que partout le parti catholique a organisé un système d'en seignement lui, et que parses intrigues il a em pêché l'état d'en élever un qui puisse soutenir la concurrence. Quelques provinces et communes, indignées de cette incurie du gouvernement, et de la législature, ont fait les plus grands sa crifices pour ne point laisser tomber l'enseigne ment tout entier entre les mains du clergé; mais ce n'est que dans quelques localités qu'une pareille lutte existe, et encore paraît-elle si fort craindre nos adversaires, que tous les moyens, même l'abus des choses les plus saintes, sont mis en usage pour nuire aux établissements communaux. Excités par les succès du clergé Belgeles évêques français ont adopté la même tactique. Partout on sème la discorde et, comme au beau temps de la ligue, on tâche d'allumer les torches du fanatisme. Quelques évêques, même, n'ont point dédaigné de suivre l'exemple de l'évêque de Liège ils ont entrepris une polémique avec les journaux. Les hommes les plus distingués par leur savoir et leur caractère y sont traités d'impies et d'athées, dire ordinaire de ces mes sieurs de ceux qui ne sont point assez souples pour sacrifier leurs convictions leur pouvoir. Ceux qui prennent la liberté grande de ne point être de leur avis sur quelque matière que ce puisse être, sont désignés ainsi et s'en consolent. Qu'on ne pense point que les organes du clergé français se permettent ces sorties violentes dans l'intérêt du pouvoir politique du parti. Loin de là les entendrece sont les droits violés des pères de famille qui les mettent dans cette sainte fureur. Ils prétendent qu'on ne peut Iinaiter'le choix de parents en matière d'in struction publique, niais alors tous devraient être assez instruits pour pouvoir juger des conditions nécessaires un bon établissement, etassez in dépendants pour ne point se laisser influencer. Or cela nf'existe point et le gouvernement, dé fenseur des intérêts de la société, veille ce que l'éducation soit moralereligieûse et con forme aux lois fondamentales de l'état. Tel est le principe qui dbmine l'organisation de l'in struction publique^ et les parents loin d'y être lésés dans leurs droits, y trouvent une garantie de plus. Cette sollicitude pour les droits des pères de famille est toute de leur intérêt. 11 leur sera bien facile si la liberté illimitée de l'enseigpement est accordée, d'intriguer et de faire jouer les ressorts de la religion afin de forcer les parents leur confier, l'éducation de leurs enfants. Constatons un fait. Partout des chefs ambitieux du clergé soufflent la discorde. 11 y a deux ans, grâce la fermêté du feu roi de Prusse, les ten tatives d'un prélat pour fomenter une insurrec tion ont été rendues vaines. C'est la France son tour qui doit servir maintenant de théâtre une levée de bouclier de la part du clergé. Il s'agit de reconquérir leur ancienne prépondé rance politiquecar personne ne songe leur disputer l'influence religieuse qui leur est maintenue toute entière. Partout l'ambition du parti catholique met le trouble et le désordre dans la société. Il se décore du nom de conser vateur, tandis qu'il pousse la ruine de toutes les conquêtes politiques accomplies depuis cin quante ans. La liberté de la presse et d'examen lui est antipathique la liberté d'enseignement il en réclame le monopole la liberté des cultes il la condamne; l'anéantissement de toute liberté publique est son but. Fcuillclon du Progrès, UN MARI ADROIT. {Suite.} Arnold de D... dout la gaielé était souvent communicative, avait surtout le pouvoir de faire rire Éveline; Frédéric ne pouvait en être jaloux il connaissait trop bien le caractère mesquin de son ami, qui affichait des dehors de luxe, parlant sans cesse argent en traînant les autres la dépense, mais en faisant pour lui-même le moins possible; chez d'aussi jeunes gens, l'avarice naît de la séoheresse du cœur; mais vain et présomptueux, il osa rêver une bonne fortune; fier de l'aocueil bienveillant que lui faisait Éveline, il se vanta d'être sou préféré, déjà même il se faisait un point d'honneur de réussir. A quelques jours de là, un bal magnifique avait lieu chez Mr le duo d'A...; depuis le matin Éveline s'occupait de sa toilette; voir l'étude qu'elle y mettait, on pouvait pressentir qu'elle voulait être, belle; mais belle tout éclipser ce soir là. Pendant ce temps Frédé ric se morfondait au sénat; il rentra chez lui comme on y remettait un bouquet pour madame la comtesse, et, avec stupéfaction, il recon nut la livrée étriquée d'Arnold dans un premier mouvement de jalousie, le comte saisit le bouquet; mais il se calma aussitôt, car il savait que la violence ne peut amener l'amour. Qu'on remette ce bouquet madame, dit-il, et appelant son valet de chambre Jean, fit-il, venez m'habiller. A peine furent ils seuls, que Frédéric ordonna cet homme de confiance de courir la ville, d'acheter tout prix les fleurs les plus rares et les plus belles, et de ne rentrer l'hôtel qu'avec un bouquet magnifique. Sa toilette finie, le comte alla réjoindre Éveline qui était déjà descendue au salon elle avait la main le malencontreux bouquet, qui faisait contraste avec la parure si riche, si recherchée de la com tesse; bientôt on lui en apporta un secoud, sa surprise fut égale sa joie la vue d« ce magnifique bouquet; elle s'en empara sans s'inquiéter de la main amie qui le lui envoyait, et rejetta loin d'elle le bouquet qu'Arnold lui avait envoyé; Éveline savourait longs traits le parfum suave de ces fleurs, aussi fraîches qu'elle, les nommant toutes par leurs noms; avec cette joie qui tient de l'ange et de l'enfant, elle força son mari de les admirer avec elle; que n'aurait-il donné dans cet instant pour en être deviné! Comme toujours, la jeune comtesse, aussitôt sou apparition au bal, fnt entourée dune foule empressée solliciter une valse, une contredanse; Arnold s'approcha vivement, mais il demeura stupé fait la vue du bouquet; aussi dans l'intention bien évidente d'embarrasser la jeune femme, il lui fit force compliments sur le choix des fleurs. Éveline croyait que le bouquet venait de lui, aussi elle répliqua avec assez d'assurance. Eh bien, Monsieur Arnold, vous ne croyez peut-être pas si bien dire; car vraiment j'ai eu le choix, et vous me taxeriez de mauvais goût si j'avais un instant hésité a prendre celui-ci. Le hasard ayant mis au courant de cette petite intrigue le cheva lier de L'Aigle, il s'était doucement approché d eux comme s'il ne voulait qu'éveiller l'attention d Éveline. Oh madame, fit-il, je proclame trois fois heureux, celui qui vous a fait agréer avec tant de plaisir ce délicieux bouquet; et des yeux il chercha dans la foule le mari trop heureux de cette belle jeune femme. Éveline suivit le regard, le comprit et se mordit les lèvres d'avoir eu aussi peu de perspicacité un regard reconnaissant et presque tendre récompensa Frédéric; il s'approcha d Éveline. Merci, lui dit bien bas la jeune femme. Merci mon ami. Frédéric était heureux, il comprenait tout le succès de sa petite ruse; Arnold s'était rendu ridicule,et le ridicile tue tout. Maladroitement madame de Cardon vint interrompre ce doux tête-à-tête;c'était une de ces femmes connues dans le monde pour leur esprit et citées pour leur légèreté; c'était l'amie la plus perni cieuse que put avoir Éveline, entourée qu'elle était sans cesse d'un escadron d'amoureux atleutifs. Ce même soir Arnold humilié du ridicule dont il venait de se couvrir, s'attacha cette femme. Madame de Cardon flattée de ces hommages, eu fut si joyeuse, qu'elle ne manqua aucune occasion de le faire valoir et de

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