JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 2 JUIN 1842.
Feuilleton du Progrès.
2e ANNÉE. - N° 114.
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INTERIEUR.
YPRES, le 1" Juin.
La réaction qui menace nos institutions prend
de jour en jour de plus larges proportions. Le
parti clérical est décidé remettre tout en
question. La constitution les lois organiques
sont exposées être changées au gré de son
ambition.
Ainsi se trouve vérifiée la prédiction d'un an
cien membre du congrès. Il annonçait que dans
un avenir peu éloigné la constitution pourrait
être révisée dans un esprit totalement opposé
celui qui en avait dicté les principales dispo
sitions.
Ce n'est point encore la constitution qu'on
cherche modifier au profit du parti clérical.
Mais les changements de la loi communale qu'on
est la veille de voter, tendent placer les
communes sous le joug du parti qui jusqu'ici
n'a pu parvenir les dominer. Une plus longue
expérience de cette loi lui semble craindre et
rendrait son empire impossible. Aussi rien n'est-
il négligé pour faire adopter les nouveaux pro
jets pendant cette session.
Il est difficile de ne point être convaincu
par ce que nous voyous depuis quelque temps,
que la situalion actuelle du pays est le résultat
d'un plan combiné par les chefs du parti clérical.
Sa marche envahissante, ses empiétements con
tinuels sur les libertés publiques doivent faire
sentir, que depuis longtemps le projet avait été
formé, d'arriver par lalibertéà l'asservissement
complet de la Belgique.
La position que la révolution de 1830 a faite
au clergé, est si belle qu'on a été tenté d'en
abuser. Bien n'agite plus les hommes que l'am
bition et l'espérance. Le clergé voit devant lui
une belle proie saisir. En apparence elle ne
paraît lui opposer aucune résistance. D'un autre
côté l'espoir de voir renaître sa splendeur
passée et de resaisir son ancienne puissance
politique ne l'aiguillonne pas moins.
Voilà qui explique comment après avoir
exigé une constitution libérale, on est entré
dans une ère de réaction qui sera fatale au
pays-
Si le parti clérical avait la moindre prévoy
ance et surtout une connaissance plus intime
de l'esprit du siècle, il devrait sentir que, dans
une époque peu éloignée, ces mêmes lois or
ganiques qu'il attaque avec tant d'acharnement,
seront sa seule sauve garde. Elles pourront
seules lui conserver sa position acquise, si toute
fois une puissance quelconque puisse la lui
conserver.
Jamais au moins l'ambition n'aurait dû le
pousser menacer les bases fondamentales de
notre nationalité Ce parti, par ses éléments et
son caractère, doit être conservateur plus que
tout autre et cependant c'est lui qui bat en
brèche nos inslitutions si laborieusement édi
fiées.
Dans tous les pays constitutionnels, les lois
organiques ont élé acceptées comme presque
immuables. Ce n'est que quand la société est
changée de face par une longue succession de
sièclesque la nécessité d'une pareille révision
se fait sentir. L'instabilité dans les lois d'un pays
est souvent une cause d'anarchie et de ruine.
Là où il existe un pacte fondamental et des
lois organiques, ce n'est qu'avec une extrême
réserve et quand la nécessité s'en fait sentir
d'une manière impérieuse, qu'on touche lédi-
fice constitutionnel. Sans nécessilé et rien que
pour satisfaire les passions de quelques chefs
ambitieux et insatiables d'honneurs et de pou
voirs une assemblée de députés de la Nation
lacéreront eux-mêmes la charte des libertés
du pays.
Si les nouveaux projets de loi sont adoptés,
cet antécédent pourra être invoqué contre le
parti clérical, quand le temps de revers politi
ques sera arrivé pour luiet quel est le parti
qui en est l'abri
On n'oubliera pas que quand le vent du
pouvoir donnait dans ses voiles, il a oublié
sous des prétextes futiles le pacte solennel
lement juré.
Prenez garde qu'on ne lance cette menace
.qu'un orateur d'un pays voisin a laissé tomber
.du haut de la tribune Vous faites notre
éducation politique, une autre fois nous ne serons
plus aussi faciles.
CHAMBRE DES KEPRÉSENTANTS.
La discussion des projets de loi destructifs de
nos franchises communales continue. MM. Van
den Bossche David et De Decker ont pris la
parole contre les projets de la section centrale.
Mais aucun n'a mieux exposé les dangers qui
menacent nos libertés que l'honorable M. Ver-
haegen. Dans un beau discours improvisé qui a
duré deux heuresl'honorable représentant a
exposé les vicissitudes des communes et a
prouvé, que jamais elle n'ont fait volontairement
l'abandon du droit qu'elles ont possédé de, temps
immémoriald'élire leur bonrgflMwtoe.
MM. DeBriey, De Garcia, Desmetet Dechamps
sont venus en aide au ministère, pour soutenir
les modifications proposées. Remarquons bien
que c'est la première fois que les députés de
certain côté de la Chambre daignent prendre la
parole, pour appuyer des dispositions législatives
d'un intérêt vital pour le parti clérical. Deux
de ces honorables membres MM. DesmetI et
Dechamps. en 1836, trouvaient que demander
la nomination des bourgmestres en dehors du
conseil, était le comble de l'absurde et adju
raient le ministère de ne pas soutenir cette pré
tention. Maintenant ils se trouvent dans les
rangs de ceux qui appuient les modifications.
Eu 1836, le parti clérical se croyait sûr de
dominer les communes: mais les électeurs en
ont décidé autrement. Voilà ce qui explique
cette sollicitude pour les intérêts du pouvoir
centralqui marche maintenant son gré.
Des discours prononcés en faveur des projets
de loiil résulte que tous les intérêts ont été
UNE SOCIÉTÉ DE COMMUNISTES EN ANGLETERRE.
L'état social moderne n'est que misère et oppression, il renferme
toutes les douleurs, toutes les infamies! Les richesses et les
jouissances qu elles procurent, forment le partage d'une faible partie
de la société, tandis que le plus grand nombre des hommes ne
parviennent gagner, qu'au prix des plus pénibles travauxun
salaire suffisant pour se procurer une nourriture grossière, des
vêtements en haillon et une habitation misérable et iufeote!
L'égoïsme de ceux qui possèdent, tend conserver cet ordre
social si déplorable
Les gouvernants eux-mêmes f loin de chercher remédier cet
état de choses, abandonnent les classes inférieures au dernier dégré
d'ignorance et d'abjection, car ils savent bien que plus elles seront
abruties et dégradées, moins elles comprendront leur infortune, et
plus il sera facile de les exploiter et de les opprimer
Telles sont en partie les plaintes amères auxquelles s'abandonnent
chaque jour des moralistes moroses. Elles formes également le
tbéme favori de bon nombre d'hommes déchus de leurs espérances,
entravés dans leurs désirs ambitieux, elqui comptent, au moyen d'un
bouleversement général, se procurer une existence plus heureuse.
Ces hommes, daus leur haine aveugle contre l'état social actuel,
dont l existence compte tant de siècles, se bornent signaler les
plaies qui rongent l'humanité, et ne parlent point des grandes
choses que notre sociétési méprisée par euxa produites.
Il est remarquer du reste que l ou rencontre un grand nombre
de persounes disposées lancer l'analhême contre lordre des
choses existantes, tandis que bien peu proposent des remèdes propres
l'améliorerj il en est cependant qui ont entrepris cette tâche.
Fourier en France, Owen en Angleterre ont établi de huilantes
théories où sont développés les plans d'une nouvelle organisation
sociale.
D'après leur système, l'homme jouira de toutes les satisfactions
dont il est privé aujourd'hui Uue honnête aisance lui sera assurée
eu récompense d'un travail selou ses goûts et son aptitude.
L'égoïsme et toutes les passions qu il entraîne seront jamais
bannis de la terre. Les passions humaines ne seront développées et
utilisées qu'au profit de la société en général. Chaque homme
concourra par son travailpar son talent au bonheur universel. Les
systèmes de ces novateurs présentent au premier aspect quelque
chose de séduisant et le but qu'ils se proposent est noble et géné
reux mais atteindra-t-on ce but en suivant ces plans de réforme
hardis? Voilà ce que chacun se demande eu lisant les publications
où l'on traite cette grave question sociale.
Létat de notre civilisation offre certainement bien des défauts.
L homme en naissant renferme dans son sein le germe de nom
breuses passions que l'éducation tend plutôt développer qu'à
étoufferMais ces passions on ne doit pas l'oubliersont eu même
temps la source des plus grandes choses, et elles nous procurent des
jouissances morales qui seront compensées difficilement par le
bonheur matériel tant proué par les partisans des nouvelles doctrines.
Quoique l'on puisse en dire, la société établie sur les bases
actuelles est en voie de progrès et de perfectionnement. Le sort de
la classe moyeune dans plusieurs étals de 1 Europe s'est considéra
blement amélioré depuis un demi-siècle. Cette classe gémissait
autrefois sous le joug de la plus odieuse oppression j elle est
aujourd'hui en possession de tousses droits, libre de toute entrave
abritée par des lois protectrices qui sont les mêmes pour tout
le monde.