JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2" ANNÉE. N° 117.
DIMANCHE, 12 JUIN 1842.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
HÉ5
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YPKES, le II Juin.
En présence de l'adoption de la loi modifiant
l'organisation communale, le doute n'est même
plus permis. Le parti clérical ne se contente
plus de fausser nos institutions conquises en
1830, par des menées sourdes. C'est la tête levée
que la réaction s'opère. Ceci n'est encore qu'un
essai, qui a réussi grâce au grand nombre de
représentants, qui ont abjuré leurs principes
d'autrefois sans autre motif, que celui de con
courir servilement satisfaire les passions
d Un parti anti-constilulionnel.
Cependant malgré celte preuve irréfutable
des projets du parti clérical, quelques personnes
en blâmant ce qu'elles appellent une impru
dencetâchent d'en atténuer les effets. Elles
représentent le parti libéral menaçant les li
bertés des catholiques et affectent de craindre,
qu'arrivé au pouvoir les intérêts religieux ne
soient lésés par lui. Voilà les raisons alléguées
pour excuser la conduite du parti clérical. Ce
sont là des calomnies que nos adversaires
peuvent répandre, mais qui ne sont point ap
puyées sur des faits. Il n'y a point de si mau
vaise cause qui ne trouve un déloyal défenseur.
II ressort de l essence même des deux partis,
que ces tendances attribuées aux libéraux sont
fausses. Quon examine de quels éléments les
partis qui scindent si profondément le pays,
sont composéset on aura la preuve que
loin d'être intolérante et persécutrice, l'opinion
libérale a toujours été sur la défensive. Si quel
ques excès ont autrefois souillé ses conquêtes
politiques la faute en appartient en grande
partie ses ennemis.
Dans le parti clérical nous trouvons les chefs
parmi les membres du haut clergé qui abusent
de leur influence religieuse, pour accroître leur
puissance temporelle. Imbus des principes ul-
Iramontains, nos évêques prétendent soumettre
le pouvoir civil au pouvoir spirituel. Ce but est
avoué; il s'agit de dominer et de diriger la
société. Lecorpsleur avis, doit être soumis
rd/ne et l'âme doit leur être soumise.
D'un autre côté, le clergé quoique jouissant
de prérogatives très-élei#ue.s, n'a plus ces ri
chesses et ce pouvoir dont il disposait, il y a
ciuquanle ans. C'est cependant le retour de ce
passé impossible que les évêques de Belgique
ont rêvé. Four y parvenir les intérêts de la re
ligion sont comptés pour rien et sacrifiés. C'est
là l'aiguillon qui les anime. Le succès peut
pendant quelque temps favoriser leurs entre
prises, mais jamais elles ne réussiront au gré de
leurs désirs.
Les liens religieux deviennent de jour en jour
plus relâchés. En intervenant dans les débats
politiques, le clergé tend de plus en plus dé
truire ce sentiment de respect qui l'entourait
jadis. A combien de mensonges et de calomnies
n'a-t-il pas dû recourir, pour acquérir celte
iuflupncc politique Que de fois n a-t-il point
dû sacrifier sa dignité pour la conserver? Ce
corps si bien uni quand il s'agit de dogmes
religieux, ne présente plus cette même unité,
quand on veut détourner les prêtres des de
voirs du sanctuaire, et leur faire quêter des
suffrages pour l'élu de l'évêché.
La force principale du parti clérical gît dans
l'exploitation des idées religieuses au profit des
intérêts mondains. Mais lusage qu'on en fait
fera perdre aux idées religieuses leur empire
sur le peuple et étendra encore cette indiffé
rence que tous les partis s'accordeut déplorer.
Dans ses entreprises contre les libertés pu
bliques le clergé a trouvé dans la haute no
blesse un utile auxiliaire. Une belle position
politique perdue tout jamais, seinble toujours
exciter des regrets parmi cette fraction du parti
clérical. Toujours elle a été vue dans les rangs
de ceux qui soutenaient l'arbitraire. Le système
électoral, base du gouvernement de 1830, pa
raît surtout lui être antipathique.
Ces sentiments ont été habilement exploités.
On a fait sentir la haute noblesseque la
clergé ayant réussi acquérir une grande in
fluence sur le peuple des campagnes, elle
devait s'unir lui qu'alors ils auraient taché
dé reconstruire l'ancien régime avec ses corps
politiques du clergé et de la noblesse, les dîmes
et les privilèges. Que telles ne soient les
tendances du parti clérical, nul n'en peut dou
ter. Les arrêtés sur la chasse le choix des di
plomates sont là pour les démontrer.
A ces deux éléments du parti clérical se joint
un dernier. C'est celui des hommes d'affaires
mot nouveau qui désigne les ambitieux de
toute espèce qui ont soif des places et des hon
neurs. Le parti clérical leur paraît avoir la
prépondérance c'est donc lui que leurs ser
vices sont acquis. Mais c'est la fraction la moins
dangereuse. Si le vent du pouvoir venait
changer, ces hommes d'affaires n'auraient rien
de plus pressé, que d'abandonner ceux dont ils
ont reçu des bienfaits. Encore heureux s'ils ne
tournent point contre leurs protecteursle
pouvoir dont ils ont été investis.
Tels sont les divers élémens du parti qui
combat le libéralisme. Nos luttes du moyen âge,
nos luttes récentes ont eu toutes pour cause pre
mière des prétentions semblables celles
qu'on affiche maintenant. Tous les peuples
dévoués leurs franchises et aux libertés pu
bliques, ont dû lutter contre le clergé et la
noblesse. Le parti libéral sans organisation,
basé simplement sur une communauté d'opi
nions, a tenu tête pendant des siècles, au parti
qui disposait des richesses, des forces et des
idées religieuses et n'a jamais été détruit
Qu'on ne se laisse donc point abattre par
ce que ceux qui toute liberté est antipa
thique, tiennent actuellement les rênes du
gouvernement. Luttons avec courage. Nos
ancêtres pour conquérir les libertés, dont nous
M. ROYER-COLLARD. - LETTRE A UN BERLINOIS.
(Suite et Jin.)
Des amis un peu imprudents ont comparé le style de M. Royer-
Collard celui de Pascal je lui trouverai plutôt quelque analogie
avec celui de Nicolle. Il y a dans Pascal une indépendance et uue
hauteur de pensées qui dépassent les proportions du puhliciste
contemporain. Dans so® scepticisme, dans soncomhat pour conquérir
la foi, dans sa douleur de n'en pas goûter tous les charmes, Pascal
est parfois un poète aussi audacieux que Byron on peut surprendre
chez lui uue mélancolie effrénée, qui passe par-dessus le christia
nisme pour se plonger dans un désespoir sans bornes et sans rivages.
Mais Nicolle est incapable de pareils écarts: sobre et modeste,
doué d une sagacité exacte, animé d'uue résignation régulière, il ne
dépasse jamais Ihorison auquel ses yeux sont accoutumés; pas
d'élan de curiosité chez Cet excellent janséniste, pas de pétulance
d'imagination, pa^d'éclats de douleurs ou d'enthousiasme il che
mine dans U vie et dans ses livres avec uue monotonie qui est pour
lui une affaire de oonscienoe. Cést avec Nicolle que je trouve
M. Royer-Collard plusieurs traits de ressemblance, et je ne serais
pas éloigné de croire qu'il ne se croit formé l'école du jansénisme
de Port-Royal.
Voilà qui pourrait expliquer combien peu ce puhliciste a compris
la révolution et l'empire; il n'a vu passer qu'avec une humeur
chagrine tant de scènes et d'acteurs, de catastrophes et de victoires;
l'histoire de nos dernières quarante années n'a été pour lui qu'une
interruption malencontreuse et irrégulière de la légitimité, Napoléon
qu'un usurpateur de mauvais ton des droits de Louis XVII l. Pas
davantage, M. Royer-Collard ne semble adhérer au mouvement
social dont il est le spectateur. 11 s'écrie tristement Assez de ruines,
sans entrevoir pourquoi ces ruines. L'esprit nouveau qui souille
autour de lui l'impatiente et l'irrite; il s'écrierait volontiers
cette jeunesse pétulante Que voulez-vous donc, générations jeunes,
impatientes et folles? Vous voulez marcher encore, mais nous
sommes las, et d'ailleurs nous sommes arrivés. Venez tranquillement
vous asseoir côté de vos pères. Que tous se reposent soyez raison
nables et sages; laissez-nous faire et laissez-nous dire, alors tout
ira bien.
Mais, monsieur, cette jeunesse est assez imprudente pour ne pas
écouter ce conseil elle respecte l'âge et le talent; elle se souvient
des services rendus, mais elle ne se croit pas solidaire des destinées1
d'un système inièrite, épuisé. Esl-ce la faute des générations nou
velles si elles ne trouvent leurarrivéeque des tentes éphémères que
les tourmentes du siècle ont mises en lambeaux, et si elles sont
obligées de se demander entre elles où est le ciment pour construire
un édiffee qui puisse abriter au moins les enfants de nos enfants
Vous devez surtout être frappé, mousieur, de la stérilité
laquelle vient aboutir là^carrière philosophique de M. Royer-Collard.
Pas un ouvrage, pas même uue tentative une oolleolion peu nom
breuse de discours politiques qui nous offrent saus doute de belles
pages, mais où domine une métaphysique fastueuse, étroite, et
quelquefois un peu pédantesque ce n'est pas ainsi qu'on parvient
imprimer un mouvement, jeter l'ancre dans son siècle.
MRoyer-Collard, dans son discours l'académie française, dit
qu'il a reçu avec reconnaissance la faveur qu'elle lui a. accordée,
faveur que Bossuet et Montesquieu ont recherchéeMai^ Bossuet et
Montesquieu, qu'il était au moins imprudent l'orateur de rappeler,
ont laissé quelque chose, ce me seinble: l'un a été-le soutien et