JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
28 ANNÉE. N° 118.
,.W.
JEUDI, 16 JUIN 1842.
fractionnement des collèges
électoraux.
Feuilleton du Progrès
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INTERIEUR.
YPRES, le 15 Juin.
Admirez avec nous la subtilité et le machia
vélisme du parti clérical. En minorité dans
toutes les communes éclairées, il vient de mettre
au grand jour ses passions haineuses contre le
système représentatif, qui ne lui donne pas la
faculté d'asservir le pays tout entier. Son chef,
M. de Tlieux. vient d'inventer le moyen de
donner la prépondérance aux minorités, en
fractionnant les collèges électoraux.
En majorité la Chambre des représentants,
au Sénat et dans presque tous les conseils
provinciaux, ayant un ministère lui dévoué,
il ne manquait plus au parti clérical que de
réduire sous le joug quelques grandes villes,
qui avaient l'outrecuidance de ne point vouloir
se soumettre aux exigences de la faction. Im
puissant pour atteindre ce butle parti
clérico-ministériel vient de demander la
législature, de consacrer une iniquité politique
telle, que de longtemps nous n'en avons vue
présenter de semblable.
Quels seront les effets de cet amendement?
Un simple calcul va nous l apprendre Supposez
une ville qui possède600électeurs. Qu'on divise
ce collège électoral en quatre sections de 150
électeurs, majorité 76. Des nominations favora
bles an parti clérical dans trois sections suffi
ront pour lui donner la haute rnain dans le
conseil de la commune, et de celte manière
%2U électeurs feront la loi 600.
Ce n est point encore tout. Une multitude de
combinaisons diverses peuvent faciliter la pré
pondérance de la minorité. Les électeurs ne
doivent point être repartis en nombre égal dans
les différentes sections. Un quartier d'une ville
peut être forcé de voter avec un autre, sans
avoir aucun contact avec le premier. Les élec
teurs éclairés peuvent être dispersés dans les
diverses sections, de manière n'avoir aucune
influence sur le sort de l'élection.
Comment et par qui ces sections seront-elles
délimitées? L'auteur de l'amendement a dit
qti on prendrait les divisions existantes. Mais
dans nn grand nombre de villes, il n'en existe
point. El rien n'est fixé, tout est laissé l'arbi
traire, non de la dépulation permanente, mais
du ministère, td est, du parti clérical.
Nous ne pouvons comprendre comment une
telle proposition a pu être discutée sérieuse
ment. Un immenseéclatderireeutdû l'accueillir
la première lecture, jtien en effet ne peut
être plus nuisible la bonne administration des
villes, que d'encourager les rivalités de quar
tiers. Désormais toute.grande entreprise de
viendra imposs ble, car tous les élus en revendi
queront l'avantage, pour la section qui les a
nommés. Aucun conseiller ne voudra voter les
fonds d'un ouvrage public, fut-il d'un immense
avantage pour la généralité, du moment que
son quartier n'en aura point de bénéfice.
Et cependant M. De Theux assure gravement
que ce changement est nécessaire, dans l'intérêt
d une bonne administration communale!
Le parti clérical n'ose point encore dévoiler
toute sa pensée, a Cet amendement, dit-il. n'a
d'autre but, que celui de parvenir une
représentation plus équitable de toutes les
opinions d'une ville, au conseil communal.
Ceux qui ont été nommés sont trop exclusifs
et la majorité froisse trop gravement les inté-
rêts des minorités.
Ce sont là des accusations qui n'ont point
le moindre fondement. Ici dans le conseil
communal, que les organes cléricaux veulent
faire passer pour exclusif, jamais les droits de
la -minorité n'ont été froissés. Tous nos con
seillers communaux doivent être rangés dan»
cette chasse d'hommes modérés, mais ferme»
qui n'ont jamais sacrifiés les intérêts de la
ville, ni ceux de leurs concitoyens, aux passions
politiques. Mais aussi ils n'ont jamais eu de
lâches complaisances, pour ceux qui veulent
tout envahir.
Le comte de Mérode a été plus loin. Il s'est
plaint de ce que la religion ne faisait point la
base de leducation dans les établissements
communaux. Mais qui la faute? On ne de
mande pas mieux. Le clergé qui adresse ce
reproche aux institutions communales, en est
seul la cause. L'autorité religieuse, dans un but
facile comprendre, refuse des ecclésiastique»
pour y enseigner la religion.
On veut donc détruire les établissements
d'instruction laïques, pour les placer sous la
dépendance du clergé. Mais cela ne pourrait
avoir lieu, que quand le parti clérical aurait
la majorité dans le conseil communal et c'est là
le but du comte de Mérode et de ses acolytes.
On met en avant la désunion et l'inimitié qui
divisent les habitants des communes. Mais cette
inimitié ne consiste que dans le dépit et l'envie
du parti clérical, de sentir qu'il ne peut réussir
maîtriser les populations libérales des villes.
Mais croit-on faire cesser les haines et l'inimitié,
en donnant la minorité la faculté d'imposer
ses volontés la majorité? Les gouvernement»
où les minorités dominent, sont qualifiés de
despotiques et de tyrauniques. Et c'est ce sys
tème qu'on veut faire prévaloir?
L'ART DE PARVENIR.
I.
C'est une belle et confortable chose que l'amitié.
Cicehon.
Ouf, j'éloufFe, s'écria Jules du Lac, en entrant chez sou ami,
Victor d'Orgy j arrive fiaucélrier depour ne plus eniendre
parler d'éler. lions, d éhcteuis croirais-tu, ictor, quonveutine
nommer bourgmestre parce que ma taule vient de douuer dix
mille francs pour 1 érection d'une école gardienne.
Et tu t'en plains vraiment
Oui, oui, toi, Victor, tu ignores la foule de charges qui
pèsent sur un bourgmestre de village; mais c'est une vraie corvée;
■pour se faire élire que de courbettes ne faul-il point faire devant
©es rustres eudiinauciiés, que de poignées de mains leur donner....
Tenez, Yictor, j'y renonce, lienqu'àl idée de oes attouchements,
qui «ne donneraient» je crois, une fièvre typhoïde.
Allons donc, Ju es, feras-tu comme la marquise île IL. qui,
obligée de passer un torieut, ne voulut jamais consentir mettre sa
main toute aristocratique dans celle d'un manant; mais elle n'avait
pas fait deux pas sur la frele planche qu'elle roula dans l'abîme.
Elle avait tort assurément, fît Jules, je consentirais au besoin
4e mettre ma main dans celle d'un manant; mais elle serait gantée;
Quitte jeter le gant loin de moi ;je t'avoue mon ami, que la place
de bourgmestre, malgré tout ce que peut- dire ma laute, ne me
vaut pas cet ellort.
Heureux Jules, heureux mortel, les houueurs te viennent en
dormant, taudis que moi je m échine courir après et rien ne me
réussitabsolument rien.... L'autre jour, tourmeuté de ma
nullité, je sollicite la place de marguiller de ma paroisse, eh bieu
on ne me nomme pas seulement du conseil de fabriqueAujour-
d hui nous sommes la veille des élections; deux représentants
élire et vrai je ne sais plus quel saiut me vouer pour obleuir une
de ces places.
Les femmes, les femmes, Victor, il n'y a pas de crédit qui vaille
le leur, pourvu qu'ou réussisse a leur plaire.
Eh Jules, soit dit entre nous, tu sais qu elles m'adorent. Tu
connais la bien jolie veuve, madame Hurleuse d'Agouti doul les
beaux yeux promettent tant(et lieu lient si peu, fît Jules...!
N est-elle p«s toute puissante mr les nombreux amis qui l'entourent?
et certes je puis compter sur elle, d'autant plus qu'hier je lui ai glissé
ma déclaration sous la forme d'un sonnet; mais avant île lâcher cet
important billet, je me lis approuver de ses amies, qui me promirent
que la réponse ne se ferait pas allemlre.
Tout eu savourant d'ex clients cigarres de la Havane, nos deux
amis (>a.-saieiit eu revue toutes lesjolies femmes de leurs amis, de leurs
connaissances. M. ictor d'Orgy louait outre mesure celles doul les
maris avaieul le plus d influence dans les élections; Jules, depuis
l'aveu da *QU ami, était devenu silencieux, mais aussi il refoulait au
fond de son âme l'amour naissant qu il sentait pour madame Hortense
d'Agouti, et certes il u'eut point voulu se faire le rival de son ami,
tant la moindre iudélicatesse répugnait son caractère noble et loyal!
Jules avait l'esprit vif et brillant, sa figure assez belle avait quelque
chose de noble qui pouvait séduire; mais il était si léger, si iucon-
stautqu'uue femme eût-elle été douée de mille charmes, belle comme
la Vénus de Médicis, aurait eu fort faire pour s'en faire aimer
six semailles durant. Cependant, il ne pouvait se passer d'elles, il
aimait leur société et la préférait toujours celle des hommes.
Victor également jeune et riche, n'était certes pas inoins beau
cavalier, mais la vauilé seule formait sou caractère, n'agissant jamais
que par ostentation et pour s'élever au-dessus des autres une femme
le regarde et il s'en croit aimé une autre ne le regarde pas et il s'en
croit encore aimé; en un mot, il n'est homme d'esprit que pour les
sots qui l'admirent; mais il n'est qu'un sot pour les gens qui l'évitent.
Tout eu causant le temps marchait toujours et Victor seul animait
la conversation, il faisait des projets, et quels projets? Heureusement
qu'uu valet vint mettre uu terme toutes ces préteutions ambitieuse s;
il lui remit uu billet dout le format, le parfum, décelaient des habi
tudes d'élégance.
Je m'attendais, dit Victor, en ouvraut le gentil billet, que U
répoiLse ne se ferait pas attendre, oh les femmes les femmes! elles
se ress mbleut toutes
Oui, fît Jules, comme les halles de la ville d'Yprès vues de l«
rue de Mtoin, -rassemblant aux halles d Ypre* vues de le eue