J0ERNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 26 JUIN 1842
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INTÉRIEUR.
YPRES, le 25 Juin.
Le triomphe du parti réactionnaire, mérite
surtout d'être vivement déploré pour l'effet
fâcheux qu'il produira sur l'esprit national.
Cette nationalité qui manquait la Belgi
que depuis si longtempsétait le vœu le
plus ardent du pays l'époque de la révolution.
Toujours soumis des souverains étrangers,
notre patrie n'avait point d'existence elle;
aussi prenait-elle part toutes les vicissitudes
qui atteignaient les pays dont les destinées étaient
jointes la sienne. C'est de 1830 que date
notre indépendance et notre existence comme
peuple et c'est depuis lors seulement, que l'es
prit national commença se manifester.
A la révolution tous les partis sentirent le
besoin de le développer. En dotant le pays de
la constitution, le Congrès s'était surtout appli
qué baser nos institutions, sur des principes
tout fait différents de ceux adoptés par un
pays voisin. En tant que possible nos anciennes
garanties furent consultées et l'attachement du
pays ses antiques libertés, fut exploité au
profit des nouvelles.
Le parti cléricalqui alors ne se montrait
point hostile aux libertés publiques, semblait
surtout préoccupé d'une réunion possible avec
la France. Une partie de la Belgique penchait
fortement pour cette union. Elle était invoquée
au nom des intérêts matériels, qui se trouvaient
gravement compromis par la séparation d'avec
la Hollande.
En compensation de ces pertes, le congrès
crût qu'il était nécessaire de donner au pays le
plusde libertés possible. On jeta les fondements
de nos institutions sur des bases très-libérales.
Si nos intérêts matériels périclitaient, au moins
les intérêts moraux du pays étaient améliorés.
Mais la réaction qui marche grands
pas, parait vouloir détruire cette seule et
dernière compensation. Les libertés que nous
avons si chèrement payées, devront-elles tom
ber une une? La constitution et nos lois
organiques seront-elles faussées, au profitd'une
caste étrangère notre nationalité Sommes-
nous deplinés subir la domination abrutissante
de la théocratie
Si telle doit être la destinée de notre patrie,
c'est alors que nos souvenirs se reporteront avec
douleur sur notre situation prospère pendant
la réunion avec la Hollande. Le jour qui vit
naître notre indépendance sera maudit. Cet
esprit de nationalité qui depuis 1830 avait pris
de larges développements, s'évanouira, car
sans libertéil n'y a point d'amour possible
pour la patrie. Involontairement on tournera
les regards vers la France et ce dont peu de per
sonnes ont voulu l'époque de la révolution,
sera alors regardé comme un port de salut.
A l'époque du ministère Lebeau-Rogier, on
n"a point oublié que la presse catholique voulait
faire croire qu'il y avait irritation générale dans
le pays. Il n'en était rien. Les chefs seuls du
parti clérical étaient irrités de n'être plus au
ministère.
Depuis le parti a fait du chemin, le ministère
libéral a été renversé,» un autre a été nommé
pour faire les affaires de la faction cléricale. La
réaction commence, la loi communale se trouve
faussée l'irritation générale se calme. A en
croire les journaux de la faction, tout le monde
est satisfait.
On ne peut convenir plus naïvement de ses
prétentions. Le parti clérical veut non-seulement
que tout soit sa dévotion, mais ainsi que tous
ceux qui prétendent la domination, il ne peut
même concevoir qu'on puisse songer ne pas
accepter l'oppression avec reconnaissance.
Jeudi, 30 de ce mois, aura lieu en cette ville,
un grand concours de pigeons-voyageurs. La
société de l'ÊcIaireur de Noé enverra mardi
prochain en Angleterré, 28 pigeons qui partiront
de Londres pour Ypres le jeudi 30 9 heures
du matin, si toute fois le temps le permet. Il y
aura quatre prix, qui consisteront en 4 belles
médailles d'argent.
Nous ferons connaître au public les résultatsde
ce concours, qui, nous l'espérons, seront heu
reux car déjà ces mêmes pigeons ont été
essayés pjir le retour d'qn voyage de Douvres.
Quelqdés uns en ont fait le trajet en deux
heures et huit minutes. {Communiqué.)
Nous avions annoncé que M. le colonel Duprez
avait été mis en non-activité. C'est avec satis
faction que nous annonçonsque cette mesure
n'a pas atteint cet honorable officier supérieur.
Dans la journée du 22 de ce moisle nommé
Joseph Slevelinck, de West-Roosebeke, étant
travailler chez la veuve Hosle, en cette com
mune, est tombé du grenier terre, s'est frac
turé le crâne et est mort incontinent.
SÉNAT.
Séance du 22 juin.
L'objet l'ordre du jour est le projet de loi
portant des modifications la loi communale.
M. le chevalier Vanderheyden Hauzeur
a la parole l'honorable membre ne voit dans
le projet de loi que discorde dans le présent,
et trouble dans l'avenir. Il déclare ne point
vouloir s'associer cet œuvre de malheur.
M. Dlalou prononce un discours l'appui
de l'amendement de M. de Haussy, qui n'est
autre que le projet primitif du gouvernement.
Si cet amendement n'est pas adopté, l'honorable
membre déclare qu'il votera contre le projet.
(Nous donnerons ce discours.)
M. le comte de Renesseréfute un un tous
les griefs mis en avant, pour justifier les dis
positions de la nouvelle loi. Désormais, dit-il, la
confiance dans la stabilité de nos institutions
FEUILLETON.
SAINT-DOMINGUE.
Un quart de siècle s'est écoulé depuis que la France a perdu la
plus belle de ses colonies. La guerre terrible des esclaves de
Saint-Domingue contre leurs maîtres s'est terminée, il y a trente ans,
par l'expulsion de ces derniers, et on a vu pour la première fois
une société d'Africains constituer un gouvernement d'après les
formes européennes. La révolution française a donné le signal de
la grande catastrophe dont nous rappelons ici le souvenir mais/
avec plus de prudence et de modération, les colons de Saint-Domin
gue auraient pu éviter leur ruine totale et maintenir l'autorité de la
métropole j car c'est moins l'esclavage et au traitement cruel qu'il
entraîne, qu'on doit attribuer la conflagration générale qui a
dépossédé la France, qu'au mépris outrageant auquel les deux
classes d'hommes de couleur étaient en butte. Alors, comme
aujourd'hui, le créole était moins empressé défaire voir qu'il était
né libre, que de prouver qu'il n'avait pas une goutte de sang noir
dans les veines.
L'anarchie, résultat funeste des dissentions civiles, fit tomber
le pouvoir dans les mains d'un enfant des bords du Niger en
vain la France envoya-t-elle des soldats et des vaisseaux pour le lui
arracher j en vain Toussaint Louverture, victime de la plus infâme
trahison, fut-il enlevé la terre qu'il avait pacifiée, pour périr au
milieu des neiges du Mont-Jura; ses lieutenants se chargèrent de
la vengeance. Dessalines, Christophe et Pétion en finirent avec les
blancs; tout ce qui ne put échapper la mort par la fuite fut
massacré ou noyé, et pendant plusieurs années tout Français qui
abordait sur le rivage de cette nouvelle Tauride, était immolé
sans pi lié.
Dès lors les Haïtiens ont suivi un système d'isolement commandé
par leur situation leurs rapports avec les autres peuples sont
purement commerciaux; ils repoussent les voyageurs qui désirent
explorer leur pays dans l'intérêt de la science. D'un autre côté, les
nations américaines évitent autant que possible le contact de leurs
esclaves avec ces nègres affranchis, et l'aristocratie de la-peau, bien
autrement enracinée dans le Nouveau-Monde que l'aristocratie
féodale ne l'était dans l'ancien, se refuse traiter eette société
bronzée ccuime un peuple,libre et indépendant.
Il résulte de cet état de choses une grande rareté de documens
récens sur cette contrée, qui pourraient donner quelque valeur
des notes recueillies au milieu d'une guerre d'extermination et des
ravages de la fièvre jaune deux fléaux qui ont coûté la vie
soixante mille Français et plus de cent mille hommes de couleur.
Celte ébauche imparfaite d'un vaste tableau ne suffirait pas qui
voudrait bien connaître l'île Saint-Domingue; mais elle fera res
sortir l'importance de la plus belle et de la plus fertile portion de
l'Archipel mexicain.
Les abords de Saint-Domingue ont un charme particulier, surtout
lorsqu'on en approche par une belle nuit des Tropiques.
Ce jardin des Hespérides est annoncé par les émanations le
plus suaves, recueillies par la brise de terre sur les orangers et les
autres arbres odoriférans de la côte. Les marins, par prudence
carguentles voiles, et l'on attend le jour avec impatience.
Les hamacs sont déserts chaque passager cherche distinguer
quelque chose dans ce nuage épais qui borde l'horizon il voit
seulement scintiller quelques feux provenant d'une sucrerie ou d'un
défrichement.
A l'aube du jour, le nuage prend insensiblement une forme
terrestre; la configuration des pics fait reconnaître au pilote expé
rimenté le lieu de son atterrage; il se dirige lè long de la côlc
pour atteindre le port désiré.
Bientôt les rayons solaires viennent éclairer ce paysage imposant