JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 122.
JEUDI, 30 JUIN 1842.
FEUILLETON.
SAINT-DOMINGUE. [Suite et fin.)
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INTERIEUR.
YPRES, le 29 Juin.
Quelques orateurs de l'opposition ont éner-
giquement blâmé le ministère d'avoir prêté
son appui un projet de loi qui a fait naître
une irritation générale dans le pays.
M. Nothomb a répondu qu'il ne croyait pas
que cette irritation existât qu'il n'avait vu d e-
moi nulle part: quecette loi lui paraissait utile,
juste, et semblait mériter l'appui du gouverne
ment.
A l'époque de l'irritation générale de la fac
tion, par suite de l'avènement d'un ministère li
béral, le sénat vola uneadresse, pourdemander
au Roi le renvoi des ministres. Alors cependant
les droits des catholiques n'avaient pas été
lésés, aucune plainte n'avait pu être articulée.
Maintenant les lois de la commune sont bou
leversées au profit de la faction cléricale, la loi
électorale se trouve faussée en faveur de la mi
norité catholique, on vient de poser un acte de
défiance l'égard desgraudes villes et le minis
tre de l'intérieur annonce d'un air candide, que
le pays n'a jamais eu lieu d'être plus satisfait.
Mais que prouve donc alors une opposition
de 40 membres, l'élite de la chambre des repré
sentants et celle de la fraction la plus instruite
et la plus éclairée du sénat. Que signifie donc
ce fait, sinon que le parti clérico-ministériel est
occupé démolir nos conquêtes les plus essen
tielles de 1830
La nation est résignée mais elle n'en ressent
pas moins de honte, de voir ses droits et ses
libertés foulés aux pieds par la faction cléricale.
La défiance est entrée dans son sein. Elle n'a
pas oublié que ceux qui la trahissent main
tenant, se donnaient la révolution, pour les
plus chauds partisans de la liberté.
f
Nous concevons que M. Nothomb ne se soit
pas aperçu de l'irritation qui travaille le pays.
Il vit dans une sphère trop élevée et se trouve
entouré de gens qui ont intérêt l'induire en
erreur. Ceux qui vivent du budget, conservent
un air épanoui tant que l'état paie bien, et re
poussent avec un dédain égal celui qu'affec
tent leurs patronstout ce qui peut troubler
cette douce quiétude.
Que M. Nothomb daigne descendre parmi le
peuple d'où il est sorti, et dont il veut confis
quer les droits au profit d'une caste laquelle
il n'appartient pas et qui le répudiera. Il enten
dra dans quels termes on flétrit l'administration
dont il est le chef.
Serait-il vrai que pour certains hommes,
les adulations intéressées de ceux dont ils
servent les passions, soient une compensation
suffisante de la perte.de l'estime et de la con
fiance de leurs concitoyens
Les votes récents de nos mandataires la
législature font clairement ressortir les vices de
la loi électorale. Un seul, un honorable sénateur
a vraiment représenté l'opinion de la majorité
éclairée de ses concitoyens. Il a repoussé les
lois qui portent atteinte nos antiques fran
chises communales. Aussi est-il véritablement
l'élu du collège électoral de la ville sans alliage
campagnard.
De nos deux représentants, le premier s'est
fait l'aveugle instrument du parti clérical. La
question de l'organisation communale ne
pouvait être vidée assez tôt son gré. Par sa
position honorable et indépendante, il aurait
pu, nous paraît-il, prétendre ne pas se trou
ver la remorque d'un parti. Quand le temps
lui dévoilera les plans ambitieux et destructifs
de toute liberté de la faction cléricale, il re
grettera peut-être amèrement de l'avoir appuyée
de ses votes.
Quant au secondsa conduite doit nous
prouver qu'il est un des meneurs des réaction
naires. Il n'a pas épargné d'efforts pour arriver
une modification plus radicale encore de
l'organisation de la commune. La Belgique
n'aura point se féliciter du résultat des der
nières élections de l'arrondissement d Ypres.
Une réflexion doit nous consoler. Nos repré
sentants ne sont point les élus de la ville. Si
sous l'empire d'une autre loi électorale, la
majorité éclairée de la nation était vraiment
appelée choisir ses mandataires, pareil choix
serait impossible, et les lois qui consacrent les
garanties les plus sacrées du peuple belge, ne
seraient point le jouet de l'ambition d'un parti.
La loi qui autorise le fractionnement des col
lèges électoraux des villes, a passé. Le sénat, dans
la séance du 25, vient d'adopter le projet de la
réaction la majorité de 26 voix contre 15.
Ce vote n'excite point notre surprise. Nous
l'avions prévuquoique quelques personnes
conservassent encore l'espoir de voir celte loi
rejeltée par le sénat.
Ce pouvoir essentiellement modérateur serait
ainsi rentré dans la voie qui lui est tracée par
la constitution.
Mais ces conjectures ne se sont pas vérifiées
par le vote de cette branche du pouvoir légis
latif. Les réactionnaires enivrés de leurs triom
phes sur les libertés publiques, ne s'arrêteront
pas en si beau chemin. L'imprévoyance des
partis qui se laissent aller leurs passions du
moment, est incroyable. Aucune crainte, la pré
vision d'aucun malheur ne peut enrayer cette
ambition ardente de la faction, qui, pour par-
Indépendamment de la belle rade du Cap-Français, la côte du
nord, favorable aux atterrages par la profondeur de ses eaux, pos
sède encore le port du Mole-Saint-Nicolas, le plus sûr et le plus
vaste des Antilles. Malheureusement le pays qui l'entoure est
d une stérilité affreuse le sol, aride et inégal, n'offre pour toute
végétation que le câprier sauvage et la pudibonde sensitive qui
semble fuir dans ce désert les attouchemens des hommes; deloinen
loin on voit un cierge épineux dont les branches disposées en candéla
bres sont chargées de fruits mielleux, difficiles cueillir, et quelques
nopals abandonnés rappellent le souvenir d'un homme de bien, qui
sacrifia sa fortune et sa vie pour naturaliser la cochenille dans les
colonies françaises. Les essais de M. Thiery de Menonville n'ont
point,eu de résultats positifs; il mourut la peine. Il n'en a pas
moins bien mérité de son pays.
Les quartiers de l'ouest comprennent la vaste baie du Port-au-
Prince, ainsi que la plaine du Cul-de-Sae, arrosée par l'Artibonite
celui du sud est formé de la presqu'île montueuse qui correspond
la Jamaïque.
Cette belle partie des possessions françaises était autrefois cou
verte de sucreries et d indigoteries le cafier productif garnissait le
penchant des mornes jusqu'à leurs sommets la richesse avec ses
jouissances était le partage des heureux colons de ces quartiers, qui
affichaient un luxe oriental sur leurs habitations, abondamment
pourvues de toutes les commodités de la vie; mais, en général,
plus attachés la colonie qu'à la métropolela majeure partie
avait une prédilection marquée pour les Anglais, auxquels ils
livrèrent leur pays lors des troubles de la révolution.
Cette riante contrée fut, diverses époques, le théâtre de scènes
d'horreur que notre plume se refuse retracer. L'imagination la
plus déréglée ne saurait créer des formes de carnage plus hideuses
que celles qui furent inventées par la vengeance des sauvages
Africains pourquoi faut-il avouer que les blancs les ont imités
dans leurs funestes représailles? Un chef de mulâtres, tombé entre
leurs mains, fut cloué sur une charrette et promené dans les rues
du Port-au-Prince; il fut ensuite rompu sur la roue et jeté vivant
dans les flammes. Pendant la dernière guerre on vit, sur la place du
marché de la même ville, des chiens dévorer deux nègres attachés
un poteau, et ce, d'après les ordres d'un monstre qui déshonorait
l'uniforme de général français.
Une ramification des monts Cibao, très-avancée dans la mer,
forme le cap des Aiguilles, et sépare la presqu'île méridionale de
Saint-Domingue des vastes savanes de l'est. Dans un espace de 50
lieues de long sur dix de larges, cette région n'offre qu'un immense
plateau onduleux, de nature calcaire, souvent entièrement nu,
quelquefois recouvert d'une faible couche de terre végétale le
banc calcaire se prolonge sous les eaux une grande distance de la
côte ces hauts fonds, de nature rocheuse, 6ont couverts de fucus et
autres plantes marines nourriture ordinaire des tourtues, qui sont
très-abondantes dans ces parages.
Ces savanes sont incultes; on y trouve quelques haltesespèces
de métairies espagnoles où l'on entretient des bestiaux, et le seul
bourg d'Azua, établi au bord de la mer.
A l'extrémité de la plaine et l'embouchure de l'Ozaraa, on
aperçoit les tours de l'ancienne capitale de l'île espagnole, la seule
ville qui date de la découverte de l'Amérique; en abordant sur
cette plage, on recherche avec avidité tout ce qui a rapport ce
mémorable événement.
D'après les traditions, la ville de Sanlo-Domingo doit son origine
l'amour une fille indienne, éprise de l'Espagnol Diaz, lui indiqua
les bords de l'Ozama, et favorisa l'établissement des conquérans
dans cette contrée.
Il est remarquer que les femmes ont puissamment contribué
l'asservissement de l'Amérique; ce fut une Indienne qui procura
des vivres l'équipage de Christophe Colomb, lorsqu'il aborda les
Lucaïes; on counait la fameuse Marina, maîtresse et interprête de
Fernaud Cortès; les femmes du Darien sauvèrent Vasco Nunnez
et son armée, en dévoilant un complot formé pour les détruire; la
fille d'un cacique ouvrit la Floride Ferdinand de Sotto; enfin,
les colons français de la Louisiane furent préservés de la mort
par les femmes sauvages.
On doit moins attribuer cette prédilection du sexe au mérite des
Européens qu'à la condition misérable de ces femmes que les