JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. - N° 123.
DIMANCHE, 3 JUILLET 1842.
FEUILLETON.
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UITIRIEIB.
YPRES, le 2 Juillet.
Une absence complète de franchise caracté
rise aux yeux de tout homme impartialla
marche ascendante du parti clérical, vers la do
mination. Tous se souviennent encore de sa
conduite la révolution. 11 était alors plus
libéral que le parti qui s'était uni lui, pour
soustraire le pays la domination hollandaise.
Insatiable de libertés, on ne pouvait leur don
ner assez d'étendue. Mais déjà les chefs de ce
parti avaient entrevu les moyens d'accaparer
tous les pouvoirs et de garder pour eux toute la
puissance du gouvernement. Leur espoir s est
réalisé. C'est sous le manteau du libéralisme
qu'ils ont assouvi leurs appélits de domination.
Comment y sont-ils parvenus? L'hypocrisie,
l'intrigue et la mauvaise foi ont été pour la fac
tion cléricale des éléments de succès.
Après avoir surpassé les libéraux en manifes
tations libérales arrive l'encyclique, et leclergé,
de libéral qu'il se prétendait, faitvolte face dé
clare que les libertés de la pressed'examen et
des cultes sontexécrables, et que la liberté d'en
seignement ne peut être tolérée.
Depuis ce moment, le parti clérical, par des
menées sourdes et des intrigues ténébreuses
s'est appliqué fausser nos institutions, en at
tendant qu'il puisse les détruire. Qu'on nous
soutienne encore que la faction n'est pas soumise
aux ordresdu Vatican, non-seulementen matière
religieuse, mais même dans l'ordre politique
Nous sommes fondés croire n'en pouvoir
douter, que la faction prétend au monopole de
l'enseignement de tout son pouvoir. L'évêque
de Liège ne s'en est pas défendu, dans ses bro
chures. Et cependant entendre les organes de
ce parti il ne veut pas du monopole de l'en
seignement. Dieu les en préserve Ce n'est nulle
ment le but de ses désirs. Seulement il reclame
pour lui seul, le droit de nommer et de révo
quer les professeurs.
Afin que le pouvoir civil n'ait aucune objec
tion opposer, la faculté de payer les subsides
lui sera conservée. Mais là doit se borner son
intervention. L'évêque de Ljége a déclaré que la
mission du pouvoir civil ne.s'étend pas au-delà.
On voit d'ici que cela ne ressemble en rien
au monopole et ceux qui soutiennent que le
clergé prétend la direction exclusive de l'in
struction publique, sontmçlinstruits, puisque
le ciergé laisse l'état le soin de la subsidier.
C'est ainsi que dans le but de maintenir l'or
dre et l'union dans les communes, où aucune di
vision n'était signalée, la loi du fractionnement
a été volée.
Mais le désordre et la désunion existaient en
ceci le parti clérical ne comptait que peu d'ad
hérents dans les grandes communes et par con
séquent ne pouvait dominer, ni conduire les
affaires au gré de ses intérêts. Il s'indignait d'être
arrêté dans ses desseins par quelques grandes
villes, lui qui dominait le pouvoir central. Vite
une petite loi faisons la leçon cette majorité
bourgeoise, qui ne veut point subir notre do
mination; guérissons celte plaie sociale et la
loi qui donne la minorité le droit d'opprimer
légalement la majorité, fut votée. L'ordre ef
l'union sont rentrés dans le sein de l'opinion
cléricaledepuis qu'il possède les moyens de
briser la dernière résistance son oppression.
En voyant le parti clérical forcer un gou
vernement renverser ce qui existe depuis si
peu de temps et cela son bénéfice, on croirait
que cette opinion est au ministère. Eh non,
c'est un ministère libéral. M Nothomb, n'est-il
pas libéral, que vous faut-il de plus ne voyez-
vous pas que c'est dans l'intérêt du parti
libéral, que la loi communale a été modifiée;
dans le temps n'élait-il point partisan du pou
voir fort?
D'ailleurs la faction cléricale ne sent pas le
besoin d'être au ministère. Elle est excessive
ment désintéressée, pourvu quon fasse ses
affaires. Elle ne désire pas le pouvoir. Des
transfuges des rénégals lui obtiennent ce
qu'elle n'oserait point demander. Un homme
de paille fait quelque fois mieux nos affaire»
que nous-mêmes. Depuis que M. Nothomb, s'est
fait le Raton du parti clérical et relire pour lui
les marrons du feu, au risque de se brûler,
jamais l'action du gouvernement n'a été plus
faible etjamais la main du haut-clergé ne s'est
appesantie plus fatalement sur la nation.
Le$ journaux publient l'ordonnançe française
sur les toiles et les fils de lin. Les droits de 10
pour °j0 sont élevés approximativement 30
pour cent. C'est là un coup dont notre indus
trie linière déjà si malade, ne se relèvera pas.
On nous berce de l'espoir d'un arrangement;
le nouveau tarif ne serait point appliqué nos
produits, mais quelles conditions?
.Voilà une belle occasion pour nos ministres,
hommes dàffaires, de montrer leur savoir faire.
Eux qui auraient voulu remplacer les questions
politiques par la discussion des intérêts maté
riels, les voilà sur le terrain où ils ont appelé
le pays. Nous verrons maintenant s'ils oseront
forcer la France se répentir de la mauvaise
foi et de la déloyauté qu'elle met dans ses
relations commerciales.
Voici comment l'Observateur apprécie le
côté moral de celte mesure
La conduite du cabinet des Tuileries
notre égard est odieuse, elle respire la mau
vaise foi. Les concessions qu'il nous retire,
nous les lui avons payées par des avantages
équivalents. Or, pour nous rendre ce qu il
nous reprend, pour rétablir le statu quoil
exige de nouvelles concessions, il veut que
nous dessaisissions de tout ce que nous nous
proposions de lui offrir pour arriver la con
clusion d'un traité de commerce. En un mot, il
nous fait payer deux fois la même chose et
nous met dans l'impossibilité de payer les con
cessions nouvelles que nous désirerions lui
demander.
UNE AVENTURE DE CHARLES XII.
Ou l'avait soupçonné d'avoir eu une passion pour une
femme de sa cour; soit que cette intrigue fût vraie ou non,
il est certain qu'il renonça alors aux femmes pour jamais,
non seulement de peur d'en être gouverné, mais pour don
ner l'exemple se^ soldats.... Il résolut aussi de s'abstenir
de vin tout le reste de sa vie. Les uns m'ont dit qu'il n'a-
yait pris ce parti que pour dompter eu. tout la nature....
Mais le plus grand nombre m'a assuré qu'il voulut par là
se punir d'un excès qu'il avait commis et d'un affront qu'il
avait fait table une femme. (Voltaire Histoire de
Charles XIIliv. II.)
I.
Dans une salle du palais d'Edwige-Éléonore de Holstein, régente
de Suède, se promenait seul, grands pas, et dans une agitation ex
trême, un homme qu'il était aisé de reconnaître pour un des hauts
dignitaires du royaume, aux croix qui brillaient sur sa poitrine et au
large cordon qui se dessinait diagonalement sur les riches broderies
de son babit. C'était le comte Axel Sparre, un des ministres de la
veuve de Charles X. De temps autre il interrompait sa demande
pour se diriger avec impatience vers une fenêtre travers laquelle
il lançait un regard inquiet sur la place. Quelques régiments y ma
nœuvraient en ce moment en présence du jeune prince Charles.
Mais ce n'est point la vue de ce spectacle, d'ailleurs fort ordinaire
et souveut renouvelé, qu'il fallait attribuer l'émotion du comte; les
brusques contractions des muscles de sa figure, ses regards tour
tour éliucelauls et sombres, avides et découragés, ne pouvaient s'ex
pliquer que par l'attente de quelque grand mouvement dont l'ex
plosion était son gré trop tardive.
Un second personnage parut dans la salle; celui-ci était l'ambas
sadeur deFrédéric IVroi de Danemarck. 11 sortait de 1 appartement
de la régente, et sa phys'onomie, déposant au seuil le masque du
courtisan,laissait percer l'aise tous les signes d'une vive contrariété»
A peine eut-il aperçu le ministre, que, s approchant de lui, il l'en
traîna mystérieusement vers la fenêtre:
Nous perdons la patrie comte la reine refuse positivement.
Je le savais, monsieur l'ambassadeur ce refus avait été décidé
hier soir en conseil.
N'étions-nous pas convenus que vous feriez valoir les droits.de
Frédéric sur le duché de Holstein, et ne dtviez-vous pas présenter
la régeute l'imminence d'une guerre désastreuse pour la Suède, si
elle se refusait les reconnaître
Je l'ai fait, monsieur, et avec autant de chaleur que vous l'eus
siez pu faire vous-même. Mes efforts n'ont pu triompher de la sym
pathie de la régente pour le duc de Holstein, son parent. Ce serait
a-t-elle dit, une lâcheté de l'abandonner au moment même où il est
venu se jeter entre ses bras et implorer son appui la Suède est d'ail
leurs dans une situation ne pas craindre la guerre, de quelque
côté qu'elle lui vienne; et le troue de Charles XI est un dépôt quelle
saura remettre pur de toute souillure entre les mains de Charles XIF.
Ce sont de belles paroles et de nobles sentiments, monsieur le
comte, mais qui nous goûterontvous, le comté de Delmcnborst
moi celui de Pinnenberg.
Nous les aurons, monsieur l'ambassadeur,nous les aurons, si le
roi, votre maître, est fidèle sa parole car ce ne sera pas nous qu1
manquerons la nôtre nous avons promis de livrer le Holstein le
Holstein sera livré.
Malgré la volonté de la reine?
Par la volonté du roi.
Je ne vous comprends pas, comte.