JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 2e ANNÉE. N° 126. JEUDI 14. JUILLET 1842. INTERIEUR. FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 3-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout'ce qui -concerne la ré daction-doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progrès parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. YPRES, le 13 Juillet. L'ORDONNANCE FRANÇAISE DU 26 JUIN. La question l'ordre du jour est l'augmenta tion du tarif douanier français des droits d'entrée sur les toilesles fils de chanvre et de lin. Le pays s'en est ému. Députations des Conseils provinciaux et de Communes au Roi adresses au ministèrerien n'a été oublié pour exposer au gouvernement, la détresse qui me nace les habitants du nord et de l'est des Flan dres. Les tisserands forment dans ces contrées, le fond de la population des campagnes. L'in dustrie linière les faisait vivre. Ce commerce étaitdéjà bien déchu de son ancienne splendeur. Si on n'y met ordreles nouvelles mesures douanières de la France le réduiront rien. Fera-t-on des concessions, ou usera-t-on de représailles? La question est difficile résoudre. Le fait qui doit dominer cette négociation est la mauvaise foi de la Francequi nous retire les concessions que nous avions déjà payées. L'abaissement des droits sur les produits liniers a été provoqué en 1833, par la levée de la prohibition des draps et de quelques autres articles du commerce français. Nous n'avons rien changé notre tarif des douanes et la France aggrave le sien. Si on voulait user de représaillesnous croyons que le moment favorable est passé. Le ministère belge n'a-t-il pas été informé d'avance de la mesure que méditait le gouvernement français? Il aurait fallu son apparition, ac cueillir l'ordonnance française par un arrêté royal portant augmentation de droits sur les vins, les soieries, etc. Si, comme nous ne le mettons point en doute, l'ordonnanceeùt été rendue dans un but électo ral la position du ministère loin de se trouver améliorée, serait devenue pire. Les districts vinicoles s'attendent voir la Relgique faire des concessions. Trompés dans leur attente, ils eussent assailli le ministère français de récla mations incessantes et cela au moment des élections. Le gouvernement français a, parcelle mesure, quasi prohibé l'entrée des toiles et fils de lin il a nôn-seulement contenté l'industrie linière française qui voulait la prohibitionmais il a donné en même temps de grandes espérances deux industries qui se trouvaient en souf france. Le ministère belge en usant de repré sailles eût trompé les calculs du gouvernement français et peut-être en serait-on revenu au statu quo. Mais maintenant les élections seront faites, si elles lui sont favorables, le ministère français s'inquiétera peu d'avoir froissé dans ses intérêts la meilleure alliée de la France. En faisant des concessions, nous craignons que ce ne soit pour la France un appât de nouvelles exigences. Puis nous n'aurons encore que le statu quo qui était déjà ruineux pour notre industrie linière tandis que ces conces sions seront achetées par une diminution d'un million de francs au moins, sur le revenu de l'état. Nous sommes forcés regret de convenir que les faits signalés par un article communiqué, inséré dans le numéro de notre journal du 7 juillet, sont exactement vrais. Nous nous plai sions encore en douter, mais ils sonttellement certains, qu'on n'osera pas les dénier. Oui, il est prouvé que des ecclésiastiques de nos environs font courir le bruit qu'on admettra sans délai, les jeunes gens une première com munion, et qu'ils affectent la crainte d'être bien tôt envoyés en exil, et forcés d'abandonner leur troupeau. Si des personnes mettent encore la véracité de ces faits en doute, nous les engageons inter roger les habitants des villages qui environnent la ville, et dont les enfantsfréquentent les écoles dirigées par l'autorité ecclésiastique. 11 y a vingt cinq ans on eut flétri ces intrigues en les qualifiant de fourberie cléricale; mais nous sommes devenus tellement chatouilleux sur ce chapitre que souvent la - vérité même offense. Nous nous bornons donc exposer les faits en y ajoutant une simple réflexion. Les ennemis les plus acharnés de la religion catholique n'ont jamais trouvé le moyen de l'arracher du cœur des populations. En exploitant l'influence de la religion et des cérémonies religieuses au profit de leurs intérêts mondains, ceux qui s'en disent les défenseurs, sont occupés ruiner son action bienfaisante sur le peuple, et la faire tomber dans un discrédit d'autant plus profond que leurs manœuvres seront plus connues. CORRESPONDANCE PAR PIGEONS. M. Hennion nous a rendu le service d'en voyer des pigeons Rruges, afin de nous mettre même de donner de suite les nominations des membres de la Députation permanente. Un des messagers ailés, parti de Bruges 2 1^4 heures, est rentré une heure après Ypres, porteur du bulletin que nous transcrivons ici Bruges, 15 juillet. 2 1/4 heures. Tous les membres sortants de la députation ont été réélus. M. Donny remplace M. Deneckereà une forte majorité. Le conseil de guerre de la-Flandre-occiden- tale Bruges, dans sa séance du 1er juillet, a condamné le nommé Braeckman (Macaire) âgé de 23 ansné Nieuwkerke (Flandre- occidentale), soldat la 2e compagnie 2e ba taillon du 3e régiment, la peine de mort pour avoir, sans provocation aucune et sans être ivre, en rentrant de l'exercice du peloton de punitionporté dans le quartier au sergent Peeters, commandant ce peloton, un soufflet avec une violence telle, qu'il lui fit sortir le sang de la bouche et lui avoir en outre lancé son havresac la tête. DRE AVENTURE DE CHARLES XII. [Suite.) IV. Jamais peut-être les routes du parc de Jacobdal n'avaient été égayées j)ar les discours et les rires d'une aussi joyeuse réunion de chasseurs. Le comle Sparre avail choisi, pour accompagner le roi, les plus jeunes et les plus étourdis seigneurs de la cour. L'étiquette complètement mise de côté, chacun folâtrait et caracolait son gré; c'était, vrai dire, bien moins une chasse qu'une folle et bruyante partie d'écoliers en vacances, prenant leurs ébats hors de la portée de l'œil sévère du professeur. Charles avait lui-même dépouillé le masque sérieux qui couvrait ordinairement son visage il prenait part, avec toute la fouge de son âge, aux jeux et aux espiègleries de ses compagnons. On parla, 011 rit, on plaisanta beaucoup sur les der niers événements on applaudit surtout l'heureuse révolution qui substituait une aimable et jeune royauté une vieille et maussade régence on se félicita d'échapper enfin l'ennu^ d'une cour dans laquelle tout était raide et compassé comme celle qui la présidait; le temps des plaisirs et des amours allait renaître. Ce sujet amena naturellement l'entretien sur la jeune fille qui avait si étrangement figuré dans la solennité de la veille ce fut qui exalterait les grâ ces et la beauté de Christine elle avait un front si pur, un sourire si affable et tant de douceur dans le regard, que certainement on de vait s'attendre la voir bientôt transformer un sceptre de plomb en un sceptre de roses. Les allusions devinrent si pressantes et si multi pliées que Charles, ne pouvant plus s'y méprendre, essaya, dans un premier mouvement de loyauté, de dissiper une erreur qui portait atteinte la bonne réputation de sa protégée. Mais on refusa de le croire on attribua ses dénégations une modestie mal entendue. Pour l'encourager, on lui mit sous les yeux les amours de tous les monarques de l'Europe; on alla jusqu'à lui citer l'exemple, quoiqu'un peu suranné, de son cousin le roi de France; enfin on fil si bien que Charles sentit son imagination se monter, et que, non-seulement par amour-propre, mais encore dans le désir d'arriver de la supposition la réalité, il laissa, par son silence, croire tout ce qu'on voulut. Voyant que de ce côté tout marchait souhait pour la réussite de ses projets, Sparre ralentit sans affectation le pas de son cheval; puis, quand il jugea que les chasseurs, enfoncés dans les détours du parc, ne pouvaient plus l'apercevoir, il tourna bride et suivit en galo pant, l'avenue qui conduisait au château. Christine donnait un dernier coup d'œil aux apprêts du goûter du roi, lorsque le comte entra elle alla avec empressement sa ren contre Ah! monseigneur, lui dit-elle, je suis aise de vous voir! Hier vous ne m'avez pas laissé le temps de vous remercier; souffrez qu'au jourd'hui je vous témoigne ma reconnaissance. Ne parlons plus, Christine du léger service que le hasard m'a procuré le bonheur de vous rendre. Il s'agit aujourd'hui d'une affaire bien autrement importante et dans laquelle les rôles seront changés car c'est moi qui serai le protégé, et c'est vous qui serez la protectrice, si vous voulez m accorder cette faveur. Si je le veux!... mais c'est une plaisanterie, M. le comte... Pour être utile un grand seigneur comme vous, quel est donc le pouvoir de la pauvre Christine Le pouvoir de Christine n'aura d'autres limites que celles qui lui seront imposées par sa volonté. Vous voulez vous jouer de ma simplicité franchement, mon seigneur, ce n'est pas bien.

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Le Progrès (1841-1914) | 1842 | | pagina 1