JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
DIMANCHE, 31 JUILLET 1842
2* ANNÉE. N° 131.
CONSO.
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INTÉRIEUR.
YPRES, le 30 Juillet.
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
La vérification des pouvoirs de MM. Savart-
Martel et Dechamps n'a donné lieu aucune
opposition. La Chambre a validé ces deux élec
tions Mais quelques membres de la majorité se
sont permis de jeter le blâme sur les opérations
électorales des collèges d'Athetde Tournay. M.
de Mérodequi, ce qu'il paraîtporte toujours
rancune aux électeurs de Nivelles, pour ne l'avoir
nommé qu'à une demi voix de majorité, a cru
pouvoir avancer que plusieurs tentatives de
meurtres avaient été commises l'occasion de
l'élection de M. Dechamps.
Voyez donc comme les électeurs ont voté sous
l'influence de la terreur électorale. Cela expli
que on ne peut mieux, comme quoi le candidat
du clergé n'a eu qu'une majorité de cinq voix.
C'était la peur qui empêchait les honnêtes gens
de réélire M. Dechamps une immense majo
rité. Heureusement pour les Athois si mal traités
par M. de Mérode,le ministre de la justice a dit
la tribune que les faits avancés étaientexagé-
rés, qu'un seul acte de violence avait été commis
et que la justice en était saisie,
M. Dumortier a suivi M. de Mérode la tri
bune. Il a fait un sombre tableau des intrigues
qui ont été ourdies pour faire échouer la can
didature de M. Dechamps. A de pareils méfaits
il n'a trouvé qu'un seul remède, et c'est le frac-
tioimement des collèges électoraux d'arrondisse
ment.
Ce remède a paru trop violentau ministre de
l'intérieur qui s'est hâté d'en indiquer un
autre. Il a insinué que si les libéraux conti
nuaient intriguer avec un succès croissant,
et de manière infirmer les intrigues de leurs
adversaires, alors il deviendrait nécessaire de
voter une loi sur la fraude électorale.
On doit sentir que ce moyen est infiniment
FEUILLETON.
IGNACE DE LOYOLA,
FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS.
Voyons quel fut ce personnage singulier, fondateur d'une société
puissante qui, pendant deux siècles a exercé tant d'ascendant sur les
affaires d'Europe et d'Amérique, et qui, malgré la grande muraille
et les douaniers de Canton, a étendu son influence tracassière jus
qu'en Chine.
Il existe trente-deux biographies de Loyola. Voltaire et Bayle
ont commenté sa vie, sans la comprendre. Tous les écrivains qui
se sont occupés d'hagiologie ou d'histoire ecclésiastique, ont parlé
d'Ignace. Les superstitieux l'ont porté aux nues. Les jésuites l'ont
assis auprès du Père Éternel les jansénistes l'ont rejeté dans les
limbes. Les philosophes se sont moqués de lui. Est-il jugé cepen
dant? Conuait-on cette étrange existence Sait-on combien de
vertu se cachait sous cette folie, combien d'extravagance s'alliait
cette haute vertu? Non. La plupart des sentences historiques appel
lent une révision. Dictées étourdiment par les passions et les pré
jugés, c'est leur empreinte qu'elles portent non celle d'un examen
candide et sévère;
meilleur. Il pourrait être appliqué avec rigueur
l'opinion jjbérale, et laisser le champ libre la
faction jalouse de posséder seule le droit de ca
lomnier dite d'expert.
Enfin le mot de fractionnement est lâché. Il
portera ses fruits. On ne le veut pas maintenant,
l'essai n'en a point encore été fait. Mais que le
parti clérical réussisse, l'aide du fractionne
ment, modifier son avantage les conseils
communaux qui lui sont hostiles, ses organes
ne cesseront de s'extasier sur les bons effets d'une
loi qui a ramené l'union dans la cité, ce qui
veut dire que la faction est parvenue dominer
la commune. Cette loi si excellente, si favorable
au parti clérical, devra nécessairement tre ap
pliquée aux collèges électoraux d'arrondisse
mentdans l'intérêt des honnêtes gens. C'est
ainsi que la faction qualifie ses adhérents.
Peut-être la trouvera-t-on seulement utile
aux arrondissements où le parti clérical est
menacé de ne plus pouvoir faire réussir ses
candidats. Et cela ne serait pas plus extraordi
naire que le fractionnement appliqué aux seules
villes, au nombre de vingt,;ayant plus de douze
mille habitants. Oui, mais la faction ne pouvait
courber la Bourgeoisie de ces grandes communes
sous son joug, et lui faire adopter ses candidats.
Voilà qui explique clairement le régime excep
tionnel établi pour les cités de douze mille
âmes.
Comme nous l'avons annoncé dans un de nos
précédents numéros M. François Roffiaen
notre jeune paysagiste, a exposé durant quel
ques jours l'hôtel-de-ville, deux des tableaux
qu'il a peints dans le courant de cette année.
M. Roffiaen est un artiste consciencieux
aucune étude ne lui coûte, quand il s'agit de
perfectionner son talent.
L'été passé, notre jeune compatriote a sé
journé dans les Ardennes, et c'est sous l'inspira
tion des beautés que ce pays pittoresque présente
Ignace est un Don Quichotte réalisé; il est la religion ce que le
héros de la Manclie est la chevalerie. Ce dernier n'a existé que
dans le cerveau créateur de Cervantes. Ignace a fondé une immense
république chrétienne. D'autres feront l'histoire du jésuitisme et
analyseront les préceptes qui ont favorisé ce développement. C'est
le maître, le chef, l'organisateur de cet institut, qui nous semble
digne de toute Dotre attention. Au moment où le christianisme, at
taqué dans ses dogmes mystérieux, voyait éclore la critique ration
nelle sous laquelle il devait succomber, Ignace naissait, chevalier de
la Vierge, soutien du christianisme chancelant, animé d'un enthou
siasme aussi ardent que celui dont le paladin le plus dévoué au culte
de sa belle et de son roifut embrasé au moyen-âge. Son berceau
était l'Espagne, pays de chevalerie et de catholicisme la seule con
trée qui pût donner au monde un pareil exemple. Pèlerin ridicule,
fanatique insensé, poursuivi d hallucinations extatiques, mais persé
vérant, hardi, imperturbable dansson dessein, il se livre la risée,
digne sujet de comédie et de satire, vous pouvez, philosophes, nous
montrer ses liailloris, sonsoapulaire, sa raison troublée, ses ballades
la mère de Dieu, son bourdon etses sandalessouillées. Mais, en dépit
de tant de ridicule et de déraison, il a rempli sa tâche; il a dépassé
même le but de*sa vocation ce fou a raffermi la tiare, ébranlé des
chaque pas, qu'il a composé le grand tableau
qu'il nous a été donné d'admirer, et qui doit
figurer la prochaine exposilion de Bruxelles.
Durant l'hiver M. Roffiaen s'est .enfermé dans
la belle galerie de M. Vanderschriek Louvain
il y a copié un tableau célèbre, le fameux été de
Koekoèk c'est la seconde des toiles exposées par
notreartiste." Nous aimons donner quelques
détails sur les travaux de notre jeune compa
triote, car ses efforts comme chacun pu en
juger, sont couronnés du plus beau succès. La
copie du tableau de Koekoek est parfaite, et
rappelle l'original d'une manière admirable.
Quant la grande toile qui a été exposée
nous nous contenterons de dire que la compo
sition en est belle et pleine d harmonie la
couleur en est vraie, n'a rien d'exagéré, et les
détails sont d'une perfection telle, qu'il serait
difficile de trouver un ouvrage plus achevé.
En terminant, nous croyons devoir approuver
hautement la bonne idée de M. Roffiaen qui
paraît décidé exposer chaque année Ypres
un ou plusieurs de ses tableaux c'est en sou
mettant ses œuvres au jugement du public, que
M. Roffiaen mettra ses compatriotes même
de constater ses progrès rapides alors nos
magistrats municipaux, fiers des succès de leur
jeune pensionnaire, seront heureux de l'appui
bienveillant qu'ils lui accordent.
Plusieurs fois déjà nous avons entretenu nos
lecteurs de l'institution d'un conseil de prud'
hommes. Nous avons fait connaître la loi qui
en autorise l'établissement. Cette institution est
attendue avec impatience par nos industriels
pourquoi l'autorité chargée de l'exécution de
cette disposition législative utile, tarde-t-elle
établir les conseils des prud'hommes
inxg)«!»
La bibliothèque publique de cette ville vient
de faire l'acquisition d'un grand nombre d'ou
vrages parmi lesquels se trouve la grande
trônes, tué des rois; utile ou malfaisant, il a laissé une trace profon
dément historique. Aujourd'hui que le monde n'a rien craindre
des idées superstitieuses qui ont établi sa puisssance, on peut le dire
sans danger et sans scrupule, la carrière que César et Mahomet ont
parcourue n'est pas plus merveilleuse que celle d'Ignace de Loyola.
C'était Tépoqne de ce grand renouvellement religieux et poli
tique, qui remua, pour ainsi dire, le monde endormi c'était au com
mencement du seizième siècle que devait naître le héros bizarre
mais puissant, dont nous allons parler. Antagoniste de Luther, il fut
le champion delà foi, comme le moine allemand fut le type de la
critique appliquée aux matières religieuses. D'autres traceront le
portrait de cet athlète qui, du fond d'un cloître sapa les bases du
trône papal noire tâcheplus difficile peut-être, sera de montrer
quelles circonstances permirent son adversaire Ignace de préparer
l'arc-boutant immense dont ilétaya le catholicisme. Force magique
de la pensée! Un mendiant et un moine sont les deux, moteurs de
ce grand drame. A Luther et Loyola se rapportent tous les événe
ments dont cette époque est remplie autour de Loyola se groupent
la ligue, la révocation de l edit de Nantes, la prépondérance de l'Es
pagne. Autour de Lutherl'influence du protestantisme, le déve
loppement des études publiquesle progrès de la critique moderne,