JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. - N° 138.
JEUDI, 23 AOUT 1842.
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YPRES, le TA Août.
De toutes les prétentions du clergéla plus
exorbitante, notre avis, est celle de réclamer
pour lui seul, le droit de censurer les livres des
tinés l'enseignement. Mais les représentants
de la faction n out pas eu beau jeu pour soute
nir les soi-disant droits du clergé. L honorable
M. Verhaegen a mis la question sur son vérita
ble terrain. Non-seulement il a prouvé par un
grand nombre de ttxtes tirés des éditions les
plus récentes, que les ouvrages employés dans
les séminaires étaieut contraires notre Consti
tution, mais qu'ils étaient en outre immoraux
et anti-sociaux.
Nous n'avons nullement besoin de répéter les
preuves qu'il a données. Tous ont pu les lire
dans le compte-rendu des séances de la cham
bre. Si on inculque de tels principes la jeunesse
consaci ée au sanctuaire, de quel droit un prêtre
viendrait-il censurer les livres destinés I édu
cation de la jeunesse? Aussi M. Verhaegen, con
séquent avec lui-même, voulait-il accorder au
clergé le droit d'examiner les livres qui traitent
de morale et de religion mais il demandait
aussi le même droit pour le pouvoir civil.
Rien ne paraît avoir soulevé plus de haine
et de bile que les discours de M. Verhaegen
sur les matières de l'enseignement primaire. Le
parti clérical est furieux de se voir démasqué.
Aussi ses journaux ont-ils attaqué l'honorable
représentant de Bruxelles, avec une violence et
une haine qui doivent prouver que le parti a
été touché au vif. Ne pouvant en réfuter le
fond, les adversaires de M. Verhaegen ont at
taqué la forme de ses discours. Un l a accusé
d excentricité. Mais quand on combat aussi
franchement un parti quand on lui met sous
les yeux ses erreurs et même ses crimeson
doit s'attendre être poursuivi de violentes
clameurs, car il n'y a que la vérité qui blesse.
M. Verhaegen, en déroulant aux yeux de la
nation, les tendances, les fjlans et les doctrines
politiques du clergé, loin dé devoir être blâ
ménous paraît mériter leÀ ifëlieitalioris de tout
homme indépendantsur le succès de son œuvre.
M. Dumortier ne laisse passer aucune occa
sion, sans reprocher au libéralisme d'avoir mis
les armes la main aux Fieschi, aux Meunier,
aux Alibaud. aux Quenissetf. Ce sont des ac
cusations sans preuves, et qui ont pour but de
rendre les libéraux odieux, en les repiésentant
comme capables de tous les crimes.
Nous croyons que M. Dumortier. dans l'in
térêt du parti qu il défend, attrait mieux failde
ne point adresser, sans preuves, ces accusations
l'opinion libérale, d autant plus que souvent
le fanatisme a mis le poignard la main de mal
heureux égarés et leur a fait commettre des
crimes affreux.
Nous rappellerons ici l'assassinat de Guillaume
1er par Ballhazar Gérard, encouragé par un do
minicain; celui de Henri III par Jacques Clé
ment. dominicain, que la Sorboimea voulu faire
canoniser et dont le pape Sixle-Quitil a pro
noncé I éloge en plein consistoire.
La tentative d assassinat de Jean Chatel sur
la personne de Henri IV et le meurtre de ce bon
roi par Bavaillac. ne doivent pas être oubliés.
Tous deux avaient été excités au crime par les
Jésuites qui alors trouvaient utile d'enseigner
qu'il est junte de tuer les t ois impies.
Nous passerons sous silence la tentative d'as
sassinat de Da miens sur la personne de Louis XV.
Nous avons trouvé utile de rappeler ces faits
historiques pour prouver aux adhérents de
certain parti que quand une faction a se re
procher de pareilles peccai/tlleselle est très-
mal venue d'accuser ses adversaires de méfaits
que jadis elle-même a commis.
Les chaleurs excessives que nous éprouvons
depuis plus de deux mois commencent inspi
rer des craintes sérieuses relativement l'état
sanitaire de notre ville; l'appréhension est d'au
tant plus fondée que la diselte d'eau se fait déjà
sentir, et que celle qui nous reste est généra
lement de qualité médiocre. Dans cet état de
choses, l'autorité a pris une sage mesure, en ne
tolérant l'usage des pompes publiques, qu'à
certaines heures tle la journéeet en présence
d'un délégué de la police. C'était la seule voie
que l'on put suivrepour empêcher que les
deux tiers au moins du liquide précieux., pro
digués en pure perle, n'allassent alimenter les
jégouts de la ville, comme cela arrive com
munément.
Nous applaudissons vivement cet acte de
prudence de nos magistrats, et nous ci oyons
nous associer leurs bonnes intentions, en leur
signalant un autre objet d'intérêt public:
Nous n'avons pas aperçu jusqu'ici que l'on
ait prescrit de faire museler les chiens; la me
sure devient urgente cependantcar les fortes
chaleurs et le manque d'eau sont des causes
efficientes du développement de la rage, cher
ces animaux. Déjà mêmedans quelques loca
lités, 011 a eu des malheurs déplorer Po-
peringbepar exemplesi ce qu'on nous a
rapporté est exact, plusieurs personnes auraient
été mordues 11 importe donc de prévenir les
accidents que pourrait occasionner l'impré
voyance. Nous sommes convaincus du reste
qu il suffira d'avoir signalé le danger, pour que
I autorité se hâte de le prévenir, en décrétant
comme dans d autres villes, Courlraipar
exemple que chacun ail museler ses chiens.
Mardi dernier, trois heures de relevéea
été faite la Distribution des prix aux élèves du
Collège épiscopal.,
La solennité s'est ouverte par la représenta
tion d une pièce de théâtre qui pourrait bien
avoir pour titre: L art de se moquer des vieilles
gens. Il est vrai que le programme donnait
LE ROCHER DE ROSEHFELD.
I.
De tous les pays de l'Europe, la Suisse est celui où la nature pré
sente l'aspect le plus varié. L'on y rencontre chaque pas des con
trastes surpreuauts-, dans une même journée,on parcourt des régions
où l'on ressent le froid glacial de la Sibérie, et d'autres où règne là
température agréable des contrées méridionales. Des montagnes gi
gantesques, recouvertes de neiges éternelles, dominent des vallée3
dontl'aspect et la température diffèrent essentiellement. Les unes si
tuées au sud sont abritées et garanties du froid par un boulevard formé
par la nature. Elles renferment des villages riants, de vastes champs
de bled, de vertes prairies où paissent de nombreux troupeaux.
L'air y est pur et calme, la végétation magnifique, les arbres sont
touffus et majestueux. Dans ces vallées bienheureuses, l'on récolte
•n abondance les fruits de l'automne, tandis qu'à peu de distance
au revers septentrional de ces montagnes dont Taspeot glace d'effroi,
s« trouvent d'autres vallées où règne encore un hiver rigoureux.
Lè, le veut du midi si doux, ai bienfaisant, ne yient jamais adou
cir la rigueur d'une températuie froide; d ép.iis nuages ebseu cis-
seut sans cesse le ciel, et empêchent les rayons du soleil de réchauffer
une terre avide et cou verte tle neige pendant une grande pallie de l'an
née. Ces contrées iucul tes sont cependant habitées, ceux qui y ont vu le
jour les abandonnent rarement, tant est grand chez l'homme l'at
tachement au sol natal. Rien, en effet, ne peut remplacer les lieux aux
quels se rattache le souvenir des joies si simples et si douces du
jeune âge, et le séjour le plus affreux est embelli par le bonheur que
font éprouver le» jouissances de la vie de famille.
Si vous visitez le cautou des Grisous, vous trouverez au pied du
rocher de Rosenfeld, une de ces contrées sauvages que l'on rencontre
en Suisse.
Quelques chalets éparpillés au fond d'une vallée, composent le
hameau de Eisdorf. Ces habitations sont entourées de ravius pro
fonds formés par les avalanches, de mines de rocher dont l'aspect
offre la vue, l'image Gdele d'une scène de mort et de désolation.
Le touriste qui parcourt ces lieux, est surpris de voir des habita
tions dans un endroit où il aurait pu rencontrer seulement les antres
de quelques animaux sauvages. Là, règne une grande partie de l'an
née la saison des glaces et des autans furieux.
Le rocher de Rosenfeld domine cette sombre vallée son sommet
couvert de neiges, se perd dans les unes ses flancs dépouillés de toute
végétation, sont déchirés par de profondes crevasses.
Uu sentier éboit et peine frayé permet aux habitants du pays de
franchir ce mont; c'est la seule roule qui conduise la petite ville
de Mayenfeld, moins qu'eu faisant un long détour, ou ne tourne le
rocher. Ce sentier n'est pas sans danger pour le voyageur qui se ha
sarde le suivre. Il est bordé de gouffres et de précipices recouverts
d'une neige trompeuse. L'on aperçoit en divers endroitsdes quar
tiers de rocher menaçants qui semblent prêts se détacher. Plus on
approche de son sommet, plus la neige devient solide, le fioid aug
mente d'intensité, et ses effets funestes viennent accroître les dan
gers qu'entourent les pas de celui qui suit ce chemin escarpé.
Lorsqu'après bien des efforts, l'on est parvenu la cime glacée du
ce rocher, et qu'on porte ses regards vers le sud, alors la scène
change complètement d'aspect c'est la nature la plus riante qui se
déroule la vue. L'on aperçoit la jolie petite ville de Mayenfeld,
située peu de dislance delà rivedioile du Rhin^ l'issue de la
magnifique vallée de Retigau, l'une des plus fertiles du canton des
Grisons. La nature et les hommes semblent s'être réunis, pour rendra
cette vallée belle parmi les plus favorisées.
Tout y respire la joie tt l'aisance tes habitations tout jolici et