JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 139.
DIMANCHE, 28 A0UT 1842.
Feuilleton «lu Progrès.
On s'abonne Ypres, rue du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
Tout ce qui concerne la ré
daction doit être adressé,franco,
l'éditeur du journal, Ypres. -
Le Progrès paraît le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
INTEBIEUB.
YPRES, le 27 Août.
Les projets du parti dominant sont entière
ment démasqués. Nous nous doutions bien que
le clergé n'eut pas abandonné facilement sa
proie. Il réclamait comme sien, le droit de
nommer et de révoquer les instituteurs. La
prudence a ordonné le retrait de cette pré
tention. Mais une autre l'a remplacée. On veut
maintenant la direction exclusive des écoles
normales du gouvernement. De par le principe
que l'instituteur est toute l'écolec'est de lui
qu'on veut s'emparer, c'est lui qu'on veut fa
çonner.
C'est encore l'impatient et le libéral comte
de Mérodequi est monté la tribune, pour
faire celte proposition non équivoque. Le mi
nistre de l'intérieur et le rapporteur de la section
centrale ont reculé devant l'énormité de la
hardiesse du noble comte. Ils ont vivement
repoussé cet amendementmais cependant le
ministre a ajouté, probablement pour satisfaire
ce noble et dévoué champion du clergéque
souvent il aurait bien pu en être ainsi dans la
pratiquemais qu'il voulait conserver au gou
vernement sa liberté d'action.
C'est encore au nom de la religion et de la
morale que celte nouvelle prétention a surgi.
On ne veut pas le monopole, on le repousse
avec frayeur, mais le clergé doit régner en
despote dans toutes les écoles du gouverne
ment. Si on ne satisfait pas tous ses caprices,
il se relire et l'école est fermée. Le gouverne
ment et la commune en payent les frais et la
véritable direclion appartiendra au parli qui
domine momentanément le pays.
On accorde au gouvernement deux écoles
normalestaudis que le clergé en possède huit
et encore prétend-on exiger qu'un ecclésiastique
en ait la direction exclusive, sous la surveillance
du gouvernement.
La loi en discussion n'est pas une loi en
faveur de l'enseignement primaire, on l'a déjà
dit, mais bien contre cet enseignement organisé
par les provinces et les communes. Le gouver
nement a délégué au clergé qui ne demande
pas mieux, une de ses plus nobles attributions,
celle d'instruire et de former des citoyens.
Mais si la génération nouvelle qui reçoit son
éducaticm dans les établissements du clergé, ne
possède peut-être pas toute l'instruction qu'on
pourrait exiger, en ce siècle de lumièresen
revancheon en fait de bans catholiques. On
leur enseigne avec soin, certains commande
ments, non pas ceux que vous ou moi nous
connaissons, mais quelques préceptes l'usage
de certains prêtres dont les principaux sont
je crois, de montrer une obéissance passive aux
membres du clergé et de leur donner in arliculo
tnortis tout son biende peur qu'il ne tombe
en de méchantes mains.
N'est-ce point le cas de se demander où
donc la morale et la religion vont-elles se
nicher
Dans une des dernières séances de la chambre,
M. Verhaegen a demandé la parole pour inter
peller le ministre de la guerre, sur un dépôt de
poudre qui se trouve la porte de Hal, depuis
la découverte du complot de 1841. 11 a exprimé
les inquiétudes des habitants de ce quartier, et
faiteonnaître leur intention de pétitionner, pour
demander le déplacement de ce dépôt.
Nous avions l'espoir que nos honorables re
présentants eussent saisi cette occasion pour
faire connaître qu'à Ypres, il existe un magasin
poudre bien autrementdangereux. Mais point,
aucun de nos mandataires n'a demandé la parole
et cependant, c'était le cas de parler et de rendre
un service signalé la ville.
11 est certain que si le ministre de la guerre
était bien informé du danger et des malheurs
effroyables qu'un accident peut occasionner,
il s'empresserait d'ordonner l'évacuation de ce
magasin.
11 contientdit-on, maintenant 60,000 kilo
grammes de poudre et son enceinte extérieure
ne se trouve séparée des maisons que de la lar
geur d'une rue.
Qu'on nous indique un magasin poudre
dans une ville de la Belgique, ou même de la
France qui ait une position plus menaçante Si
jamais il venait sauterla moitié de la ville
serait abîmée.
Aussi le gouvernement l'a-t-il senti. Peu de
tempsaprès la révolution, unautre magasin fut
approprié et jusqu'en 1841, ce dépôt de poudre
se trouvait l'extérieur de la ville.
Messieurs nos honorables représentants se
considèrent tellement comme un produit du
cens campagnardqu'ils ne croient même pas
devoir prendre la parole, pour faire une de
mande qui rendrait aux habitants d'un quartier
notable de la ville, la sécurité qu'un voisinage
aussi dangereux leur a enlevée.
«oeuui—u
Par les fortes chaleurs que nous avons depuis
quelque tempsil nous semblfe que la police
municipale devrait défendre aux tripiers sur
tout, d'étaler sur la devanture de leur maison.
En aucun temps, il n'est très-agréable de voir
pendues le long de la voie publiqueles issues
des animaux tués la boucherie. Mais actuelle
ment les inconvénients sont plus graves. Au
bout de quelques heures d'exposition au soleil
ardent de cette saison, ces objets exhalent une
odeur pestilentielle excessivement incommode
aux voisins, et capable de compromettre la sa
lubrité publique.
Quelques personnes se plaignent depuis long
temps de cet abus. Nous croyons que la police
se hâtera de le faire cesser et prendra toutes les
mesures nécessaires qui sont réclamées dans l in-
térêt de l'état sanitaire de la ville.
Monsieur Benoit Annoot, ancien élève du
collège communal de cette ville, vient de passer
devant le jury, son examen en sciences physi
ques et mathématiques, (épreuve préparatoire),
avec mention honorable.
Oslende vient encore d'être le théâtre d'un
fait qui rappelle la déplorable affaire de M.
Dietz mais ici le mari a été beaucoup plus
sage.
D'après ce que nous avons appris et que nous
croyons exactquoique ne venant pas d'une
LE ROCIIER DE ROSENFELD. (Suite.)
III.
L'hahitatioh du vieux Hesserlcypère d'Oswald,se distinguait
parmi toutes celles du hameau; elle était située daus la partie la
moins stérile de la vallée, et présentait la vue un aspect d'aisance
et de confortable, qui formait contraste côté des autres objets qui
l'entouraient. Le vieux Hesserlcy possédait les troupeaux les plus
beaux et les plus nombreux de toute la contréeet était parvenu
réaliser une fortune assez considérable.
A l'heure où Oswald s entretenait ainsi avec Emrayil était assis
dans un grand fauteuil en cuir, au coin d'une cheminée antique où
brillait un feu bien nourri qui répandait cette douce chaleur, symp
tôme du froid au dehors.
L'ameublement de la chambre où il se trouvait, était simple mais
d'une propreté qui réjouissait l'œil sur une table recouverte d'une
nappe blanche était placé le repas du soir. "Une grande soupière en
faïence pleine de lait dans lequel nageaient des tranches de pain,
différents fromages, du beurre, du pain d'une grande blancheur,
formaient tous les mets destinés cçtte collation.
Hesserley, appuyé sur le dossier de son siège, les yeux demi
fermés, la tête penchée sur la poitrine, venait de terminer la lecture
d'un chapitre de la bible, suivant son habitude de chaque soir, lors
que le bruit de la pendule qui sonnait neuf heures, vint le tirer de
l'état de calme parfait où il était plongé. Peu d'instants après, la porte
s'ouvrit et Oswald entra.
Le vieux Hesserley jeta sur lui un regard courroucé et lui dit
avec humeur
Eh bien! tu viens sans doute encore de chezEmmy; malgré
ma défense, tu continues la voir.
Oui, je viens de chez Emmy, interrompit Oswald, je l'aime plus
que jamais, et je sens que je ne puis vivre si vous ne consentez nous
unir l'un l'autre.
Qu'avez-vous lui reprocher n'est-ce pas une fille bien élevée et
Vertueuse
A la vérité, son père en mourant l'a laissée sans fortune; mais il lui
a légué un nom honorable, car c'était un brave et ancien officier au
quel vous devez la vie.
Avez-vous oublié ce jour où, entouré de nombreux ennemis,
couvert de blessures, vous alliez succomber, lorsque le père d Emmy
qui combattait vos côtés, vous chargea sur ses épaules et vous trans
porta travers une grêle de balles, loin du champ de carnage Jadis
vous m'avez souvent conté cette histoire et cepeudant aujourd hui
que l'occasion se présente de vous acquitter d'un bienfait aussi
grand de payer la fille la dette sacrée de la reconnaissance con
tractée envers le père, vous restez sourd mes prières, mes larmes
votre cœur n'est point touché des chagrins cuisants que vous pré
parez un fils, l'unique espoir et la consolation de vos vieux ans.
La passion est aveugle, Oswald, et tu me remercieras un jour
d'avoir empêché une union qui ne peut te convenir. Emmy, la vé
rité, a plus d'un titre ma bienveillance, mais tu le sais elle est
sans fortune je te destine la fille du riche Miller, de Mayenfeld.
C'est un parti convenable et qui fera honneur notre famille.